« L’espérance nous parle d’une soif, d’une aspiration, d’un désir d’une vie de plénitude, d’un désir de réaliser de grandes choses », écrit le pape François aux jeunes Cubains.
Il les a rencontrés au centre Felix Varela (1788-1853), prêtre et éducateur cubain connu pour son aide aux nécessiteux, tout particulièrement aux immigrés, dimanche soir, 20 septembre. Le pape a prononcé un discours d’abondance du cœur mais il leur a aussi remis son discours préparé.
Dans ce message écrit, le pape les incite à l’espérance qui aide à réaliser de « grandes choses » qui élèvent « aux réalités nobles, comme la vérité, la bonté et la beauté, la justice et l’amour ».
« Je ne peux pas imaginer un jeune qui soit apathique, sans rêves ou sans idéaux, sans nostalgie pour quelque chose de plus » : mais rêver, avoir des idéaux implique également « des risques », souligne le pape.
Et d’expliquer : « Cela signifie être prêt à ne pas être séduit par ce qui est éphémère, par de fausses promesses de bonheur, de plaisirs immédiats et égoïstes, par une vie de médiocrité et un égocentrisme qui ne remplit le cœur que de tristesse et d’amertume. »
« Que devons-nous faire, demande le pape, pour être prêts à décider de prendre le chemin de l’espérance ? » Il propose « trois idées » qui peuvent « aider à garder l’espérance».
Premièrement, « l’espérance est un chemin fait de mémoire et de discernement » : « Pour continuer à avancer dans la vie, en plus de savoir où nous voulons aller, nous avons également besoin de savoir qui nous sommes et d’où nous venons », explique le pape.
Ensuite, la mémoire : les personnes ou les peuples qui « effacent » leur passé « risquent de perdre leur identité et de détruire leur avenir », avertit le pape. Le pape cite l’exemple du père Felix Varela, de « ce grand Cubain », dont l’enseignement était profondément enraciné dans le « patrimoine spirituel et moral » du pays.
« Le discernement est également nécessaire, continue le pape, car il est essentiel d’être ouvert à la réalité et d’être capable de l’interpréter sans peur ni préjugés. »
La deuxième « idée » proposée par le pape est que « l’espérance est un chemin qu’on prend avec les autres » : « Le chemin de l’espérance appelle à une culture de la rencontre, du dialogue, qui peut surmonter les conflits et les confrontations stériles. »
« Le monde a besoin de cette culture de la rencontre, insiste le pape. Il a besoin de jeunes qui cherchent à se connaître et à s’aimer les uns les autres », c’est pourquoi le pape les invite à « marcher ensemble » pour construire un pays dont rêvait le philosophe et poète cubain José Martí (1853-1895) qui disait : « Avec tous et pour le bien de tous. »
« L’espérance est un chemin de la solidarité » : troisième « idée » développée par le pape. « Sans solidarité, aucun pays n’a d’avenir », scande le pape : la simple « tolérance » ne suffit pas, « nous devons aller bien au-delà, en passant d’une attitude suspicieuse et sur la défensive à celle de l’acceptation, de la coopération, du service concret et de l’aide efficace ».
Le chemin du chrétien « est illuminé par un espoir plus élevé, une espérance née de notre foi dans le Christ » : le Christ « se fait notre compagnon sur le chemin. Non seulement Il nous encourage, Il nous accompagne aussi ; Il est à notre côté et Il nous tend une main amicale ».
Le pape invite enfin les jeunes à ne pas avoir « peur de l’espérance ou de l’avenir » : « Dieu est de votre côté. »
Marina Droujinina
Discours préparé, non prononcé, du pape François
Chers amis,
J’éprouve une grande joie de pouvoir me retrouver avec vous ici dans ce Centre culturel, si significatif dans l’histoire de Cuba. Je rends grâce à Dieu de m’avoir offert l’occasion de cette rencontre avec tant de jeunes qui, par leur travail, leurs études et leur préparation, rêvent du Cuba de demain et, déjà, en font aussi une réalité.
