Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité de la proposition de loi 
« Autorisation de la recherche sur l’embryon »


L’EVENEMENT


Mercredi 10 et jeudi 11 juillet 2013, l’Assemblée nationale a terminé l’examen de la proposition de loi visant à autoriser la recherche sur l’embryon humain. Le vote solennel de la loi aura lieu mardi 16 juillet 2013. La loi sera alors définitive, puisque votée par les deux chambres dans les mêmes termes, puis deviendra applicable sauf recours devant le Conseil constitutionnel.

Le texte modifie la loi bioéthique du 7 juillet 2011 pour que la recherche sur l’embryon, actuellement interdite avec des dérogations, soit désormais autorisée dans son principe et avec des conditions encore moins contraignantes. Il serait désormais « normal », puisque « légal », de détruire un être humain pour une utilisation à visée scientifique.

Cette proposition de loi, initialement déposée par des sénateurs Radicaux de gauche en juin 2012, a été votée le 4 décembre dernier au Sénat, puis mise en échec à l’Assemblée nationale le 28 mars 2013 grâce à la détermination de députés de l’opposition. Le Gouvernement l’a alors reprise à son compte, l’a inscrite à l’ordre du jour de la session extraordinaire de juillet, puis a limité au maximum les débats en recourant au vote bloqué.


LE CHIFFRE 


Sur les 171.417 embryons surnuméraires congelés, 29.779 feraient l’objet d’un « abandon du projet parental » (Rapport de l’Agence de la biomédecine, page 66, statistiques au 31/12/2010). Pour près de 15.000 d’entre eux, le principe d’un don à la recherche serait accepté par les parents, selon l’INSERM citée par la ministre Mme Fioraso pendant les débats.
 
En réalité, les informations sur le nombre d’embryons utilisés pour la recherche restent très peu transparentes. Avec des autorisations certainement plus nombreuses à l’avenir, il serait indispensable d’obtenir des données fiables, en distinguant  les centres de recherche publics et les laboratoires privés.
LE RESUME DU DEBAT


         a) Le débat refusé

La proposition de loi, qui ne concerne qu’un seul article du Code de la santé publique (l’article L.2151-5), a fait l’objet :

-    d’une motion de rejet préalable défendue par Jean Leonetti, député des Alpes-Maritimes, et d’une motion de renvoi en commission défendue par Philippe Gosselin, député de la Manche. Ces deux motions ont été rejetées.

-    de près de 300 amendements déposés par les députés de l’opposition, pour tenter de refuser ou limiter les dérives qui résulteront du nouveau texte de loi.
 
Très vite après l’examen des premiers amendements, le Gouvernement a mis en œuvre l’article 44-3 de la Constitution : il a supprimé ainsi  les votes sur chacun des amendements, et tout renvoyé à un seul vote sur l’ensemble du texte mardi prochain (procédure du « vote bloqué », voir plus loin notre Coup de gueule).  

Sur le fond, les principaux changements par rapport à la loi bioéthique du 7 juillet  2011  sont les suivants (voir l’analyse contenue dans le Décodeur n°21 du 22 mars 2013) :

         b) La suppression du principe d'interdiction

Le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon, même assorti de dérogations, est fixé depuis les premières lois bioéthiques de 1994. Il reste un symbole extrêmement fort de la reconnaissance de l’embryon comme être humain à part entière : le fait qu’il soit à son tout premier stade ne lui retire pas sa qualité d’être humain. 

Cette référence éthique fondamentale est basée sur l’article 16 du Code civil, qui dispose : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».

Inverser le principe et fixer la règle que la recherche est autorisée sous certaines conditions, c’est accomplir un virage à 180° sur le plan symbolique et philosophique (à titre d’exemple, comme si le principe que tout citoyen « est présumé innocent » devienne « est présumé coupable »).

         c) L'assouplissement des quatre conditions pour autoriser une recherche

Les quatre conditions sont détaillées en annexe. Deux points essentiels sont à souligner :

-    Il ne serait plus nécessaire de viser des « progrès médicaux majeurs » (cf condition n°2), mais simplement « une finalité médicale », terme flou qui en fait une condition très facile à atteindre.

