La fête de Notre Dame du Mont-Carmel

Une style de vie chrétienne « tissée de prière et de vie intérieure »

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La liturgie est un monde très organisé. Disons mieux : très hiérarchisé. Ainsi, parmi les fêtes, existe toute une classification. Ce n’est pas nouveau. Avant la dernière réforme, dans la catégories des « doubles », il fallait distinguer les doubles de première classe, les doubles de deuxième classe, les doubles qui étaient de simples doubles (si l’on peut ainsi parler) et les semi-doubles qui font penser aux zones semi-piétonnes dans les villes touristiques. La réforme liturgique a simplifié cette hiérarchie, lui en substituant une autre : solennités, fêtes, mémoires. 

Durant l’année, la Vierge Marie dispose de trois solennités (le 1er janvier, le 15 août et le 8 décembre), de deux fêtes (le 8 septembre et la Visitation) et de huit mémoires. Parmi ces huit mémoires, trois portent un nom de lieu : la dédicace de la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome (5 août), Notre Dame de Lourdes (11 février), Notre Dame du Mont Carmel (16 juillet). S’est ajoutée récemment la mémoire de Notre Dame de Fatima. Il s’agit de simples « mémoires » : elles sont facultatives. Il ne faut donc pas s’étonner si le prêtre choisit un autre formulaire et arrive tout vêtu de vert alors que les fêtes de la Vierge se célèbrent en blanc. 

Cela dit pour expliquer pourquoi « Notre Dame du Mont-Carmel » risque de passer inaperçue en ce début de vacances, reste à savoir quel est le motif de cette fête. En réalité, cette fête se trouve au carrefour de plusieurs pistes. 

A l’origine, en Angleterre, à la fin du 14ème siècle, c’est une fête de la confrérie des associés à l’ordre des Carmes. Elle devient vite la fête de l’ordre lui-même : les Frères s’appelaient alors « Frères de Sainte Marie du Mont Carmel ». A l’époque des Croisades, des ermites s’étaient abrités dans les grottes du mont Carmel. Aujourd’hui, le mont Carmel est associé à la ville de Haïffa, le grand port israélien. A l’époque des Croisés, le Carmel évoquait plutôt Elie, le premier des prophètes, ce solitaire « rempli d’un zèle jaloux pour le Seigneur de l’univers » (1 Rois 19, 10). A sa manière, Elie avait défendu l’honneur de Dieu contre les prophètes de Baal (1 Rois 18). Quand les Croisés furent chassés de Terre Sainte, les ermites, dotés d’une règle par le patriarche de Jérusalem, s’implantèrent en Europe. Mais ils gardèrent le nom de leur lieu d’origine : le Carmel. 

Mais pourquoi avoir associé « Notre-Dame » au mont Carmel » ? Marie ne s’y est jamais rendue et l’humble servante du Magnificat est à mille lieues du redoutable Elie. Certes, le mont Carmel est proche de Nazareth : « L’ange du Seigneur fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth… » Mais la proximité géographique n’est pas tout. Le Carmel est synonyme de beauté dans l’Ecriture. Quand l’époux du Cantique des cantiques vante les beautés de sa bien-aimée, il cite le Carmel. Quand le prophète Isaïe annonce des temps de gloire pour Israël, il évoque « la splendeur du Carmel » (35, 2). Marie « comblée de grâce », Marie la toute belle fut donc tout naturellement invoquée comme « Notre-Dame du Carmel ». 

Nos ermites du Carmel n’étaient là, ni pour conquérir, ni pour convertir. Ils s’étaient retirés là pour prier et contempler patiemment les mystères du Seigneur. La présence en Terre Sainte était une motivation supplémentaire. Ce faisant, ils imitaient Marie qui « gardait et méditait toutes ces choses dans son cœur », comme saint Luc le dit à deux reprises.      

Que les frères « carmes » aient une grande dévotion envers la Vierge Marie, qu’ils soient parmi les plus fervents chantres de son immaculée Conception n’explique pas pourquoi « Notre-Dame du Mont Carmel »  a été inscrite au calendrier liturgique de l’Eglise universelle, même si elle est aujourd’hui en bas de tableau. La raison en est que la spiritualité du Carmel, masculin et féminin, s’est diffusée bien au-delà des communautés religieuses. 

Le signe de cette influence a été le scapulaire dont le supérieur de l’ordre, Simon Stock, a reçu l’inspiration  dans une vision de la Vierge, le 16 juillet 1251. Chez les religieux et religieuses, le scapulaire est une large bande de tissu qui couvre le corps, devant et derrière, comme une protection. Chez les laïcs, le scapulaire carmélitain est réduit à deux petites pièces de tissu reliées entre elles par deux bandes passant sur les deux épaules (c’est l’origine du nom « scapulaire »). De la Vierge, saint Simon Stock avait reçu la promesse qu’aucun de ceux qui porteraient le scapulaire ne « souffrirait le feu éternel ». Les papes homologuèrent la vision de saint Simon Stock et entourèrent le port du scapulaire de nombreuses faveurs. 

C’est ainsi que la dévotion à Notre Dame du Mont Carmel se diffusa très largement en Occident. Une chapelle lui était dédiée à l’église paroissiale de Lourdes et, le jour de sa Première Communion, le 3 juin 1858, Bernadette reçut le scapulaire. 

Six semaines plus tard, en fin d’après-midi, pour la première fois depuis longtemps, et pour la dernière fois, Bernadette se sentit appelée à la Grotte. Elle ne put s’approcher, car les autorités civiles en avaient barré l’accès par une palissade. Comme le 11 et le 14 février, la Vierge resta silencieuse. Elle parut à Bernadette aussi proche que les autres fois et plus belle que jamais. C’était le 16 juillet 1858. 

Bernadette en fut si frappée qu’elle songea, un moment, entrer au Carmel. Elle y attendrait la révélation, au ciel, d’une beauté plus lumineuse encore. Elle y pratiquerait un « style de vie chrétienne tissée de prière et de vie intérieure », selon l’expression de Jean Paul II pour le 750ème anniversaire de 1251. Elle y ferait pénitence : le scapulaire, s’appuyant sur les épaules, ne fait-il pas penser au joug que le Christ demande à ses disciples de prendre sur eux ? Mais « mon joug est facile à porter et mon fardeau, léger » (Matthieu 10, 30).  

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Jacques Perrier

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