Audience Institut Jean-Paul II © L'Osservatore Romano

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"Quand les choses vont bien entre l’homme et la femme, le monde et l’histoire aussi vont bien"

Audience à l’Institut Jean-Paul II sur le mariage et la famille (Traduction intégrale)

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La culture actuelle « apparaît comme bloquée par une tendance à effacer la différence » entre l’homme et la femme, « au lieu de résoudre les problèmes qui la mortifient », a fait observer le pape François devant les membres de l’Institut pontifical « Jean-Paul II » pour les études sur le mariage et la famille. Lors d’une audience le 27 octobre 2016 au Vatican, le pape a assuré : « Quand les choses vont bien entre l’homme et la femme, le monde et l’histoire aussi vont bien. Dans le cas contraire, le monde devient inhospitalier et l’histoire s’arrête ».
A l’occasion de l’ouverture de la nouvelle année académique, le pape a salué « l’intuition visionnaire de saint Jean-Paul II », qui a fondé l’institut en 1991. Il a énuméré les nombreuses causes de crises pour la famille contemporaine : « une culture qui exalte un individualisme narcissique, une conception de la liberté débarrassée de la responsabilité à l’égard de l’autre, la croissance de l’indifférence envers le bien commun, l’imposition d’idéologies qui agressent directement le projet familial » et même « le développement de nouvelles technologies qui rendent possibles des pratiques parfois en conflit avec la véritable dignité de la vie humaine ».
Constatant « l’incertitude et la confusion » qui touchent la personne et la vie, le pape François a averti : faire prévaloir « le ‘je’ sur le ‘nous’, l’individu sur la société, (…) contredit le dessein de Dieu, qui a confié le monde et l’histoire à l’alliance de l’homme et de la femme ».  Il a appelé à « reconnaître la différence [homme-femme] comme une richesse et une promesse, non comme un motif d’attrait et de domination », par « une juste valorisation de leur rapport mutuel ». « Et cela se produit, a-t-il ajouté, quand l’homme et la femme se parlent et s’interrogent, s’aiment et agissent ensemble, avec un respect réciproque et bienveillance ».
Au fil de son long discours, le pape a plaidé pour le « rachat » de « cette extraordinaire ‘invention’ de la création divine » qu’est la famille. Il a aussi recommandé « grande compassion et miséricorde pour la vulnérabilité et la faillibilité de l’amour entre les êtres humains ».
AK
Discours du pape François
Excellence,
Monseigneur le Doyen,
Messieurs les professeurs,
Chers élèves,
Je suis particulièrement heureux d’inaugurer avec vous cette nouvelle année académique de l’Institut pontifical Jean-Paul II, le trente-cinquième depuis sa fondation. Je remercie le Grand Chancelier, Son Excellence Mgr Vicenzo Paglia, et le doyen, Mgr Pierangelo Sequeri, pour leurs paroles, et j’étends ma reconnaissance à tous ceux qui ont été à la tête de l’Institut.
1. L’intuition visionnaire de saint Jean-Paul II, qui a fortement voulu cette institution académique, peut être aujourd’hui encore mieux reconnue et appréciée dans sa fécondité et son actualité. Son sage discernement des signes des temps a ramené avec vigueur à l’attention de l’Église et de la société humaine elle-même la profondeur et la délicatesse des liens générés à partir de l’alliance conjugale de l’homme et de la femme. Le développement qu’a connu l’Institut sur les cinq continents confirme la validité et le sens de la forme « catholique » de son programme. La vitalité de ce projet, qui a engendré une institution d’un si haut profil, encourage à développer des initiatives ultérieures de dialogue et d’échange avec toutes les institutions académiques, y compris celles qui appartiennent à des domaines religieux et culturels différents, qui sont aujourd’hui engagées dans une réflexion sur cette frontière très délicate de l’humain.
