Fumée noire à 19 h 41, un nuage même, pendant six minutes. Pas de doute. Le pape n'a pas encore été choisi. Sous une forêt de parapluies multicolores, des milliers de personnes s’étaient rassemblées à la nuit tombée après le travail, sous la pluie, Place Saint-Pierre, illuminée comme les grands soirs, pour guetter la première fumée, le résultat du premier vote des cardinaux entrés en conclave en fin d’après midi.

Au fur et à mesure de l’attente, la foule devenait plus dense, et plus familiale aussi : on était venu avec les enfants, parfois juchés sous leurs cirés, sur les épaules de leurs papas.

Régulièrement les caméras de télévision encadraient le tuyau cuivré si caractéristique et son chapeau mondialement connu qui projetait son ombre sur la pente du toit.

D’autres avaient déjà suivi le matin, sur écrans géants, la messe « pour l’élection du Pontife romain », et dans l’après-midi, la partie visible de l’entrée en conclave.

A 16 h 30, la procession des cardinaux a quitté la chapelle Pauline pour passer par la Sala Regia avant de franchir le seuil de la Chapelle Sixtine, lieu de l’élection du Successeur de Pierre, indiqué par la Constitution de Jean-Paul II Universi Dominici Gregis (1996).

Les cardinaux ont rejoint leurs tables disposées de part et d’autre de la nef de la chapelle, sur deux rangs. Ils y sont placés par ordre hiérarchique dans le Collège cardinalice : les cardinaux évêques, les cardinaux prêtres et les cardinaux diacres.

A leurs places assignées pour toute la durée du conclave, ils ont trouvé le livre de la liturgie des heures, la constitution de Jean-Paul II, le Rituel du conclave. Chacun avait aussi reçu le livret préparé par le Bureau des célébrations liturgiques pontificales pour ce moment de la célébration avec les litanies des saints, en latin, le Veni Creator et le texte du serment que voici, qu’ils ont lu ensemble avant de venir chacun jurer personnellement en posant la main sur les évangiles ouverts.

« Nous tous et chacun de nous, cardinaux électeurs présents à cette élection du souverain pontife, promettons, faisons le vœu et jurons d’observer fidèlement et scrupuleusement toutes les prescriptions contenues dans la Constitution apostolique du souverain pontife Jean-Paul II, Universi Dominici Gregis, datée du 22 février 1996.

« De même, nous promettons, nous faisons le vœu et nous jurons que quiconque d’entre nous sera, par disposition divine, élu pontife romain, s’engagera à exercer fidèlement la charge pétrinienne de pasteur de l’Eglise universelle et ne cessera d’affirmer et de défendre avec courage les droits spirituels et temporels, ainsi que la liberté du Saint-Siège.

« Nous promettons et nous jurons surtout de garder avec la plus grande fidélité et avec tous, clercs et laïcs, le secret sur tout ce qui concerne d’une manière quelconque l’élection du pontife romain et sur ce qui se fait dans le lieu de l’élection et qui concerne directement ou indirectement les scrutins ; de ne violer en aucune façon ce secret aussi bien pendant qu’après l’élection du nouveau pontife, à moins qu’une autorisation explicite en ait été accordée par le pape lui-même ; de n’aider ou de ne favoriser aucune ingérence, opposition ni aucune autre forme d’intervention par lesquelles des autorités séculières, de quelque ordre et de quelque degré que ce soit, ou n’importe quel groupe, ou des individus voudraient s’immiscer dans l’élection du pontife romain. »

Puis le Maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Guido Marini,  a prononcé l’« Extra omnes » - dehors, tous – : les photographes, cameramen, et le personnel autorisé s’est alors retiré. Mgr Marini est allé fermer de l’intérieur la lourde porte de bois gardée par deux gardes suisses pontificaux en grand uniforme.

Le cardinal maltais Prosper Grech, patrologue, non-électeur, avait été choisi par l’assemblée des cardinaux pour la délicate mission de les accompagner ensuite – comme la loi le prévoit - par une exhortation spirituelle à huis-clos, après la procession et le serment.

A la fin de la méditation, le cardinal Grech s’est retiré, accompagné de Mgr Marini. Le dépouillement a été suivi des vêpres. Et du retour à Sainte-Marthe pour le dîner.