Bible Archives - ZENIT - Français https://fr.zenit.org/category/bible/ Le monde vu de Rome Thu, 25 Apr 2024 09:07:09 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.3 https://fr.zenit.org/wp-content/uploads/sites/4/2020/07/9e4929ea-cropped-dfdb632a-favicon_1.png Bible Archives - ZENIT - Français https://fr.zenit.org/category/bible/ 32 32 La redécouverte de Pétra, cité de l’encens https://fr.zenit.org/2024/04/25/la-redecouverte-de-petra-cite-de-lencens/ Thu, 25 Apr 2024 08:57:17 +0000 https://fr.zenit.org/?p=192310 Cette ville est restée cachée jusqu'en 1812

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Pétra est sans conteste le lieu le plus visité de Jordanie. Saviez-vous que cette ville est restée cachée jusqu’en 1812, lorsqu’un explorateur suisse la redécouvrit enfin ?

Johann Ludwig Burckhardt a 28 ans lorsqu’il redécouvre la ville grandiose, connue comme la capitale des Nabatéens, un peuple arabe.

Johann Ludwig Burckhardt (1874-1817). Photo : Wikipédia

Si plusieurs textes anciens Grecs évoquent la riche cité de l’encens, les expéditions pour essayer de la prendre ont toujours échoué. Pétra est une ville protégée par son environnement naturel. Elle a permis aux tribus nomades de garder leurs trésors pendant des siècles. Entourée d’une forteresse naturelle, la ville a ses réserves d’eau et reste imprenable.
Photos: E. Pastore
 
Au tournant de l’ère chrétienne, la ville est en plein essor. Malheureusement, elle sera abandonnée en raison d’un tremblement de terre et du déclin du commerce caravanier, celui-ci étant remplacé par le commerce maritime.
Comment Burckhardt s’y est-il pris pour retrouver l’emplacement de l’ancienne ville ? Il était né à Lausanne en 1784. Après des études universitaires à Leipzig et Göttingen, il aurait du devenir diplomate. Finalement, c’est depuis Londres qu’il est envoyé comme explorateur. Il apprend l’arabe à Cambridge puis en 1800, il s’embarque pour Malte et de là pour la Syrie où il s’installe.
Il adopte les coutumes locales et se laisse pousser la barbe. Ce faisant passer pour un commerçant syrien, il voyage vers le Caire et atteint finalement la région du Wadi Moussa où il a entendu que se situait la ville oubliée. Il prétend vouloir offrir une chèvre en sacrifice au prophète Aaron dont le sanctuaire se situe à proximité. Pour y parvenir, son guide le conduit à travers l’étroit passage du Siq, conduisant à l’intérieur de la ville de Pétra, jusque devant la façade extraordinaire de la Khazneh.
La redécouverte de Pétra a alimenté les fantasmes des aventuriers, dont le plus connu est bien sûr Indiana Jones. Ne manquez pas la dernière scène du film Indiana Jones et la dernière croisade (1989) : https://youtu.be/FkjRaq31dxI !

Emanuelle Pastore

 

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La plus ancienne carte de pèlerinages en Terre Sainte https://fr.zenit.org/2024/04/19/la-plus-ancienne-carte-de-pelerinages-en-terre-sainte/ Fri, 19 Apr 2024 08:01:09 +0000 https://fr.zenit.org/?p=192081 Elle se trouve à Madaba, en Jordanie 

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En 1884, dans la petite ville de Madaba, une ancienne ville moabite mentionnée dans le livre des Nombres (Nb 21,30), des moines grecs firent la découverte fortuite et étonnante d’une grande mosaïque qui devait décorer le sol d’une église byzantine. Il s’agit d’une carte de la Terre Sainte indiquant les principaux lieux de pèlerinages chrétiens.

La carte de Madaba est la plus ancienne carte de Terre Sainte que nous ayons. On doit la dater de la fin du VIe siècle, en raison de la langue utilisée dans les inscriptions mentionnant certains bâtiments construits par Justinien (527‑565) et aussi en raison du style de la mosaïque. L’artiste est certainement palestinien, vu son utilisation de la graphie araméenne de plusieurs noms propres de lieux. Il s’est sûrement inspiré du premier grand ouvrage de topographie de la Terre Sainte, intitulé Onomasticon et rédigé par l’évêque Eusèbe de Césarée, au milieu du IVe siècle. Cet ouvrage reste encore aujourd’hui une source importante pour l’identification de lieux anciens, maintenant disparus.

Cette carte, connue des biblistes sous le nom de « carte mosaïque » ou de « mosaïque géographique » de Madaba, aurait été élaborée sous l’empereur romain Justinien, vers l’an 560. Il s’agit de la plus vieille représentation connue de la terre des origines du christianisme. Elle frappe par la vision unitaire et homogène qu’elle nous en livre, avant l’arrivée de l’islam (vers 635) et le grand schisme d’Orient (en 1054). À la suite d’un tremblement de terre au VIIIe siècle, puis des destructions opérées par les iconoclastes, il ne reste plus que la moitié de cette œuvre, qui rassemblait à l’origine deux millions de tesselles (un bon artisan ne peut en poser plus de 200 par jour…) de pas moins de 40 teintes différentes, mesurait seize mètres sur six et offrait une vaste perspective cartographiée, allant de la côte phénicienne et de la Syrie jusqu’à la vallée du Nil. 

