Rencontre avec les familles à Santiago de Cuba © L'Osservatore Romano

Rencontre avec les familles à Santiago de Cuba © L'Osservatore Romano

Cuba : "Les familles ne sont pas un problème, mais une opportunité"

Rencontre du pape François et des familles cubaines à Santiago, une « cerise sur le gâteau ». Texte intégral.

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« Les familles ne sont pas un problème, elles sont d’abord une opportunité », déclare le pape François.

Le pape a rencontré les familles de Cuba en la cathédrale de Santiago, ce mardi 22 septembre, dernier rendez-vous de ces quatre jours à Cuba, avant son départ pour Washington.

« Prenons soin de nos familles, véritables écoles de demain. Prenons soin de nos familles, véritables espaces de liberté. Prenons soin de nos familles, véritables centres d’humanité », a exhorté le pape François.

Le pape s’est interrompu pour bénir spécialement les mamans enceintes, « enceintes d’espérance ».

Le pape va participer à la Rencontre mondiale des familles de Philadelphie : il a demandé aux Cubains de prier pour ce rassemblement et pour le Synode pour qu’on y apprenne à « prendre soin de la famille ».

« Je vous invite à prier (…) pour que nous sachions tous nous aider à prendre soin de la famille, pour que nous sachions continuer à découvrir l’Emmanuel, le Dieu qui vit au milieu de son Peuple en faisant des familles son foyer. »

Voici le texte intégral de l’allocution du pape François.

A.B.

Allocution du pape François

Nous sommes en famille. Et lorsqu’on est en famille, on se sent chez soi. Merci, familles cubaines, merci, Cubains, de faire que je me sens tous les jours en famille, de faire que je me sens chez moi. Merci de tout cela.

Cette rencontre avec vous est comme la « cerise sur le gâteau ». Terminer ma visite par cette rencontre en famille est un motif de rendre grâce à Dieu pour la « chaleur » qui émane de personnes qui savent recevoir, qui savent accueillir, qui savent faire sentir qu’on est chez soi. Merci à tous les Cubains.

Je remercie Monseigneur Dionisio García, archevêque de Santiago, pour les salutations qu’il m’a adressées au nom de vous tous, ainsi que le couple qui a eu le courage de partager avec nous ses aspirations et ses efforts pour faire de leur foyer une « église domestique ».

L’Evangile de Jean nous présente comme premier événement public de Jésus les noces de Cana, à l’occasion de la fête d’une famille. Il s’y trouve avec Marie, sa mère, et certains de ses disciples, partageant la fête de famille. Les noces sont des moments particuliers dans la vie de beaucoup de personnes.

Pour les « plus âgés », parents, grands-parents, c’est une occasion pour recueillir le fruit de la semence. Cela réjouit le cœur de voir les enfants grandir et de voir qu’ils peuvent fonder un foyer. C’est l’occasion de voir, tout d’un coup, que tout ce pour quoi on a lutté valait la peine. Accompagner les enfants, les soutenir, les stimuler pour qu’ils puissent avoir le courage de construire leurs vies, de former leurs familles, est un grand défi pour tous les parents.

D’autre part, la joie des jeunes époux. Tout un avenir qui commence, tout a la « saveur » d’une chose nouvelle, d’une espérance. Lors des mariages, le passé dont nous héritons et l’avenir qui nous attend s’unissent toujours. L’occasion s’y présente toujours de remercier de tout ce qui nous a permis d’arriver jusqu’à ce jour, grâce au même amour reçu.

