Du 27 au 29 juin 2025, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, le cardinal François-Xavier Bustillo a été mandaté par le pape Léon XIV pour présider la clôture du 350e anniversaire des apparitions du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial, en France. Zenit l’a rencontré à cette occasion.
Zenit : Vous avez présidé la clôture du Jubilé des apparitions à Paray-le-Monial. Pourquoi la dévotion au Sacré-Cœur est-elle importante pour le monde aujourd’hui ?
Cardinal François-Xavier Bustillo : Le Sacré-Cœur de Jésus, c’est un cœur ouvert. Il est le siège de la vie, de l’affection. Et cela me fait penser à tous les signes actuels de peur et de fermeture dans notre société. Notre monde est très fracturé, divisé. Personnellement, je me pose la question : qu’avons-nous fait de la fraternité ?

27 juin 2025 à Paray-le-Monial : « La fraternité doit se bâtir à partir du Cœur » © Anne van Merris
Si la fraternité se limite à des tactiques, des stratégies et des gestions de problèmes sociaux, c’est un échec. Elle doit se bâtir à partir du cœur. Si nous ne sommes pas heureux, réconciliés, nous ne pouvons pas vivre en paix. Et la société sera toujours crispée. Il est donc important que l’on puisse avoir du cœur, être réconciliés et réparés dans notre vie relationnelle.
Dans la fête du Sacré-Cœur, certains peuvent voir le côté un peu dévotionnel, mais le pape François nous a offert l’encyclique Dilexit nos. Il nous a dit que l’on ne peut pas être tous frères si on ne commence pas par le cœur, c’est-à-dire par l’essentiel, par l’intériorité.
Zenit : Vous êtes vous-même un homme de contact et de fraternité. Vous entretenez notamment avec l’État français des relations assez positives…
Cardinal F. X. Bustillo : Au-delà de ma personne, on vit en France une situation extrêmement complexe dans la vie sociale. Et quand il y a une telle complexité, on ne peut pas déléguer la gestion d’un pays aux seules autorités politiques et économiques. Certes, les responsables ont été élus, mais ils doivent aussi être conséquents.
Je crois que si on a des bons contacts avec les autorités, c’est parce que nous vivons une époque où la société a besoin de toutes les forces, pas seulement politiques et financières, mais des forces spirituelles, philosophiques, sportives, associatives ou culturelles. Dans les crises, nous devons tous travailler ensemble pour que chacun, selon son génie propre et sans confusion, apporte ce qu’il a de meilleur pour le bien de la société.
Quand on a des responsabilités, on ne peut pas se limiter à regarder le monde déchiré. On ne peut pas être simplement spectateur, ni se lamenter et critiquer tout ce qui ne va pas ou n’est pas juste. Il faut être acteur.
Zenit : Vous êtes évêque d’Ajaccio depuis quatre ans. Quel est le visage de votre diocèse, les joies et les défis ?

« Simplicité et proximité de l’Église » © facebook.com/cardinalfrancoisbustillo
Cardinal F. X. Bustillo : J’ai trouvé un peuple accueillant, catholique, et même si tout le monde ne pratique pas à 100 %, il y a un respect et une dimension d’ouverture à l’Église. Ce que j’ai découvert en Corse m’a apporté beaucoup de joie car, à la différence d’autres régions d’Europe, il n’y a pas d’hostilité idéologique envers la religion.
Il y a donc une collaboration intéressante avec les responsables politiques, économiques, culturels et associatifs de l’île. L’Église a la chance de beaucoup recevoir. Parce que l’Église est acceptée, elle est aussi honorée. En tant qu’évêque, je me sens donc accompagné, honoré et respecté : c’est une chance non seulement de découvrir d’autres réalités, mais aussi d’apporter notre savoir-vivre pour toute la société.
En Corse, la piété populaire existe depuis des siècles donc elle se vit de manière naturelle. Elle rend le visage de la simplicité et de la proximité de l’Église. Il est important que nous récupérions cette dimension de la foi, car nous ne sommes pas tous pareils. Certains réagissent plus avec la tête et l’intellect, d’autres avec l’humain, avec le cœur. C’est ensuite à nous d’évangéliser, d’accompagner cette démarche en apportant des éléments spirituels et théologiques.
Au niveau des défis, je dirais qu’il y a trop de violence et de meurtres. L’Église a sa place pour essayer de poser des gestes de paix. Je vois aussi une autre difficulté en Corse, celle de la jeunesse, qui vit de gros problèmes de stabilité et de drogue. Il est important que les jeunes puissent trouver un idéal puissant qui les tire vers le haut.
Zenit : En tant que cardinal, comment avez-vous vécu le conclave et l’élection du pape Léon XIV ?
Cardinal F. X. Bustillo : Je l’ai vécu avec beaucoup de sérénité et de responsabilité, et j’ai admiré cette élection reçue dans la foi et la confiance. Nous étions 133 cardinaux à l’intérieur de la chapelle Sixtine, et nous avons pensé surtout à ceux qui étaient à l’extérieur, qui attendaient et méritaient une bonne part ! Cette chapelle est devenue comme une salle d’accouchement, où l’on a donné la vie à un nouveau pape. C’était un moment extrêmement émouvant.

