Le Christ du Corcovado, Rio de Janeiro (Brésil), wikimedia commons.jpg

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On ne peut comprendre le pape François sans l'Amérique latine, par Guzmán Carriquiry Lecour

La réalité du continent du pape et les exigences du pontificat

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On ne peut comprendre le pontificat du pape François sans étudier la réalité de l’Eglise en Amérique latine, affirme en substance Guzmán Carriquiry Lecour. Dans un entretien au quotidien italien Avvenire, le secrétaire de la Commission pontificale pour l’Amérique latine évoque les exigences du pontificat et le contexte du continent du pape.

Il cite les éléments caractérisant le « style de François » : « La sagesse théologique, spirituelle et pédagogique avec lesquelles le pape nous a fait explorer à fond le mystère de la Miséricorde. L’Evangile prié, contemplé et partagé à pleines mains dans la vie quotidienne (…) dans les messes matinales. L’invitation urgente à une rencontre personnelle avec le Christ (…) afin qu’il nous change malgré nos résistances et nos misères ».

Très argentin, très latino, très jésuite

Au fil de l’entretien, Guzmán Carriquiry Lecour encourage à regarder l’Eglise latino-américaine : « de la même façon que nous avons voulu étudier en profondeur l’histoire de la Pologne semper fidelis (…) pour mieux comprendre la nouveauté du pontificat du pape Wojtyla, aujourd’hui il est important de connaître ce contexte pour comprendre sérieusement (…) le pontificat du pape Bergoglio ». Le pape François est en effet « un catholique porteño (de Buenos Aires, ndlr) – très porteño -, un catholique argentin – très argentin -, un catholique latino-américain – très latino-américain -, un catholique jésuite – très jésuite ».

Pour le laïc uruguayen, le pape François est « une surprise de Dieu parce qu’il s’agit du premier pape latino-américain dans l’histoire bimillénaire de l’Eglise ». Un événement inédit « dont nous n’avons probablement pas encore compris toute l’immensité des implications », estime-t-il. Et de rappeler que 60 % des catholiques du monde vit sur le continent américain.

Amérique latine et Europe après Vatican II

Si l’Eglise latino-américaine a peu contribué à l’élaboration des documents du Concile Vatican II, cet événement a inspiré au continent « une dynamique de profonde révision de la vie ecclésiale et (…) une inculturation renouvelée de l’Evangile dans la réalité ». Cette « prise de conscience » a coïncidé avec le service d’« un continent déchiré » où l’Eglise a montré « proximité miséricordieuse, solidarité missionnaire ».

Au contraire, constate Guzmán Carriquiry Lecour, l’Europe post-conciliaire semble « étouffée par le poids d’une déchristianisation sans précédent ». Même si « sous la cendre, couvent les braises de la foi, allumées par tant de siècles de tradition chrétienne, qui continuent à alimenter les Eglises les plus jeunes ».

Le secrétaire du dicastère évoque aussi les retombées du Document d’Aparecida, élaboré par la Ve Conférence des évêques d’Amérique latine en 2007 : « L’Eglise du continent a progressé en unité, communion, discernement, fondement sur ce qui importe le plus ». Ainsi, « il y a des expériences chrétiennes généreuses de partout. De nombreux fidèles ‘endormis’ se sont réveillés, de nombreux éloignés se sont rapprochés, les départs vers d’autres communautés chrétiennes ont diminué, la religiosité populaire est plus vivante que jamais ».

Les exigences de ‘l’ère Bergoglio’

L’Eglise latino-américaine doit cependant se poser cette question, ajoute-t-il : « est-elle vraiment à la hauteur des nouvelles exigences et des responsabilités que pose ‘l’ère Bergoglio’ ? ». En outre, Guzmán Carriquiry Lecour note une « distance impressionnante » entre le pontificat et la réalité politique latino-américaine « confuse, incapable de répondre de façon adéquate aux nécessités de dignité, justice, équité entre les peuples ».

Avec le pape François, assure-t-il, l’Eglise est encouragée à « ne pas se replier face aux situations difficiles, à ne pas tomber dans le défaitisme, à ne pas se préoccuper exclusivement de son auto-conservation, à se libérer du piège de la fermeture obstinée comme de celui de l’accoutumance à une réalité toujours moins chrétienne, à ne pas vivre de la rente d’un patrimoine qui est en train de se dissiper, à chercher encore et encore des chemins (…) pour la mission ».

« La conversion pastorale à laquelle François nous pousse exige un examen attentif de la vie de nos communautés chrétiennes », poursuit le secrétaire : « Conversion pastorale veut dire aussi conversion des pasteurs. Et (…) conversion missionnaire, sans rester immobiles à attendre les gens, enfermés dans les clôtures ecclésiastiques. Cela veut dire, enfin, conversion à la solidarité (…) dans l’amour privilégié pour les pauvres, les exclus ».

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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