Je remercie Leonardo pour ses paroles de salutation, et spécialement parce que, ayant la possibilité de parler de nombreuses autres choses, certainement importantes et concrètes, telles que les peurs, les doutes – si réels et humains – il nous a parlé d’espérance, de ces rêves et aspirations qui s’ancrent avec force dans le cœur des jeunes cubains, au-delà de leurs différences de formation, de culture, de croyance ou d’idées. Merci Leonardo parce moi aussi, quand je vous vois, la première chose qui me vient à l’esprit et au cœur, c’est le mot espérance. Je ne peux pas concevoir un jeune qui ne bouge pas, qui est paralysé, qui n’a pas de rêves ni d’idéaux, qui n’aspire pas à quelque chose de plus.
Mais, quelle est l’espérance d’un jeune cubain à cette époque de l’histoire ? Ni plus ni moins que l’espérance d’un jeune de n’importe quelle autre partie du monde. Car l’espérance nous parle d’une réalité qui est enracinée au plus profond de l’être humain, indépendamment des circonstances concrètes et des conditionnements historiques dans lesquels il vit. Elle nous parle d’une soif, d’une aspiration, d’un désir de plénitude, de vie réussie, d’une volonté de toucher ce qui est grand, ce qui remplit le cœur et élève l’esprit vers les grandes choses, comme la vérité, la bonté et la beauté, la justice et l’amour. Toutefois, cela comporte un risque. Cela demande d’être disposé à ne pas se laisser séduire par ce qui est passager et caduc, par de fausses promesses de bonheur vide, de plaisir immédiat et égoïste, d’une vie médiocre, centrée sur soi-même, et qui laisse derrière soi uniquement tristesse et amertume dans le cœur. Non, l’espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne. Je demanderais à chacun d’entre vous : qu’est-ce qui donne de l’élan à ta vie ? Qu’il y a-t-il dans ton cœur, en quoi consistent tes aspirations ? Es-tu disposé à toujours prendre des risques pour quelque chose de plus grand ?
Peut-être me diriez-vous : ‘‘Oui, Père, l’attrait de ces idéaux est grand. Je sens leur appel, leur beauté, la splendeur de leur lumière dans mon âme. Mais, en même temps, la réalité de ma faiblesse et de mes forces limitées est trop forte pour que je me décide à parcourir le chemin de l’espérance. L’objectif est très haut et mes forces sont limitées. Mieux vaut me contenter de peu, de choses peut-être moins grandes mais plus réalistes, plus à la portée de mes possibilités’’. Je comprends cette réaction, il est normal de sentir le poids de ce qui est ardu et difficile, toutefois, attention à ne pas tomber dans la tentation de la désillusion, qui paralyse l’intelligence et la volonté, et à ne pas nous laisser gagner par la résignation, qui est un pessimisme radical face à toute possibilité d’atteindre ce dont on a rêvé. Ces attitudes, en fin de compte, finissent ou bien en une fuite de la réalité vers des paradis artificiels ou bien dans l’enfermement dans l’égoïsme personnel, dans une espèce de cynisme, qui ne veut pas écouter le cri de la justice, de la vérité et de l’humanité qui se lève autour de nous et en nous.
Mais que faire ? Comment trouver des chemins d’espérance dans la situation dans laquelle nous vivons ? Que faire pour que ces rêves de plénitude, de vie authentique, de justice et de vérité soient un
e réalité dans notre vie personnelle, dans notre pays et dans le monde ? Je pense qu’il y a trois idées qui peuvent être utiles pour maintenir vivante l’espérance.