Et Jésus commence sa vie publique à la faveur d’un mariage. Il s’insère dans cette histoire de semences et de récoltes, de rêves et de recherches, d’efforts et d’engagements, de travaux ardus qui ont labouré la terre pour que celle-ci donne son fruit. Jésus commence sa vie dans une famille, dans un foyer. Et il est au cœur de nos foyers où constamment il continue de s’insérer, d’être partie prenante. Il est intéressant d’observer comment Jésus se manifeste aussi par la nourriture, au cours de dîners. Manger avec diverses personnes, visiter diverses maisons a été une occasion, privilégiée par Jésus, pour faire connaître le projet de Dieu. Il va dans la maison de ses amis – Marie et Marthe –, mais il n’est pas sélectif, peu lui importe s’ils sont publicains ou pécheurs, comme Zachée. Il va dans la maison de Zachée. Non seulement il agissait ainsi, mais en envoyant ses disciples annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, il leur a dit : restez dans la maison où l’on vous reçoit, mangeant et buvant ce que l’on vous sert (cf. Lc 10, 7).

Mariages, visite dans les familles, dîners, ces moments ont certainement quelque chose de « spécial » dans la vie des personnes pour que Jésus choisisse de s’y manifester.

Je me rappelle que dans mon précédent diocèse beaucoup de familles me disaient que l’unique moment qu’elles avaient pour être ensemble était ordinairement le dîner, le soir, après le travail, et lorsque les enfants avaient terminé leurs devoirs pour l’école. C’était un moment spécial de la vie familiale. On parlait de la journée, de ce que chacun avait fait, on mettait de l’ordre dans la maison, on rangeait les vêtements, on programmait les tâches importantes pour les jours suivants. Ce sont des moments où l’on arrive aussi fatigué si bien que l’une ou l’autre discussion, l’une ou l’autre « querelle » voit le jour, entre mari et femme. Mais il ne faut pas en avoir peur. Cela fait plus peur lorsque des couples disent qu’ils n’ont jamais eu de discussion, c’est étrange.

Jésus choisit ces moments pour nous montrer l’amour de Dieu, Jésus choisit ces espaces pour entrer dans nos maisons et nous aider à découvrir l’Esprit vivant et agissant dans notre vie quotidienne.

C’est à la maison que nous apprenons la fraternité, la solidarité, à ne pas être des dominateurs. C’est à la maison que nous apprenons à recevoir la vie et à en être reconnaissants comme une bénédiction, et c’est là que nous apprenons que chacun a besoin des autres pour aller de l’avant. C’est à la maison que nous expérimentons le pardon, et que nous sommes continuellement invités à pardonner, à nous laisser transformer. A la maison, il n’y a pas de place pour les « masques », nous sommes ce que nous sommes et, d’une manière ou d’une autre, nous sommes invités à chercher le meilleur pour les autres. C’est pourquoi la communauté chrétienne désigne les familles du nom d’églises domestiques, parce que c’est dans la chaleur du foyer que la foi imprègne chaque coin, illumine chaque espace, construit la communauté. Car en ces moments, c’est comme si les personnes apprenaient à découvrir l’amour concret et agissant de Dieu.

Dans beaucoup de cultures, aujourd’hui, ces espaces disparaissent progressivement, ces moments en famille sont en train de disparaître ; peu à peu tout conduit à la séparation, à l’isolement. Les moments passés en commun, pour être ensemble, pour être en famille, deviennent rares. Donc, on ne sait pas attendre, on ne sait pas demander l’autorisation, ni pardon, ni dire merci, parce que la maison se vide progressivement. Elle se vide des relations, elle se vide des contacts, elle se vide des rencontres. Récemment, quelqu’un qui travaille avec moi m’a raconté que son épouse et ses enfants étaient partis en vacances et qu’il était resté seul. Le premier jour, la maison était toute silencieuse, « en paix », rien n’était désordonné, il était content. Le troisième jour, quand je lui demande comment il allait, il me répond : je voudrais qu’ils reviennent déjà tous. Il sentait qu’il ne pouvait vivre sans son épouse et ses enfants.

Sans famille, sans la chaleur du foyer, la vie devient vide ; les réseaux, qui nous soutiennent dans l’adversité, nous alimentent dans la vie quotidienne et motivent la lutte pour la prospérité, commencent à manquer.

