Assemblée de l'OMPI @ OMPI

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Propriété intellectuelle: le Saint-Siège demande plus de transparence dans le système des brevets

Intervention de Mgr Ivan Jurkovic à l’OMPI (Traduction intégrale)

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« Le système mondial des brevets a besoin d’amélioration continue vers une plus grande transparence et efficacité », a affirmé Mgr Ivan Jurkovic à la réunion des assemblées de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui s’est tenue à Genève, le 3 octobre 2016. Le représentant permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies a expliqué que « la contribution à la société de l’invention à breveter ne consiste pas seulement dans l’invention en tant que telle, mais aussi dans la fourniture d’informations techniques relatives à cette invention ».
Au cours de son intervention, Mgr Jurkovic a salué l’entrée en vigueur récente du traité de Marrakech « pour faciliter l’accès des personnes aveugles, malvoyantes, ou incapables de lire des imprimés, aux œuvres publiées »: « un signal fort », a-t-il estimé, qui « fait une différence dans la vie quotidienne des bénéficiaires » et leur permettra « de contribuer davantage à la société ».
Pour le Saint-Siège, « la justice exige que les produits du progrès scientifique, en particulier les ressources génétiques, servent également à tous, et pas seulement aux secteurs avec le plus grand potentiel d’achat ».
Si le respect des droits de propriété privée est « une cause juste, digne d’être soutenue et défendue », a assuré Mgr Jurkovic, il ne faudrait pas « perdre de vue la destination universelle des biens, ‘l’hypothèque sociale’ à laquelle toute propriété privée est soumise ». Ainsi « le but ultime de la propriété intellectuelle est la protection de la personne humaine et de son travail » et « le cadre juridique pour la protection des droits de la propriété intellectuelle vise à la promotion de la production littéraire, scientifique ou artistique et de l’activité inventive en vue du bien commun ».
AK
Déclaration de Mgr Ivan Jurkovic
Monsieur le Président,
La délégation du Saint-Siège tient à vous féliciter pour votre élection à la présidence de l’Assemblée générale. Nous remercions le président sortant, Monsieur l’Ambassadeur Duque, pour tout le travail intense au cours de l’année écoulée. Ma délégation est convaincue que sous votre direction, nous serons en mesure d’atteindre un résultat positif au cours de cette session, comme nous l’avons fait dans les précédentes. Permettez-moi aussi d’exprimer notre gratitude au directeur général et au secrétariat pour la préparation de ces assemblées et pour les résultats importants obtenus par l’OMPI au cours des dernières années, comme en témoigne l’entrée en vigueur, vendredi dernier, du traité de Marrakech pour faciliter l’accès aux œuvres publiées aux personnes aveugles, malvoyantes, ou incapables de lire des imprimés.
Cette entrée en vigueur représente un signal fort indiquant que le multilatéralisme est non seulement vivant, mais qu’il peut bien servir comme système efficace pour la mise en œuvre concrète du bien commun, grâce à la participation responsable de toutes les parties dans les négociations entreprises. Une telle réalisation fait une différence dans la vie quotidienne des bénéficiaires de ce traité : leur qualité de vie peut être améliorée par leur accès plus facile à un vaste champ de connaissances qui les enrichira personnellement et leur permettra de contribuer davantage à la société.
Nous vivons dans une économie mondiale du savoir et la clé pour les progrès futurs est d’exceller à transformer ce que nous découvrons et apprenons dans de nouveaux produits et technologies commercialisables. Cependant, la justice exige que les produits du progrès scientifique, en particulier les ressources génétiques, servent également à tous, et pas seulement aux secteurs avec le plus grand potentiel d’achat. Le principe fondamental du bien commun doit être appliqué pour garantir que les progrès dans la recherche sur ces ressources bénéficient réellement à toute l’humanité, et servent ainsi la poursuite du bien commun. « Les nouvelles découvertes et technologies, grâce à leur énorme potentiel, peuvent apporter une contribution décisive à la promotion du progrès social. Toutefois, si elles restent concentrées dans les pays les plus riches, ou dans les mains d’un petit nombre de groupes puissants, elles risquent de devenir cause de chômage et d’accroître l’écart entre les régions développées et les régions sous-développées » (1).
