Le pape François lance un appel très vigoureux à la justice sociale et à la solidarité, à rassasier la « faim de dignité » qu’ont les plus pauvres, ce 25 juillet, en visite une favela de Rio de Janeiro, la communauté de Varginha, où il a été accueilli par un couple marié engagé dans la paroisse (cf. Zenit du 25 juillet 2013, pour leur témoignage, http://www.zenit.org/fr/articles/temoignage-de-rangler-dos-santos-irineu).
Une « favela » de 50 000 personnes, sur un ancien marais. Le pape a traversé le quartier à pied malgré la pluie et il a été reçu chez une famille de 4 enfants, une visite prévue seulement hier. Quand la télévision lui a demandé: qu’est-ce que vous direz au pape quand il arrivera? La mère de famille a répondu: « Attention, baissez la tête la porte est basse… » La maman avait l’intuition que le pape pourrait venir. Elle avait demandé à son mari de repeindre la maison dedans et dehors. Du coup, il a aussi repeint la maison des voisins.
Le pape était accompagné de ses proches collaborateurs: le secrétaire d’Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, le cardinal Marc Ouellet – rayonnants devant l’accueil réservé au pape – , l’immense cardinal brésilien Joao Braz de Aviz, le cardinal Stanislas Rylko, cheville ouvrière de la JMJ, l’archevêque de Rio, Mgr Orani Joao Tempesta, et du curé de la paroisse Saint-Jérôme-Emilien, le père Marcio Queiroz.
Le pape a dit notamment: « Je voudrais lancer un appel à celui qui possède plus de ressources, aux autorités publiques et à tous les hommes de bonne volonté engagés pour la justice sociale : ne vous lassez pas de travailler pour un monde plus juste et plus solidaire ! Personne ne peut rester insensible aux inégalités qu’il y a encore dans le monde! »
Et d’insister: « Que chacun, selon ses possibilités et ses responsabilités, sache offrir sa contribution pour mettre fin à beaucoup d’injustices sociales. Ce n’est pas la culture de l’égoïsme, de l’individualisme qui souvent régule notre société, à construire et à mener vers un monde plus habitable, mais la culture de la solidarité qui voit dans l’autre non un concurrent ou un numéro, mais un frère. »
AB
Allocution du pape François à Varginha
Chers frères et soeurs, bonjour!
C’est beau de pouvoir être ici avec vous ! Dès le début, en programmant ma visite au Brésil, mon désir était de pouvoir visiter tous les quartiers de cette Nation. J’aurai voulu frapper à chaque porte, dire » bonjour « , demander un verre d’eau fraîche, prendre un » cafezinho » (un « petit café », ndlr) – pas un verre de rhum – parler comme à des amis de la maison, écouter le coeur de chacun, des parents, des enfants, des grands-parents… Mais le Brésil est si grand ! Et il n’est pas possible de frapper à toutes les portes ! Alors j’ai choisi de venir ici, de visiter votre ‘Communauté’ qui représente aujourd’hui tous les quartiers du Brésil. Qu’il est beau d’être accueillis avec amour, avec générosité, avec joie ! Il suffit de voir comment vous avez décoré les rues de cette ‘Communauté’ ; cela aussi est un signe d’affection, il naît de votre coeur, du coeur des Brésiliens qui est en fête ! Merci beaucoup à chacun de vous pour le bel accueil ! Je remercie les époux Rangler et Joana pour leurs chaleureuses paroles.
1. Dès le premier moment où j’ai mis pied sur la terre brésilienne et aussi ici, au milieu de vous, je me sens accueilli. Et il est important de savoir accueillir ; c’est encore plus beau que tout embellissement ou décoration. Lorsque nous sommes généreux dans l’accueil d’une personne, je vous le dis, et que nous partageons quelque chose avec elle – un peu de nourriture, une place dans notre maison, notre temps – non seulement nous ne restons pas plus pauvres, mais nous nous enrichissons. Lorsqu’une personne qui a besoin de manger frappe à votre porte, je sais bien que vous trouvez toujours une façon de partager la nourriture ; comme dit le proverbe, on peut toujours » ajouter plus d’eau aux haricots » ! Est-ce qu’on peut ajouter de l’eau aux haricots? Toujours! Et vous le faites avec amour, montrant que la véritable richesse n’est pas dans les choses, mais dans le coeur !
Et le peuple brésilien, en particulier les personnes plus simples, peut offrir au monde une précieuse leçon de solidarité, ce mot de solidarité, un mot souvent oublié ou tue, parce qu’elle gêne, quasi un gros mot!.
