Le Saint-Siège a appelé des « efforts politiques et multilatéraux pour faire face aux causes profondes des grands mouvements et déplacements forcés de populations ». Le traitement et la prévention des causes devrait être une « priorité », a insisté Mgr Ivan Jurkovic à la réunion du 67ème Comité exécutif du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le 4 octobre 2016.
Le représentant permanent du Saint-Siège auprès de l’ONU à Genève a exprimé sa « vive préoccupation face aux défis de plus en plus difficiles présentés par les différentes crises de réfugiés dans diverses parties du monde ». Face « aux plus hauts niveaux de déplacement jamais enregistrés, avec quelques 65,3 millions de personnes déplacées de force », a-t-il exhorté, « nous ne devons pas perdre notre détermination ».
« Nous avons le devoir social, politique et éthique urgent de résoudre ces problèmes et leurs causes profondes dans un esprit de coopération et de solidarité (…). Les réfugiés ont besoin de notre solidarité, de notre compassion et de notre protection ».
Notant que « les mouvements sont souvent le résultat de vieux conflits non encore traités efficacement », Mgr Jurkovic a estimé que « la prévention, la protection et les solutions sont fortement liées entre elles ».
Il a appelé aussi à garantir « les droits existants des réfugiés », avec « des investissements économiques et financiers supplémentaires, et en particulier la volonté politique ». Ainsi les réfugiés deviendront des « agents du développement, même dans leur pays d’accueil et non pas seulement les bénéficiaires de l’aide ou des hôtes simplement tolérés ».
AK
Intervention de Mgr Jurkovic
Monsieur le Président,
Appréciant cette occasion de s’adresser au Comité exécutif du HCR cette année, ma délégation tient à exprimer sa vive préoccupation face aux défis de plus en plus difficiles présentés par les différentes crises de réfugiés dans diverses parties du monde. À l’heure actuelle, nous assistons aux plus hauts niveaux de déplacement jamais enregistrés, avec quelques 65,3 millions de personnes déplacées de force. Parmi ces personnes qui souffrent, le chiffre stupéfiant de 21,3 millions de réfugiés – la majorité d’entre eux étant des mineurs de moins de 18 ans, qui, comme nous le savons, sont souvent victimes de formes modernes d’esclavage incluant la traite, n’ont pas accès à l’éducation ou sont emprisonnés dans de terrible situations.
En outre, il y a aussi quelque 10 millions de personnes apatrides qui se sont vu refuser la nationalité et l’accès aux droits fondamentaux. Alors que nous ne devons pas perdre notre détermination face à ces défis apparemment insurmontables, nous devons aussi reconnaître que la tendance à la hausse ne montre aucun signe de ralentissement. L’ampleur et la nature des déplacements de réfugiés aujourd’hui « nous oblige à agir d’une manière globale et prévisible sur les mouvements de réfugiés à grande échelle ». Ces mouvements sont souvent le résultat de vieux conflits non encore traités efficacement – nous pensons à de nombreuses situations en Afrique, par exemple – néanmoins la communauté internationale est encore convaincue que : « Grâce à une réponse globale au problème des réfugiés, fondée sur les principes de la coopération internationale et sur le partage du poids et des responsabilités, nous sommes mieux en mesure de protéger et d’aider les réfugiés ainsi que de soutenir les États hôtes et les communautés impliquées » (1).
Nous avons le devoir social, politique et éthique urgent de résoudre ces problèmes et leurs causes profondes dans un esprit de coopération et de solidarité.
La récente Déclaration de New York est un signe positif qu’il reste une volonté de la part de la communauté internationale de faire face aux graves crises de réfugiés qui se déroulent dans notre monde. La Déclaration charge le HCR d’élaborer un cadre global d’intervention auprès des réfugiés, établissant un plan pour un renforcement du système grâce à un financement plus fiable et à l’engagement précoce des acteurs du développement pour aider ceux qui sont contraints de fuir leurs foyers et les communautés qui les accueillent.
Avec ces développements encourageants, nous devons aussi être réalistes quant à la mise en œuvre. Des promesses répétées ont été faites, mais la mise en œuvre efficace et durable a cruellement fait défaut et les droits des réfugiés, tels qu’ils sont énoncés dans divers instruments internationaux, continuent d’être violés. Ces violations constituent des blessures à l’ordre international, ce qui risque de provoquer un cynisme et un glissement vers une véritable « mondialisation de l’indifférence ».