L’espérance, un chemin fait de mémoire et de discernement. L’espérance est la vertu de celui qui est en chemin et se dirige vers une destination. Elle n’est pas, par conséquent, le simple fait de marcher pour le plaisir de marcher, mais a plutôt une finalité, un but, qui donne sens et illumine le sentier. En même temps, l’espérance s’alimente de la mémoire, elle embrasse de son regard non seulement l’avenir mais aussi le passé et le présent. Pour marcher dans la vie, en plus de savoir où nous voulons aller, il est important de savoir aussi qui nous sommes et d’où nous venons. Une personne ou un peuple qui n’a pas de mémoire et efface son passé court le risque de perdre son identité et de ruiner son avenir. On a besoin, par conséquent, de la mémoire de ce que nous sommes, de ce qui constitue notre patrimoine spirituel et moral. Je crois que c’est cela l’expérience et l’enseignement de ce grand Cubain que fut le Père Félix Varela. Et on a besoin aussi du discernement, parce qu’il est essentiel de s’ouvrir à la réalité et de savoir la lire sans peurs ni préjugés. Les lectures partielles et idéologiques ne sont pas utiles, qui déforment la réalité pour qu’elle rentre dans nos petits schémas préconçus, en provoquant toujours la désillusion et désespoir. Discernement et mémoire, parce que le discernement n’est pas aveugle, mais se réalise sur la base de solides critères éthiques, moraux, qui aident à discerner ce qui est bon et juste.
L’espérance, un chemin d’accompagnement. Un proverbe africain dit : ‘‘Si tu veux aller vite, sois seul ; si tu veux aller loin, sois accompagné’’. L’isolement ou l’enfermement sur soi-même ne génèrent jamais l’espérance ; au contraire, la proximité et la rencontre avec l’autre, oui. Seuls, nous n’arrivons nulle part. Avec l’exclusion, on ne construit non plus un avenir pour personne, même pas pour soi-même. Un chemin d’espérance requiert une culture de la rencontre, du dialogue, qui surmonte les contrastes et l’affrontement stérile. Pour cela, il est fondamental de considérer les différences dans la manière de penser non comme un risque, mais comme une richesse et un facteur de croissance. Le monde a besoin de cette culture de la rencontre, il a besoin de jeunes qui veulent se connaître, qui veulent s’aimer, qui veulent cheminer ensemble et construire un pays comme en rêvait José Martí : « Avec tous et pour le bien de tous ».
L’espérance, un chemin solidaire. La culture de la rencontre doit conduire naturellement à une culture de la solidarité. J’apprécie beaucoup ce qu’a dit Leonardo au début lorsqu’il a parlé de la solidarité comme force qui aide à surmonter tout obstacle. Effectivement, s’il n’y a pas de solidarité, il n’y a d’avenir pour aucun pays. Au-dessus de toute considération ou intérêt, doit se trouver la préoccupation concrète et réelle pour l’être humain, qui peut être mon ami, mon compagnon ou bien aussi quelqu’un qui pense différemment, qui a ses idées, mais qui est autant être humain, autant cubain que moi-même. La simple tolérance ne suffit pas, il faut aller au-delà et passer d’une attitude craintive et défensive à une attitude d’accueil, de collaboration, de service concret et d’aide efficace. N’ayez pas peur de la solidarité, du service, de donner la main à l’autre pour que personne ne soit laissé de côté en chemin.
Ce chemin de la vie est illuminé par une espérance plus élevée : celle qui nous vient de la foi en Christ. Il s’est fait notre compagnon de route, et non seulement il nous encourage mais aussi il nous accompagne, il est à nos côtés et nous tend sa main d’ami. Lui, le Fils de Dieu, a voulu se faire l’un de nous, pour parcourir aussi notre chemin. La foi en sa présence, son amour et son amitié allument et illuminent toutes nos espérances et aspirations. Avec lui, nous apprenons à discerner la réalité, à vivre la rencontre, à servir les autres et à marcher dans la solidarité.
Chers jeunes cubains, si Dieu même est entré dans notre histoire et s’est fait homme en Jésus, s’il a chargé sur ses épaules notre faiblesse et notre péché, n’ayez pas peur de l’espérance, n’ayez pas peur de l’avenir, parce que Dieu compte sur vous, croit en vous, espère en vous.
Chers amis, merci pour cette rencontre. Que l’espérance dans le Christ, votre ami, vous guide toujours dans votre vie. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Que le Seigneur vous bénisse !
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