-    D’autre part, la volonté de privilégier les « recherches alternatives », c’est-à-dire celles qui ne détruisent pas l’embryon, disparaît complètement (cf condition n°3 et dernière phrase supprimée). La modification de la condition n° 3 avait été demandée au Sénat par la ministre de la Recherche elle-même, avec la justification suivante : « Cet alinéa est très restrictif pour les chercheurs (…). Les recherches liées au screening à visée pharmaceutique ou à la modélisation des pathologies pourraient se heurter à cet alinéa. D’où la nouvelle rédaction que je suggère. »

         d) La suppression de la motivation obligatoire des autorisations données

La loi du 7 juillet 2011 obligeait l’Agence de la Biomédecine (ABM) à motiver ses décisions, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il en est de même pour son Conseil d’orientation, qui donne un avis scientifique sur tout projet de recherche.

La motivation des autorisations données constitue un élément essentiel pour comprendre la pertinence de la recherche en cause, et au besoin pouvoir contester la validité  de cette décision.

En supprimant la motivation des actes, alors que dans le même temps  les conditions d’acceptation des dossiers deviennent beaucoup plus souples et vagues, les promoteurs du texte prennent un risque considérable de dérives scientifiques et éthiques.
 
         e) Autres modifications importantes

-    Suppression de l’obligation d’informer les parents de la nature des recherches effectuées sur les embryons surnuméraires qu’ils ont consenti à donner.
-    Diminution importante du pouvoir des deux ministres concernés (Santé et Recherche) pour s’opposer à un programme qui ne semblerait pas répondre aux conditions fixées dans la loi.
-    Suppression de l’accord préalable de l’ABM pour conduire des études sur les embryons (les « études » doivent être distinguées des « recherches »,  en ce sens qu’elles ne portent pas atteinte à l’embryon).

Au total, le texte voté par le Parlement apporte un changement majeur de notre législation, tant sur le plan des principes que sur les modalités de vérification du bien-fondé des recherches sur l’embryon. 


NOTRE COUP DE COEUR

Le happening du 11 juillet organisé par le Collectif « Un de nous » près de l’Assemblée nationale, au moment de l’examen de la loi autorisant la recherche sur l’embryon en France.

Un de nous  est une Initiative citoyenne européenne animée en France par Alliance VITA, la Fondation Jérôme Lejeune, les Associations Familiales Catholiques (AFC) et le Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine (CPDH). A ce jour, plus de 66 000 signatures ont déjà été recueillies en France, pour un objectif de 100 000 d’ici la fin de l’été. Pour l’ensemble des 28 pays européens, 752 000 signatures sont recensées, pour un objectif d’un million.


NOTRE COUP DE GUEULE

Le passage en force du Gouvernement, par le recours à la procédure du « vote bloqué » prévu à l’article 44-3 de la Constitution : « Si le Gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.»

Cette procédure assez exceptionnelle est utilisée par le Gouvernement quand il se trouve mis en difficulté, soit pour contraindre sa majorité à accepter un texte sans le déformer, soit pour éviter tout risque que l’opposition parvienne à faire voter un amendement au cours du débat. En l’occurrence, ce second cas de figure aurait pu se produire jeudi en milieu de journée, compte tenu de l’insuffisance de députés de la majorité présents dans l’hémicycle. 

Ce dernier acte est à l’image du débat confisqué tout au long de la procédure : initiative parlementaire  lancée en catimini, pas d’états généraux comme prévu par la loi quand on aborde des questions de bioéthique, examen confidentiel au Sénat au cours d’une nuit de décembre, démarches politiciennes du Gouvernement pour satisfaire un parti allié, et finalement manœuvre d’obstruction à l’Assemblée nationale pour éviter tout vote risquant d’obliger à une seconde lecture.