Le Saint-Siège continue à promouvoir une vision de la façon dont nous voulons comprendre les principes en jeu. Nous devons examiner la nature de la propriété et la destination universelle des biens, le but de la protection de la propriété intellectuelle et les droits des communautés traditionnelles et des pays en développement. En tout temps, nous devons nous concentrer sur le principe sous-jacent au service du bien commun. Je cite le Pape Jean-Paul II : [Les] « biens de ce monde sont à l’origine destinés à tous. Le droit à la propriété privée est valable et nécessaire, mais il ne supprime pas la validité de ce principe. La propriété privée, en fait, est soumise à une « hypothèque sociale », ce qui signifie qu’elle a une fonction intrinsèque sociale fondée sur le principe de la destination universelle des biens et justifiée précisément par celui-ci » (2).
Une discussion sur la brevetabilité des ressources génétiques doit commencer par la compréhension de la nature de la propriété privée, y compris l’octroi de droits de propriété intellectuelle. «Le droit à la propriété privée, acquis ou reçu d’une manière juste, ne supprime pas le cadeau originel de la terre à l’ensemble de l’humanité. La destination universelle des biens demeure primordiale, même si la promotion du bien commun exige le respect du droit à la propriété privée et son exercice. » (3).
Le respect des droits de propriété privée est en effet une cause juste, digne d’être soutenue et défendue. La capacité de servir le bien commun, cependant, peut être menacée par des tendances excessives de l’État ou par « une vue économique floue de la vie ». « La propriété privée, en fin de compte, n’est pour personne un droit absolu inconditionnel mais, et surtout, elle est un instrument pour atteindre l’accès effectif aux biens destinés à l’ensemble de l’humanité, assurant en même temps que tous les individus et toutes les familles ont leur environnement essentiel de liberté et de juste autonomie face à toutes sortes de tendances totalitaires -. à la fois celle qui vient de l’État et celle qui est attribuable à une vision économique floue de la vie » (4).
En se basant sur le principe de la destination universelle des biens, toutes les personnes ont le droit de tirer profit des ressources disponibles pour assurer leur subsistance et leur croissance. C’est à cause de ce droit que les instruments juridiques pour la protection des droits de la propriété privée, y compris les droits de la propriété intellectuelle, ne peuvent pas perdre de vue la destination universelle des biens, l’ « hypothèque sociale » à laquelle toute propriété privée est soumise. Le but ultime de la propriété intellectuelle est la protection de la personne humaine et de son travail, dans sa double dimension, à savoir comme moyen d’expression et de croissance des individus et comme contribution au bien commun. Le cadre juridique pour la protection des droits de la propriété intellectuelle vise à la promotion de la production littéraire, scientifique ou artistique et de l’activité inventive en vue du bien commun.
L’innovation est essentielle à la réalisation de l’objectif de l’Agenda 2030 qui est d’améliorer la santé et le bien-être de toutes les personnes à tous les âges et elle apparaît dans un certain nombre de cibles ODD (Objectifs de développement durable, ndlt). L’ODD 3 nécessiterait la réalisation d’évaluations plus globales de la situation, la hiérarchisation des besoins de santé publique les plus pressants par les bailleurs de fonds de R & D de la santé, un financement équitable et durable et une utilisation plus prudente et plus stratégique des ressources publiques et privées. Des données transparentes, fiables et largement disponibles sont cruciales pour éclairer le processus d’élaboration des politiques à différents stades. L’OMPI apporte également une contribution importante à l’échange et à la diffusion d’informations sur la propriété intellectuelle par le biais de ses travaux liés à l’infrastructure globale de la propriété intellectuelle. La contribution à la société de l’invention à breveter ne consiste pas seulement dans l’invention en tant que telle, mais aussi dans la fourniture d’informations techniques relatives à cette invention. Le système mondial des brevets a besoin d’amélioration continue vers une plus grande transparence et efficacité.
Monsieur le Président,
En conclusion, permettez-moi de vous assurer que vous pouvez compter sur l’esprit constructif et le soutien du Saint-Siège lors de ces assemblées.
Merci, Monsieur le Président.
_____________________________
1 Compendium de la doctrine sociale de l’Église, Conseil pontifical Justice et paix, 2004, 283.
2 Jean-Paul II, Solicitudo rei socialis, 42.
3 Catéchisme de l’Église catholique, § 2403.
4 Document du Saint-Siège sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques, Savoir traditionnel et folklore, 26 avril 2001, par. 8, WIPO/GRTKF/IC/1/7.

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Constance Roques

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