Europe : "le miracle de la Vistule" (2/2)

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La victoire d’une armée de chapelets

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Pour la première partie du récit, cf. Zenit du 22 août 2013.

Pendant ces mois terribles où les bolchéviques étaient à quelques kilomètres de Varsovie, Achille Ratti, le premier nonce apostolique de la Pologne renaissante, joua un rôle très important. Le nonce du Vatican fut le seul diplomate à rester dans la capitale, en août 1920, tandis que tout le corps diplomatique fuyait, épouvanté. Mgr Ratti participait aux prières organisées pendant la bataille sur la Vistule. Il eut aussi un geste très courageux et symbolique qui remonta le moral des combattants : il se rendit à Radzymin, sur le front, au cours de la bataille, pour manifester sa proximité aux soldats. Le futur Pie XI, qui savait bien quel était le véritable enjeu de la guerre, avait déclaré qu’ « un ange des ténèbres menait une gigantesque bataille contre l’ange de la lumière ». Pour le pape Ratti, la Pologne resterait toujours le « rempart de l’Europe et du christianisme ».

Les avertissements de l’Église furent décisifs et mobilisèrent la population pour défendre sa patrie. Nous ne devons pas oublier que, en ce début du XXeme siècle, il n’existait encore ni la radio ni la télévision. Sur l’ordre du cardinal Kakowski, archevêque de Varsovie, les appels des autorités polonaises furent lus dans toutes les églises du pays. Et grâce à ces appels, la population s’enrôla massivement dans l’armée. Ceux qui ne pouvaient pas se battre restaient à la maison pour prier parce que grande était la peur de l’occupation des bolchéviques. La terreur était aussi alimentée par les nouvelles des cruautés commises dans les zones déjà occupées. Les prêtres se tenaient aux côtés des soldats polonais. L’un d’eux surtout est entré dans l’histoire : le Père Ignacy Skorupka, chapelain du 236eme régiment d’infanterie composé de volontaires.

Le Père Skorupka participa à la bataille de Varsovie toujours vêtu de sa soutane de religieux. Son régiment combattait près de Wolomin et subit des pertes importantes. À un moment, le chapelain se rendit compte  qu’il était le seul officier resté en vie et qu’il devait prendre sur lui la responsabilité des 250 soldats : la croix en main pour unique arme, il guida les jeunes volontaires en exécutant une contre-attaque sur les lignes ennemies et mourut.

La campagne de prières massive de toute l’Église faisait l’objet de railleries dans les milieux socialistes et communistes en Occident. Le journal socialiste « Avanti » se moquait de l’initiative du pape : « Le pape compte sur l’intercession de la Vierge Marie. (…) Le pontife romain n’est pas au bout de ses peines s’il croit en l’efficacité de la Vierge ! Trois millions de soldats revêtent l’uniforme russe. (…) Ces soldats et leurs canons vaudront beaucoup plus que tous les chapelets du monde. Dans quelques jours, nous en aurons la preuve ». Mais la réalité démentit les paroles méprisantes des socialistes italiens.

On ne peut parler de la bataille de Varsovie sans mentionner l’héroïsme des combattants polonais et le principal artisan de la victoire, le maréchal Jozef Pilsudski. Ce grand homme d’État polonais, probablement le plus grand de l’histoire de la Pologne du début du XXeme siècle, connaissait bien l’Occident comme la Russie (il parlait français, anglais, allemand, latin et même russe) et il se rendait compte du danger mortel que représentait le communisme pour l’Europe. D’autre part, il était conscient que l’Europe ne bougerait pas pour se défendre contre ce danger et n’apporterait pas d’aide à la Pologne.

Le maréchal Jozef Pilsudski savait qu’en défendant la Pologne, il défendait la civilisation européenne qui courait un très grand risque. Le chef de la jeune armée polonaise se trouvait dans une situation extrêmement difficile : devant l’avancée des Russes, son armée ne pouvait pas soutenir le combat et se retirait sur un front de 500 kilomètres. Ses conseillers lui suggéraient d’organiser la ligne de défense le long de la Vistule, autour de Varsovie, pour sauver à tout prix la capitale. Mais le maréchal se rendait compte que pour stopper presque deux millions de soldats bolchéviques, il fallait un très grand nombre de troupes qu’il n’avait pas à sa disposition. Dans la nuit du 5 au 6 août, il inventa un autre plan, aussi risqué que génial parce que non prévu par les commandants russes. Avec le reste de son armée, il réorganisa six divisions qui attaquèrent le côté découvert de l’Armée bolchévique, au sud de Varsovie. Pour faire cette manœuvre, il priva la capitale de défense, mais la tactique réussit pleinement : les soldats russes, complètement surpris par cette attaque audacieuse, commencèrent à perdre du terrain et furent vaincus avant d’avoir pu se réorganiser.

Ayant appris que le danger communiste avait été écarté, Benoît XV s’adressa au cardinal Aleksander Kakowski, archevêque de Varsovie, au cardinal Edmund Dalbor, primat de Pologne, et à d’autres évêques polonais, dans une nouvelle lettre intitulée « Cum de Poloniae », datée du 8 septembre 1920, dans laquelle il affirmait le caractère providentiel de la victoire polonaise.

Le pape écrivait : « Alors que nous étions encore préoccupés et remplis d’appréhension pour la situation de la Pologne, nous avons appris avec une grande joie la nouvelle des brillantes actions qui y ont été menées, grâce auxquelles la situation de votre patrie a changé à l’improviste, avec bonheur. Nous nous en réjouissons d’autant plus que, en admirant là l’intervention manifeste et tangible de Dieu, nous considérons que cette aide est aussi à attribuer aux prières que nous avions demandé d’élever vers lui dans tout le monde catholique pour la Pologne ».

Dans sa lettre, le pape ne manquait pas de rappeler quel était l’enjeu : « Un tel avantage et un tel secours de notre Dieu sont pour le bien non seulement de votre peuple mais aussi de tous les autres. Personne, en effet, n’ignore que la fureur belliqueuse et aveugle des ennemis avait pour visée ultime de détruire la nation polonaise, rempart de l’Europe, et avec elle le nom et la civilisation chrétienne, à travers la propagande appuyée de ses doctrines scélérates. »

Quand Achille Ratti-Pie XI devint pape, il voulut construire dans le Palais apostolique de Castel Gandolfo une nouvelle chapelle privée où il fit installer la reproduction du tableau de Notre Dame de Czestochowa : les murs latéraux furent recouverts de fresques du peintre polonais Jan Henryk Rosen, qui peignit deux faits de l’histoire de la Pologne : d’un côté la défense du monastère de Jasna Gora de Czestochowa contre les Suédois, en 1655, et de l’autre la bataille de Varsovie – précisément « le miracle de la Vistule » – représentant le valeureux Père Skorupka qui, la croix à la main, entraîne les soldats à l’attaque. Cet hommage du pape Ratti aux défenseurs de Varsovie rappelle que les Européens sont débiteurs et qu’ils ne doivent pas l’oublier.

Traduction Hélène Ginabat

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Włodzimierz  Rędzioch

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