(ZENIT News – Asia News / Bagdad, 19 juillet 2025) — Dans une tentative de sauvegarder l’héritage chrétien fragile de l’Irak, le patriarche chaldéen de Bagdad, le cardinal Louis Raphaël Sako, a lancé un appel urgent au Premier ministre Mohammed Chia al-Soudani, afin de stopper ce qu’il qualifie de « tentative de destruction des cimetières chrétiens historiques » dans la province de Nadjaf.
Un projet de développement commercial menaçant la mémoire chrétienne
Dans une réflexion publiée sur le site du patriarcat, le cardinal Sako dénonce les projets des autorités locales visant à remplacer ces lieux sacrés par des programmes de développement immobilier, risquant d’effacer à jamais une mémoire historique précieuse.
Le patriarche affirme que « des sources fiables à Nadjaf » — ville située à 160 km au sud de Bagdad — alertent sur des tentatives de transfert du contrôle de ces cimetières à des investisseurs, dans l’optique d’y construire des projets commerciaux.
Un appel direct au gouvernement pour bloquer les expropriations
Face à cette menace, le cardinal s’est adressé directement au chef du gouvernement pour bloquer l’expropriation des sites concernés et préserver la mémoire de la présence chrétienne dans la région.
Dans sa déclaration, il demande à M. al-Soudani d’« intervenir pour stopper la violation des lieux saints chrétiens », citant nommément le cimetière de Manathira et celui d’Umm Kheshm, tous deux en danger imminent.
Il insiste : « Ces sites doivent être protégés, clôturés et soustraits à tout projet d’investissement privé qui conduirait à leur disparition complète. »
Un patrimoine au-delà du seul christianisme
Dans un cadre d’intérêt national, le cardinal Sako souligne que ces sites revêtent une valeur culturelle et économique majeure, qui dépasse la communauté chrétienne et concerne l’ensemble du peuple irakien, y compris les musulmans.
Il rappelle également que l’histoire plurimillénaire de l’Irak précède largement l’ère islamique :
« Les Akkadiens, Sumériens, Chaldéens, Babyloniens, Assyriens, Arabes, Perses, chrétiens et enfin musulmans forment la richesse de notre histoire. »
Préserver pour mieux reconstruire l’économie
Dans une vision à long terme, le primat chaldéen appelle à diversifier les revenus de l’État par la préservation du patrimoine. Il suggère que ces lieux, aux côtés des sanctuaires chiites de Nadjaf et Kerbala, pourraient devenir des destinations religieuses et touristiques importantes.
Il met en garde :
« Compter uniquement sur le pétrole n’est pas viable. Un jour, le pétrole viendra à manquer. »
Une communauté chrétienne en péril
Cet appel intervient dans un contexte de crise existentielle pour l’une des plus anciennes communautés chrétiennes du monde. Avant l’invasion américaine de 2003, l’Irak comptait environ 1,5 million de chrétiens. Aujourd’hui, ils sont moins de 200 000.
La campagne génocidaire menée par l’État islamique en 2014 dans la plaine de Ninive et le nord du pays a marqué un point de rupture :
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Déplacements forcés massifs
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Profanation d’églises et de monastères anciens
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Sentiment de vulnérabilité profonde
Même après la défaite militaire de Daech, l’exode s’est poursuivi.
Un effacement progressif et silencieux
Les rares chrétiens revenus font aujourd’hui face à une insécurité persistante, des changements démographiquesdans leurs villes historiques, et à l’appropriation illégale de leurs biens.
La tentative actuelle de développement des cimetières historiques de Nadjaf est vue comme un nouvel exemple de l’effacement progressif de leur présence physique et culturelle dans le paysage irakien.
Un patrimoine enrichi par la culture arabe chrétienne
Le patriarche rappelle que le patrimoine chrétien irakien a également été enrichi par les grands poètes chrétiens arabes comme Imru’ al-Qais et al-Nabigha al-Dhubyani, qui ont joué un rôle clé dans la naissance de la littérature arabe.
Archéologie, art et littérature forment un héritage d’une valeur inestimable, que le cardinal qualifie de véritable « or noir » de l’Irak, bien plus précieux à long terme que le pétrole.
Un bien universel à protéger ensemble
Depuis son temps comme archevêque de Kirkouk, le cardinal Sako a dénoncé les dangers pesant sur ce « bien universel » :
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Pillages
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Trafic illicite
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Dégradations dues au changement climatique
Il affirme que ce patrimoine doit être défendu par tous les Irakiens, pas seulement les chrétiens.
Il avait déjà souligné cela en 2016, lors de la Conférence internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel dans les zones de conflit, à Abou Dhabi.