2. Dans la conjoncture actuelle, les liens conjugaux et familiaux sont mis à l’épreuve de bien des manières. L’affirmation de soi d’une culture qui exalte un individualisme narcissique, une conception de la liberté débarrassée de la  responsabilité à l’égard de l’autre, la croissance de l’indifférence envers le bien commun, l’imposition d’idéologies qui agressent directement le projet familial, tout comme la croissance de la pauvreté qui menace l’avenir de tant de familles, sont autant de raisons de crises pour la famille contemporaine. Il y a aussi les questions ouvertes du développement des nouvelles technologies qui rendent possibles des pratiques parfois en conflit avec la véritable dignité de la vie humaine. La complexité de ces nouveaux horizons recommande un lien plus étroit entre l’Institut Jean-Paul II et l’Académie pontificale pour la vie. Je vous exhorte à fréquenter courageusement ces implications nouvelles et délicates avec toute la rigueur nécessaire, sans tomber « dans la tentation de les vernir, de les parfumer, de les ajuster un peu et de les domestiquer » (Lettre au Grand Chancelier de l’Université pontificale catholique argentine, 3 mars 2015).
L’incertitude et la confusion qui touchent les attaches fondamentales de la personne et de la vie déstabilisent tous les liens, familiaux et sociaux, faisant prévaloir toujours plus le « je » sur le « nous », l’individu sur la société. C’est un effet qui contredit le dessein de Dieu, qui a confié le monde et l’histoire à l’alliance de l’homme et de la femme (Gn 1,28-31). Cette alliance, par sa nature même, implique coopération et respect, dévouement généreux et responsabilité partagée, capacité de reconnaître la différence comme une richesse et une promesse, non comme un motif d’attrait et de domination.
La reconnaissance de la dignité de l’homme et de la femme comporte une juste valorisation de leur rapport mutuel. Comment pouvons-nous connaître à fond l’humanité concrète dont nous sommes faits sans l’apprendre à travers cette différence ? Et cela se produit quand l’homme et la femme se parlent et s’interrogent, s’aiment et agissent ensemble, avec un respect réciproque et bienveillance. Il est impossible de nier l’apport de la culture moderne à la redécouverte de la dignité de la différence sexuelle. C’est pourquoi il est très déconcertant de constater que cette culture, maintenant, apparaît comme bloquée par une tendance à effacer la différence au lieu de résoudre les problèmes qui la mortifient ;
La famille est le sein irremplaçable de l’initiation à l’alliance de l’homme et de la femme dans la création. Ce lien, soutenu par la grâce de Dieu créateur et sauveur, est destiné à se réaliser dans les nombreuses formes de leur rapport, qui se reflètent dans les différents liens communautaires et sociaux. La profonde corrélation entre les figures familiales et les formes sociales de cette alliance, dans la religion et dans l’éthique, dans le travail, dans l’économie et dans la politique, dans le soin de la vie et dans le rapport entre les générations, est désormais une évidence mondiale. En effet, quand les choses vont bien entre l’homme et la femme, le monde et l’histoire aussi vont bien. Dans le cas contraire, le monde devient inhospitalier et l’histoire s’arrête.
3. Le témoignage de l’humanité et de la beauté de l’expérience chrétienne de la famille devra donc nous inspirer encore plus à fond. L’Église dispense l’amour de Dieu pour la famille en vue de sa mission d’amour pour toutes les familles du monde. L’Église, qui se reconnaît comme un peuple familial, voit dans la famille l’image de l’alliance de Dieu avec la famille humaine tout entière. Et l’apôtre affirme que c’est un grand mystère, en référence au Christ et à l’Église (cf. Ép 5,32). La charité de l’Église nous engage donc à développer, sur le plan doctrinal et pastoral, notre capacité à lire et interpréter, pour notre temps, la vérité et la beauté du dessein créateur de Dieu. L’irradiation de ce projet divin, dans la complexité de la condition actuelle, requiert une intelligence d’amour particulière. Ainsi qu’un fort engagement évangélique animé d’une grande compassion et miséricorde pour la vulnérabilité et la faillibilité de l’amour entre les êtres humains.
Il est nécessaire de s’appliquer avec un plus grand enthousiasme au rachat – je dirais presque à la réhabilitation – de cette extraordinaire « invention » de la création divine. Ce rachat doit être pris au sérieux, dans le sens doctrinal comme dans le sens pratique, pastoral et du témoignage. Les dynamiques du rapport entre Dieu, l’homme et la femme, et leurs enfants, sont la clé en or pour comprendre le monde et l’histoire, avec tout ce qu’ils contiennent. Et enfin, pour comprendre quelque chose de profond qui se trouve dans l’amour même de Dieu. Réussissons-nous à penser comme cela « en grand » ? Sommes-nous convaincus de la puissance de vie que porte ce projet de Dieu dans l’amour du monde ? Savons-nous arracher les nouvelles générations à la résignation et les reconquérir à l’audace de ce projet ?