F. X. Bustillo a été créé cardinal par le pape François en septembre 2023 à Rome © ofmconv.net
Le pape Léon XIV a dit « oui », et j’ai eu beaucoup d’admiration pour sa disponibilité et son courage. J’ai été créé cardinal le même jour que lui ! Je trouve que c’est un homme discret et déterminé, qui fait beaucoup de bien à l’Église.
Mais j’ai aussi beaucoup de compassion pour lui, parce que c’est une tâche qui est ascétique, exigeante. Dans une famille, les enfants se disputent, se compliquent la vie. Imaginez-vous avec une famille de 1 milliard 400 millions de personnes !
Cette élection est un beau signe de maturité de l’Église catholique. Aujourd’hui, les politiques doivent présenter un programme, défendre et combattre un programme, et parfois cela ne marche pas. Là, sans programme, sans rien, le pape Léon XIV a été accueilli et accepté dans la confiance et l’espérance.
Zenit : Plus personnellement, vous êtes entré jeune chez les franciscains. Pourquoi cette spiritualité en particulier, et que vous apporte-elle dans votre vie d’évêque et de cardinal ?
Cardinal F. X. Bustillo : J’ai été attiré par la figure de saint François d’Assise, sa manière d’incarner l’idéal évangélique et de parler de fraternité. Son charisme a été d’humaniser l’Église, de lui apporter une manière d’être dans laquelle il n’y a pas de jugement. Son esprit de paix et de réconciliation est toujours d’actualité. Et sa manière d’agir, avec simplicité et persévérance, a vraiment civilisé la société.
Aujourd’hui je me retrouve évêque et cardinal, et je suis reconnaissant envers mes frères franciscains, car j’ai tout reçu d’eux : ma formation, l’accompagnement, la confiance quand j’ai eu des responsabilités. Et mon devoir est de transmettre ce que j’ai reçu, donner aux autres ce patrimoine qui est tellement important pour la société actuelle.
Zenit : Au fond, qu’est-ce que le titre de « cardinal » a changé dans votre vie ?

Le nouveau livre « Réparation » sera publié le 10 septembre © facebook/cardinalfrancoisbustillo
Cardinal F. X. Bustillo : On voit souvent le côté prestigieux du cardinal, mais c’est d’abord une responsabilité de communion. En tant qu’évêque et cardinal, je dois naviguer entre le local et l’universel. Ma première responsabilité est d’être évêque d’Ajaccio, en Corse.
Mais je suis aussi cardinal de l’Église catholique et, là où je suis envoyé, j’essaie d’apporter la proximité et la présence du Saint-Père pour encourager les églises locales. C’est le cas à Paray-le-Monial pour la clôture du Jubilé des apparitions du Sacré-Cœur, ou à Alençon mi-juillet, à l’occasion du 10e anniversaire de la canonisation de Louis et Zélie Martin.
Quand on voit notre monde déchiré, il faut que nous, membres de l’Église, restions unis et soyons des facteurs de communion. Pour ma part, cela se concrétise par ma présence dans mon diocèse, mais également partout où on m’invite en tant que cardinal, afin d’apporter l’unité et la proximité du pape.