Je voudrais lancer un appel à celui qui possède plus de ressources, aux autorités publiques et à tous les hommes de bonne volonté engagés pour la justice sociale : ne vous lassez pas de travailler pour un monde plus juste et plus solidaire ! Personne ne peut rester insensible aux inégalités qu’il y a encore dans le monde ! Que chacun, selon ses possibilités et ses responsabilités, sache offrir sa contribution pour mettre fin à tant d’injustices sociales. Ce n’est pas la culture de l’égoïsme, de l’individualisme qui souvent régule notre société, à construire et à mener vers un monde plus habitable, ce n’est oas elle, mais la culture de la solidarité, qui voit dans l’autre non un concurrent ou un numéro, mais un frère. Et nous somems tous frères.
Je désire encourager les efforts que la société brésilienne fait pour intégrer toutes ses composantes, même les plus souffrantes et nécessiteuses, dans la lutte contre la faim et la misère. Aucun effort de “pacification” ne sera durable, il n’y aura ni harmonie, ni bonheur pour une société qui ignore, qui met en marge et abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même. Une telle société s’appauvrit ainsi simplement et perd même quelque chose d’essentiel pour elle-même. Le laissons pas entrer dans notre coeur cette culture du déchet, parce que nous sommes des frères, personne n’est un déchet!
Rappelons-nous toujours ceci: c’est seulement quand nous sommes capables de partager que nous nous enrichissons vraiment ; tout ce qui se partage se multiplie ! Pensons à la multiplication des pains de Jésus. La mesure de la grandeur d’une société est donnée par la façon dont elle traite celui qui est le plus nécessiteux, qui n’a rien d’autre que sa pauvreté !
2. Je voudrais vous dire aussi que l’Église, “avocate de la justice et défenseur des pauvres contre les inégalités sociales et économiques intolérables qui crient vers le ciel” (Document d’Aparecida, p. 395), désire collaborer à toute initiative ayant le sens du vrai développement de tout homme et de tout l’homme. Chers amis, il est certainement nécessaire de donner du pain à celui qui a faim ; c’est un acte de justice. Mais il y a aussi une faim plus profonde, la faim d’un bonheur que seul Dieu peut rassasier. La faim de dignité!
Il n’y a ni de véritable promotion du bien commun, ni de véritable développement de l’homme quand on ignore les piliers fondamentaux qui soutiennent une Nation, ses biens immatériels : la vie, qui est don de Dieu, valeur à préserver et à promouvoir toujours ; la famille, fondement de la vie ensemble et remède contre l’effritement social ; l’éducation intégrale, qui ne se réduit pas à une simple transmission d’informations dans le but de produire du profit ; la santé, qui doit chercher le bien-être intégral de la personne, aussi dans sa dimension spirituelle, essentielle pour l’équilibre humain et pour une saine vie en commun ; la sécurité, dans la conviction que la violence peut être vaincue seulement à partir du changement du coeur humain.
3. Je voudrais dire une dernière chose. Une dernière chose. Ici, comme dans tout le Brésil, il y a beaucoup de jeunes. Vous, chers jeunes, vous êtes particulièrement sensibles aux injustices, mais souvent vous êtes déçus par des faits qui parlent de corruption, de personnes qui, au lieu de chercher le bien commun, cherchent leur propre intérêt. À vou
s aussi et à tous, je répète : ne vous découragez jamais, ne perdez pas confiance, ne laissez pas s’éteindre l’espérance. La réalité peut changer, l’homme peut changer. Cherchez, vous les premiers, à apporter le bien, à ne pas vous habituer au mal, mais à le vaincre par le bien. L’Église vous accompagne, vous apportant le bien précieux de la foi, de Jésus Christ qui est « venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10, 10).
Aujourd’hui à vous tous, en particulier aux habitants de cette ‘Communauté’ de Varginha je dis : vous n’êtes pas seuls, l’Église est avec vous, le Pape est avec vous. Je porte chacun de vous dans mon coeur et je fais miennes les intentions que vous avez au fond de vous-mêmes : les remerciements pour les joies, les demandes d’aide dans les difficultés, le désir de consolation dans les moments de peine et de souffrance. Je vous confie tous à l’intercession de Notre Dame d’Aparecida, Mère de tous les pauvres du Brésil, et je vous donne avec grande affection ma Bénédiction.
Merci!
Pape François