Le cardinal Pietro Parolin © L'Osservatore Romano

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Europe: les racines culturelles, antidote contre la peur, par le card. Parolin

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Conférence à l’université catholique portugaise

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Pour le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin, les racines culturelles de l’Europe constituent en quelque sorte un antidote à la peur, à un moment au contraire où l’affaiblissement de son identité rend difficile une réponse commune efficace aux défis qui frappent le continent.
Le cardinal Parolin a en effet tenu une conférence sur « L’identité de l’Europe », à l’université catholique portugaise, à Lisbonne, le 12 octobre 2016, à l’occasion de sa visite au Portugal, à Lisbonne et à Fatima (11-13 octobre). Le pape François devrait lui-même se rendre à Fatima en mai prochain pour le centenaire des apparitions de la Vierge Marie (1917-2017).
Le cardinal Parolin invite à « ne pas sous-estimer ce croissant sentiment de peur et d’insécurité qui s’est emparé des populations européennes » et il indique le remède : « Nous devons revenir aux racines, retrouver les racines chrétiennes sur lesquelles l’histoire de l’Europe s’est développée pour pouvoir exercer jusqu’au bout notre responsabilité publique. A commencer par nous, les chrétiens ! »
Le cardinal avait auparavant réfléchi à l’identité historique de l’Europe : « Je crois qu’on ne peut parler d’Europe qu’en termes d’identité historique et culturelle. Et pas autrement. L’Europe est une histoire. Pas un simple fait. Elle n’a pas une expression bien définie, ni même une identité linguistique. Elle est le résultat d’une histoire concrète d’hommes et de femmes libres. »
Il a aussi abordé le rôle du christianisme dans la construction de cette identité aux origines plurielles: « Le rôle du christianisme fut essentiel dans la construction de cette identité européenne. Ceci n’excluant pas d’autres rencontres, d’autres reconnaissances, d’autres influences, d’autres racines. L’Europe est une histoire plurielle, pluralité que l’on retrouve à l’intérieur même du christianisme, dans ses divisions et spécificités. »
Et puis il a rappelé la construction sur les cendres de la dernière guerre mondiale et son projet de paix: « Après les catastrophes de la première moitié du XXème siècle — les deux terribles guerres mondiales, les totalitarismes, la shoah — l’Europe a su se réinventer, renaître de ses cendres, grâce à l’inspiration chrétienne de trois grands hommes d’Etat (Konrad Adenauer, Robert Schuman, Alcide De Gasperi). L’Europe est devenue un idéal de construction pour une communauté d’Etats et de peuples jadis opposés. Des nations antagonistes qui sont devenues partenaires. Mais aujourd’hui cet heureux projet en partie réalisé, paraît s’être envolé. »
Mais il a constaté que les inquiétudes quant au projet européen ont surgi, et pas seulement du fait du terrorisme et de l’immigration : « Dans les circonstances internationales actuelles, les raisons de s’inquiéter augmentent quant à l’avenir de ce projet européen. Mais cela serait oublier les résultats historiques obtenus jusqu’ici, en premier lieu pour l’Union elle-même: son élargissement, l’institution d’une monnaie unique et la définition d’un concept de citoyenneté. »
Le cardinal Parolin a identifié les défis aussi bien économiques, politiques que sociétaux : « L’Union européenne doit aujourd’hui faire face à tout un ensemble de crises en même temps, qui sont pour elle inédites. Certaines sont mondiales (comme la récession économique et la crise de l’euro, ou les grandes migrations de masse); d’autres géopolitiques (la fameuse «  troisième guerre mondiale fragmentée » dont parle le pape François, avec des guerres en Syrie, en Irak, en Libye, en Somalie, ou des guerres larvées comme en Ukraine); d’autres de nature sociale (la crise de l’emploi, surtout chez les jeunes); ou culturel (tendance diffuse à diminuer la générativité et le sens de la famille, et désertification des religions); et d’autres encore, pour ainsi dire, transversales, comme la sécurité et le terrorisme. Enfin, la crise institutionnelle et démocratique, au sein même de l’Union et des pays membres, se traduit par l’ouverture d’un processus de dé-européisation, déclenché  par les britanniques après le référendum de juin dernier (Brexit). »
Il a déploré la faiblesse de l’Europe face à ces défis et notamment devant le trafic des armes, qui nourrit les guerres, en contradiction avec les idéaux d’après-guerre qui ont présidé  la construction de l’Union : « Face aux crises politiques en cours, l’union européenne n’arrive plus à parler efficacement, d’une seule voix. Même les nations qui constituent le noyau solide de cette Union agissent souvent en  ne regardant que leurs intérêts nationaux, finissant par aggraver tel ou tel autre aspect du problème. Il manque une Europe forte, source d’équilibre dans la construction et l’entretien de la paix. Il manque une Europe active contre le trafic d’armes qui alimente les guerres. Une Europe qui sache réaliser un projet d’aides et d’interventions humanitaires visant à mettre fin aux conflits. »
Cette faiblesse de l’identité est même pour le cardinal Parolin un obstacle au « dialogue », et même à « l’intégration »: « Les attaques terroristes d’islamistes qui ont gravement frappé des pays comme l’Espagne, la Grande Bretagne, la France surtout, et la Belgique, ont déclenché un vent de panique, révélant non seulement la nécessité d’une meilleure coordination européenne en matière de sécurité, mais également un retour aux racines culturelles profondes du continent. Les identités faibles, sur le plan religieux aussi, engendrent des processus sociaux de désorientation, parfois même des réponses générationnelles de radicalisme. Les identités faibles empêchent le dialogue et les processus d’intégration. »
Il a aussi épinglé l’attitude des Etats qui rejettent la collaboration pour ce qui est de l’accueil des flux migratoires, une crise qui réclamerait l’affirmation d’une identité européenne d’autant plus claire et forte : « Dans l’opinion publique européenne, ce phénomène est de plus en plus marqué et assimilé, à tort, au plus grand que l’Europe ait à affronter: l’émigration en masse du nord de l’Afrique et du Moyen Orient. Une humanité variée, fuyant la pauvreté, la violence, les guerres, en quête d’un nouvel avenir. Plus que les institutions de l’Union, ici ce se sont les Etats qui sont en cause. Ces derniers ne veulent pas d’un système d’accueil commun. Alors ils se servent de la convention de Dublin pour se débarrasser du fardeau, le laissant retomber sur les épaules des Etats du sud, surtout. »
Avec une traduction d’Océane Le Gall

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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