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège, tout en assurant son engagement ferme à travailler avec toutes les parties intéressées pour aider aux besoins des réfugiés et des migrants, tient à réitérer un appel fort pour la mise en œuvre des dispositions existantes contenues dans la Convention sur les réfugiés. Depuis sa création, le HCR a été activement impliqué dans la promotion de la protection des réfugiés, pour trouver des solutions à leurs problèmes. Ceci est la raison même pour laquelle les trois solutions durables ont été développées : le rapatriement volontaire, la réintégration et la réinstallation.
En fait, cependant, dans de nombreux pays, les réfugiés ne sont pas autorisés à travailler, tandis que leurs mouvements sont limités aux abords immédiats des camps, souvent situés dans des régions éloignées. Les réfugiés sont devenus dépendants des approvisionnements alimentaires, de nombreuses fois insuffisantes ou réduites pour des raisons budgétaires, alors que dans le même temps le panier alimentaire n’est pas suffisamment varié. La situation actuelle a conduit à une malnutrition dans les camps qui sont, depuis des années, administrés par les Nations Unies.
Ma délégation estime que cela ferait toute la différence si les droits existants des réfugiés étaient garantis, avec des investissements économiques et financiers supplémentaires, et en particulier la volonté politique. Ensuite, les réfugiés deviendraient des « agents du développement », même dans leur pays d’accueil et non pas seulement les bénéficiaires de l’aide ou des hôtes simplement tolérés.
Il y a un besoin urgent, étroitement lié au respect des droits existants des réfugiés, d’agir sur les causes sous-jacentes, les fameux « facteurs d’incitation », qu’ils soient nationaux ou internationaux, des mouvements à grande échelle de réfugiés.
La priorité devrait être donnée au traitement des causes profondes des déplacements et à leur prévention. Les systèmes d’alerte et d’intervention précoces pouvant favoriser la réconciliation sont nécessaires lorsque les tensions émergent. Le soutien international est nécessaire pour renforcer la bonne gouvernance et la primauté du droit, et traiter les inégalités structurelles. Le Saint-Siège tient à réitérer son appel urgent aux efforts politiques et multilatéraux pour faire face aux causes profondes des grands mouvements et déplacements forcés de populations. Comme l’a dit le pape François, cela « signifierait repenser les habitudes et les pratiques ancrées, à commencer par des questions portant sur le commerce des armes, la fourniture de matières premières et d’énergie, l’investissement, les politiques de financement et de développement durable, et même le grave fléau de la corruption ». (2)
La prévention, la protection et les solutions sont fortement liées entre elles, dans la mesure où si l’une échoue, les autres ne seront pas en mesure de répondre de manière adéquate. La volonté politique et le leadership, tant au niveau national qu’au niveau mondial, sont essentiels pour l’efficacité dans ces trois domaines.
Monsieur le Président,
[Je suis particulièrement heureux de mentionner une décision qui souligne en outre la préoccupation du pape François pour les peuples déracinés. En instituant le nouveau Dicastère pour la Promotion du développement humain intégral, en septembre dernier, le pape François a placé pro tempore sous sa direction personnelle la section qui supervise spécifiquement les questions concernant les réfugiés et les migrants.]
Les réfugiés ont besoin de notre solidarité, de notre compassion et de notre protection. En cherchant à répondre efficacement aux défis posés par les mouvements sans précédent de réfugiés, tout en respectant les préoccupations légitimes des sociétés et des pays, ne perdons jamais de vue les hommes, les femmes et les enfants réels impliqués dans ce drame humain.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
© Traduction de Zenit, Constance Roques
(1) Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, doc. A / 71 / L.1, annexe I, al.1
(2) Pape François, Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège pour le traditionnel échange de voeux de Nouvel An. Vatican, le 11 Janvier 2016
Réfugiés de Syrie, capture caritas.org
Réfugiés: priorité au traitement des causes profondes des déplacements
Intervention de Mgr Jurkovic à l’ONU (Traduction intégrale)