Nous sommes bien sûr bien conscients du fait que ce trésor aussi, nous le portons « dans des vases d’argile » (cf. 2 Cor 4,7). La grâce existe, comme aussi le péché. Apprenons donc à ne pas nous résigner à l’échec humain, mais soutenons le rachat du dessein créateur à tout prix. Il est juste, en effet, de reconnaître que parfois « nous avons présenté un idéal théologique du mariage trop abstrait, presqu’artificiellement construit, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles réelles. Cette idéalisation excessive, surtout quand nous n’avons pas éveillé la confiance en la grâce, n’a pas rendu le mariage plus désirable et attractif, bien au contraire ! » (Exhort. ap. Amoris laetitia, 36). La justice de Dieu resplendit dans la fidélité à sa promesse. Et cette splendeur, comme nous l’avons appris de la révélation de Jésus, est sa miséricorde (cf. Rm 9,21-23).
4. Le double rendez-vous synodal des évêques du monde, cum Petro e sub Petro, a manifesté d’un commun accord la nécessité d’élargir la compréhension et le souci de l’Église pour ce mystère de l’amour humain où l’amour de Dieu pour tous se trace un chemin. L’exhortation apostolique Amoris laetitia garde précieusement cet élargissement et sollicite tout le peuple de Dieu afin de rendre plus visible et efficace la dimension familiale de l’Église. Les familles qui composent le peuple de Dieu et édifient le Corps du Seigneur par leur amour sont appelées à être plus conscientes du don de grâce qu’elles portent elles-mêmes et à devenir fières de pouvoir le mettre à disposition de tous les pauvres et les abandonnés qui désespèrent de pouvoir le trouver ou le retrouver. Le thème pastoral d’aujourd’hui n’est pas seulement celui de l’ « éloignement » de beaucoup par rapport à l’idéal et à la pratique de la vérité chrétienne du mariage et de la famille ; plus décisif encore devient le thème de la « proximité » de l’Église : proximité des nouvelles générations d’époux, pour que la bénédiction de leur lien les convainque toujours plus et les accompagne, et proximité des situations de faiblesse humaine pour que la grâce puisse les racheter, les réanimer et les guérir. Le lien indissoluble de l’Église avec ses enfants est le signe le plus transparent de l’amour fidèle et miséricordieux de Dieu.
5. Le nouvel horizon de cet engagement voit certainement convoqué, d’une manière tout à fait particulière, votre institut qui est appelé à soutenir l’ouverture nécessaire de l’intelligence de la foi au service de la sollicitude pastorale du Successeur de Pierre. La fécondité de cette tâche d’approfondissement et d’étude, en faveur de toute l’Église, est confiée à l’élan de votre esprit et de votre cœur. N’oublions pas que « même les bons théologiens, comme de bons pasteurs, ont l’odeur du peuple et de la route et, par leur réflexion, versent l’huile et le vin sur les blessures des hommes » (3 mars 2015). Théologie et pastorale vont ensemble. Une doctrine théologique qui ne se laisse pas orienter et modeler par la finalité évangélisatrice et par le soin pastoral de l’Église est aussi impensable qu’une pastorale de l’Église qui ne sait pas garder précieusement la révélation et sa tradition en vue d’une meilleure intelligence et transmission de la foi.
Cette tâche demande d’être enracinée dans la joie de la foi et dans l’humilité d’un service joyeux rendu à l’Église. De l’Église telle qu’elle est, non d’une Eglise pensée à notre image et à notre ressemblance. L’Église vivante dans laquelle nous vivons, l’Église belle à laquelle nous appartenons, l’Église de l’unique Seigneur et de l’unique Esprit auquel nous nous remettons comme des « serviteurs inutiles » (Lc 17,10), qui offrent leurs dons les meilleurs. L’Eglise que nous aimons afin que tous puissent l’aimer. L’Eglise où nous nous sentons aimés au-delà de nos mérites et pour laquelle nous sommes prêts à faire des sacrifices, dans une joie parfaite. Que Dieu nous accompagne sur ce chemin de communion que nous ferons ensemble. Et qu’il bénisse dès maintenant la générosité avec laquelle vous vous apprêtez à semer dans le sillon qui vous est confié.
Merci.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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