La famille nous sauve de deux phénomènes actuels : la fragmentation (donc la division) et le phénomène de masse. Dans les deux cas, les personnes deviennent des individus isolés, faciles à manipuler et à gouvern
er. Donc nous trouvons dans le monde des sociétés divisées, cassées, séparées ou très affectées par le phénomène de masse : ce sont une conséquence de la rupture des liens familiaux, lorsque se perdent les relations qui nous constituent comme personnes, qui nous enseignent à être des personnes. On oublie comment on dit papa maman, mon fils, ma fille, grand-mère, grand-père. C’est le fondement du nom que nous avons. La famille est école d’humanité, qui enseigne à avoir à cœur les besoins des autres, à être attentif à la vie des autres. Quand on arrive en famille, nos égoïsmes deviennent petits. Quand on ne vit pas une vie de famille, ces personnalités grandissent : je, moi, pour moi, centré sur soi. Il n’y a plus de fraternité, de communauté, d’amour, de discussion entre frères, il n’y a plus cela.

Malgré tant de difficultés, comme nos familles en sont aujourd’hui affectées, n’oublions pas une chose, s’il vous plaît : les familles ne sont pas un problème, elles sont d’abord une opportunité. Une opportunité que nous devons préserver, protéger, accompagner. (…)

L’on discute beaucoup sur l’avenir, sur le monde que nous voulons léguer à nos enfants, sur la société que nous voulons pour eux. Je crois que l’une des réponses possibles réside dans le fait de vous voir : laissons-leur un monde avec des familles. Certes, il n’existe pas de famille parfaite, il n’existe pas d’époux parfaits, de parents parfaits ni d’enfants parfaits, ni, si vous ne vous mettez pas en colère, je dirais de belle-mère parfaite, mais cela n’empêche pas que vous soyez la réponse pour demain. Dieu nous incite à l’amour et l’amour engage toujours la personne qui aime. L’amour engage toujours la personne qui aime. Par conséquent, prenons soin de nos familles, véritables écoles de demain.  Prenons soin de nos familles, véritables espaces de liberté. Prenons soin de nos familles, véritables centres d’humanité.

Il me vient une image : pendant l’audience du mercredi, lorsque je passe saluer les personnes, tant de femmes me désignent leur sein en disant : « Père, tu me bénis ! » Je propose à toutes les femmes qui sont enceintes d’espérance – parce qu’un enfant est une espérance – qu’elles touchent leur ventre, celles qui sont ici, ou suivent à la télévision, à la radio, à chacun des enfants qui attendent, là, je donne ma bénédiction au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Et je désire qu’il vienne sain, qu’il grandisse bien, que vous puissiez l’éduquer bien. Caressez l’enfant que vous attendez.

Je ne saurais terminer sans faire mention de l’Eucharistie. Vous avez dû vous rendre compte que Jésus veut utiliser comme lieu de son mémorial, un repas. Il choisit comme espace de sa présence parmi nous un moment concret de la vie familiale. Un moment vécu et que tous peuvent comprendre, le dîner.

L’Eucharistie est le repas de la famille de Jésus, qui par toute la terre se réunit pour écouter sa Parole et se nourrir de son Corps. Jésus est le Pain de Vie de nos familles, il veut être présent en nous alimentant de son amour, en nous soutenant de sa foi, en nous aidant à marcher avec son espérance, pour qu’en toute circonstance nous puissions expérimenter qu’il est le vrai Pain du ciel.

Dans quelques jours, je participerai avec les familles du monde entier à la Rencontre mondiale des familles et, dans moins d’un mois, au Synode des Evêques, qui a comme thème la Famille. Je vous invite à prier spécialement à ces deux intentions, pour que nous sachions tous nous aider à prendre soin de la famille, pour que nous sachions continuer à découvrir l’Emmanuel, le Dieu qui vit au milieu de son Peuple en faisant de chaque famille et de toutes les familles son foyer. Je compte sur votre prière. Merci.

[Texte original: Espagnol]

© Librairie éditrice du Vatican

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