Devant le clergé de Rome, le 2 mars 2017, dans la basilique Saint-Jean-du-Latran, le pape François a médité sur le « paradoxe » de la foi de Pierre, « pas si admirable », mais instrument pour confirmer celle des autres. « Un prêtre ou un évêque qui ne se sent pas pécheur, qui ne se confesse pas … n’avance pas dans la foi », a-t-il mis en garde à l’occasion de la rencontre traditionnelle de début de Carême.
Accueilli par des applaudissements chaleureux à son arrivée, il a d’abord confessé une quinzaine de prêtres de son diocèse. Puis le pape a prononcé une méditation sur « la croissance de la foi dans la vie du prêtre », depuis un bureau placé devant l’autel de la cathédrale romaine.
Le pape a notamment médité sur la figure de l’apôtre Simon Pierre : Jésus, a-t-il fait observer, lui a souvent reproché son « peu de foi », mais il a prié pour que sa foi ne défaille pas (Lc 22,31-32).
La foi de celui qui a la mission de confirmer les autres est une foi « éprouvée », a-t-il ajouté en soulignant ce « paradoxe » : elle est « moindre » et « plus lente » que beaucoup d’autres dans l’Evangile, elle a « des moments de grandeur », suivis de moments « de grande erreur, d’extrême fragilité et de total désarroi ».
Ce paradoxe est exprimé aussi dans la « tension » entre ses deux noms : Simon « le pêcheur, le pécheur, l’ami » et Pierre « le Roc … qui paît les brebis ». Cette tension permet au premier pape de « se décentrer » de lui-même et de faire de Jésus son « unique centre ».
La conscience d’avoir « peu de foi » et « l’humilité » de se laisser aider par Jésus conduit à « une saine estime de soi » qui permet de « confirmer les autres » dans la foi, a estimé l’évêque de Rome. La foi de Simon Pierre est « une foi que l’on peut partager, peut-être parce qu’elle n’est pas si admirable. La foi de quelqu’un qui aurait appris à marcher sur les eaux sans tribulations serait fascinante, mais nous éloignerait ».
De même les prêtres doivent se reconnaître pécheurs : « un prêtre ou un évêque qui ne se sent pas pécheur, qui ne se confesse pas, se ferme sur lui-même, n’avance pas dans la foi », a-t-il averti.
La tentation la plus insidieuse
La tentation est toujours présente dans la vie de Simon Pierre, a poursuivi le pape. « Il nous montre en personne comment grandit la foi en confessant et en se laissant mettre à l’épreuve ». La plus grande tentation de l’apôtre étant « de se croire indigne d’être l’ami de Jésus parce qu’il l’avait trahi ».
C’est pourquoi non seulement Jésus lui a pardonné mais il lui a demandé par trois fois s’il l’aime « plus que ceux-ci », s’il l’aime « vraiment » et s’il l’aime « comme ami » (Jn 21,15-19).
« La tentation la plus insidieuse du démon est, dans une épreuve particulière, de nous faire sentir que Jésus nous a abandonné », a aussi prévenu le pape : c’est « l’éclipse de la foi devant le scandale de la passion ». Et cette tentation se déjoue par la prière : ainsi Jésus chasse le démon qui fait douter Pierre « en priant », non pas en parlant, a insisté le pape.
Le triomphe chrétien est toujours une Croix
Au fil de la rencontre, le pape a aussi donné trois points pour faire grandir la foi : faire mémoire, entretenir l’espérance et discerner le moment.
« La foi – le progrès et la croissance dans la foi – se fonde toujours sur la Croix », a-t-il affirmé. « Le triomphe chrétien est toujours une Croix… qui est un étendard de victoire… contre les assauts du mal ».
Pour le pape, « on ne peut pas croire sans faire mémoire », des témoins rencontrés, de l’Alliance avec Dieu. Ainsi progresser dans la foi ne se fait pas par « une résolution volontariste » mais par un exercice de mémoire des « grâces fondamentales ».
« L’espérance, a expliqué le pape, c’est l’ancre ancrée dans le Ciel… L’espérance, c’est savoir voir dans le visage des pauvres que je rencontre aujourd’hui, le Seigneur qui viendra un jour nous juger selon le protocole de Matthieu 25 : ‘chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait’ » (v. 40).
La foi grandit « quand nous rencontrons le Seigneur » et elle progresse « quand, dans le moment présent, nous discernons comment concrétiser l’amour dans le bien possible ». Il s’agit de croire que le Christ est présent dans la personne nécessiteuse et de « discerner la meilleure façon de faire un petit pas vers lui, pour le bien de cette personne ».
Au terme de la rencontre, le pape a offert un cadeau de Pâques anticipé à chacun des participants : le livre de son ancien confesseur à Buenos Aires, le père Luis Dri, intitulé « N’ayez pas peur de pardonner ».