Messe du 12 avril 2015 en présence des patriarches arméniens, Saint-PIerre, capture CTV

Messe du 12 avril 2015 en présence des patriarches arméniens, Saint-PIerre, capture CTV

Arménie: le pape François parle de "génocide" à deux reprises en 2015

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« Que cette douloureuse occasion devienne pour tous un motif de réflexion humble et sincère »

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Le pape François a employé publiquement et oralement le terme de « génocide » à propos du massacre systématique des Arméniens il y a plus d’un siècle, l’an dernier, deux fois: à l’occasion de la Proclamation de saint Grégoire de Narek comme Docteur de l’Eglise, le 12 avril 2015, à Saint-Pierre – il citait les paroles de Jean-Paul II -, mais aussi dans un Message aux Arméniens.

Le pape François a de nouveau employé le terme dans son discours devant les autorités arméniennes, hier, vendredi 24 juin 2016 au palais présidentiel d’Erevan. Mais le pape préfère le terme employés par les Arméniens eux-mêmes: le « Metz Yeghern », le « Grand Mal », il emploie aussi le terme de « tragédie » et de « catastrophe effroyable ».

Voici un passage de son message aux Arméniens où le pape citait Jean-Paul II, le 12 avril 2015, au début de la messe, à Saint-Pierre, en présence des trois patriarches arméniens et du président Serge Sargsian, c’était le dimanche de la miséricorde:
Au début de la messe, le pape avait parlé, dans une salutation aux Arméniens du génocide arménien d’hier et des génocides d’aujourd’hui: « Malheureusement, encore aujourd’hui, nous entendons le cri étouffé et négligé de beaucoup de nos frères et sœurs sans défense, qui, à cause de leur foi au Christ ou de leur appartenance ethnique, sont publiquement et atrocement tués – décapités, crucifiés, brulés vifs –, ou bien contraints d’abandonner leur terre. »
Une sorte de génocide causé par l’indifférence

« Aujourd’hui encore, insistait le pape François, nous sommes en train de vivre une sorte de génocide causé par l’indifférence générale et collective, par le silence complice de Caïn qui s’exclame : « Que m’importe ? », « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9 ; Homélie à Redipuglia, 13 septembre 2014). »
Il citait la Déclaration de Jean-Paul II et Karékine: « Notre humanité a vécu, le siècle dernier, trois grandes tragédies inouïes : la première est celle qui est généralement considérée comme « le premier génocide du XXème siècle » (Jean-Paul II et Karékine II, Déclaration commune, Etchmiadzin, 27 septembre 2001) ; elle a frappé votre peuple arménien – première nation chrétienne –, avec les Syriens catholiques et orthodoxes, les Assyriens, les Chaldéens et les Grecs. Des évêques, des prêtres, des religieux, des femmes, des hommes, des personnes âgées et même des enfants et des malades sans défense ont été tués. Les deux autres ont été perpétrées par la nazisme et par le stalinisme. Et, plus récemment, d’autres exterminations de masse, comme celles au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, en Bosnie. Cependant, il semble que l’humanité ne réussisse pas à cesser de verser le sang innocent. Il semble que l’enthousiasme qui est apparu à la fin de la seconde guerre mondiale soit en train de disparaître et de se dissoudre. Il semble que la famille humaine refuse d’apprendre de ses propres erreurs causées par la loi de la terreur ; et ainsi, encore aujourd’hui, il y en a qui cherchent à éliminer leurs semblables, avec l’aide des uns et le silence complice des autres qui restent spectateurs. Nous n’avons pas encore appris que « la guerre est une folie, un massacre inutile » (cf. Homélie à Redipuglia, 13 septembre 2014). »
Il invitait à panser la blessure qui saigne encore: « Chers frères arméniens, aujourd’hui nous rappelons, le cœur transpercé de douleur mais rempli d’espérance dans le Seigneur ressuscité, le centenaire de ce tragique événement, de cette  effroyable et folle extermination, que vos ancêtres ont cruellement soufferte. Se souvenir d’eux est nécessaire, plus encore c’est un devoir, parce que là où il n’y a plus de mémoire, cela signifie que le mal tient encore la blessure ouverte ; cacher ou nier le mal c’est comme laisser une blessure continuer à saigner sans la panser ! »
Un Message pour 2015
Mais en date du 12 avril 2015, le pape a aussi adressé un Message aux Arméniens, dans lequel il cite aussi Jean-Paul II et il emploie le terme de génocide: « Cette foi a accompagné et soutenu votre peuple également dans le tragique événement d’il y a cent ans « que l’on considère généralement comme le premier génocide du XXème siècle» (JEAN- PAUL II ET KAREKINE II, Déclaration commune, Etchmiadzine, 27 septembre 2001). Le Pape Benoît XV qui condamna comme«inutile massacre» la Première Guerre Mondiale (AAS, IX [1917],429), s’efforça jusqu’au bout de l’empêcher, reprenant les efforts de médiation déjà accomplis par le Pape Léon XIII face aux « funestes événements » des années 1894-96. Il écrivit pour cela au sultan Mahomet V, implorant que tant d’innocents soient épargnés (cf. Lettre du 10 septembre 1915), et ce fut encore lui qui, lors du Consistoire secret du 6 décembre 1915, affirma dans un vibrant désarroi : « Miserrima Armenorum gens ad interitum prope ducitur » (AAS, VII [1915], 510).
Son souci, ne pas « retomber dans des horreurs semblables »: « Faire mémoire de tout ce qui est arrivé est un devoir, non seulement pour le peuple arménien et pour l’Église universelle, mais aussi pour toute la famille humaine, afin que l’avertissement qui vient de cette tragédie nous évite de retomber dans des horreurs semblables qui offensent Dieu et la dignité humaine. Aujourd’hui également, en effet, les conflits dégénèrent parfois en violences injustifiables, attisées par l’instrumentalisation des diversités ethniques et religieuses. Tous ceux qui sont placés à la tête des Nations et des Organisations internationales sont appelés à s’opposer à de tels crimes avec une ferme responsabilité, sans céder aux ambiguïtés ni aux compromis. »
« Que cette douloureuse occasion devienne pour tous un motif de réflexion humble et sincère, et d’ouverture du cœur au pardon qui est source de paix et d’espérance nouvelle », a ajouté le pape.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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