Église saint Georges, Madaba, Jordanie
Photographie : E. Pastore

La mosaïque de Madaba, orientée à l’est – supposant donc que le visiteur arrive par la Méditerranée -, fut découverte au moment de la construction de l’église actuelle sur un ancien édifice byzantin ruiné. Des biblistes renommés s’y intéressèrent aussitôt, parmi lesquels le P. Marie-Joseph Lagrange, dominicain, fondateur de l’école biblique de Jérusalem. Pas moins de cent cinquante inscriptions en grec y subsistent, presque toutes identifiées, qu’on a plaisir à découvrir dans une représentation fidèle et fort bien proportionnée.

Située à l’avant droit du chœur de l’église actuelle, autour d’un pilier (sur une dimension maximale de dix mètres sur cinq), l’œuvre n’avait pas une fonction seulement décorative mais proposait aux croyants toute une vision de la foi avec de nombreux symboles chargés de sens et le choix de certains lieux de pèlerinage. Sa précision géographique devait également se révéler utile pour les pèlerins de passage.

Youtube Video

Décryptage

Les noms des villes sont indiqués à l’intérieur des remparts. Les lieux les plus importants, car porteurs de souvenirs bibliques, ont leurs noms accompagnés d’une citation du texte biblique – Ancien et Nouveau Testament – qui leur correspond.

Les anciennes régions des tribus sont aussi indiquées, par une grosse inscription en rouge, qui est accompagnée d’une citation des bénédictions de Jacob et de Moïse sur ces tribus.

Jérusalem, Madaba, Jordanie © E. Pastore

Tout au centre, une vignette particulière représente Jérusalem et, de par ses proportions plus grandes, manifeste la position éminente de cette ville dans l’histoire du Salut. On en distingue les portes et les murailles, la rue principale et le Saint-Sépulcre, représenté par des tesselles jaunes.

L’autre zone géographique privilégiée est, non loin de Madaba (et donc bien connue des mosaïstes), la jonction du Jourdain et de la mer Morte, appelée ici le Lac de sel, sur laquelle sont dessinés plusieurs bateaux. Certains détails ne manquent pas de frapper par leur véracité : ainsi, pour fuir la salinité de la mer Morte, des poissons remontent le Jourdain, dont on distingue les différents gués et les ponts de halage.

Le désert avoisinant est symbolisé par une gazelle que poursuit un lion, de même qu’on devine un crocodile non loin du Nil, dans le désert d’Égypte.

La ville de Jéricho est hérissée de tours et entourée de ses fameux palmiers. On situe précisément Bethléem, Hébron, Naplouse, Emmaüs, la montagne de Judée, Gaza et la côte méditerranéenne, ainsi que le Sinaï.

Une mention est faite de quelques lieux moins connus : le chêne de Mambré où Yahwé apparut à Abraham ; le tombeau de Joseph, fils de Jacob ; Béthanie, où Jean baptisait ; le puits de Jacob où le Christ rencontra la Samaritaine ; Gethsémani où il fut trahi par Judas.

Seule erreur géographique manifeste, due à la méconnaissance des artistes, ou alors au manque de place sur le sol de l’ancien édifice byzantin : le Nil inférieur s’écoule ici de… l’est à l’ouest, et non pas du sud au nord ; néanmoins, les cinq bras principaux de son delta sont bien distincts.

La jonction du Jourdain et de la mer Morte, Madaba, Jordanie © E. Pastore

La ville de Jérusalem

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Devant le tombeau ouvert https://fr.zenit.org/2024/03/31/devant-le-tombeau-ouvert/ Sun, 31 Mar 2024 15:08:28 +0000 https://fr.zenit.org/?p=191423 C'est sur la Résurrection que repose toute la foi chrétienne

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Un tombeau du 1er siècle. La pierre est roulée. Il est vide. Dehors, Jésus ressuscité se fait voir. Dire que c’est sur la résurrection que repose toute la foi chrétienne. Il se pourrait que nous soyons déjà si habitués à cette nouvelle que cela ne nous surprenne plus…

Les femmes, elles, ont de quoi être émues et pleines de joie. Impossible de rester plantées dans l’indifférence. En effet, elles viennent de rencontrer un ange qui leur a annoncé que Jésus, celui qui a été crucifié, est… ressuscité d’entre les morts ! L’ange les charge même d’une mission bien préciser : celle d’aller annoncer aux disciples cette merveilleuse nouvelle et de leur faire savoir que le ressuscité se montrera à eux en Galilée. Les voilà désormais instituées comme messagères et comme apôtres des… apôtres !

Quittant vite le tombeau, tout émues et pleines de joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre: “Je vous salue”, dit-il. Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui. Alors Jésus leur dit: “Ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront.” Tandis qu’elles s’en allaient, voici que quelques hommes de la garde vinrent en ville rapporter aux grands prêtres tout ce qui s’était passé. Ceux-ci tinrent une réunion avec les anciens et, après avoir délibéré, ils donnèrent aux soldats une forte somme d’argent, avec cette consigne : “Vous direz ceci : Ses disciples sont venus de nuit et l’ont dérobé tandis que nous dormions. Que si l’affaire vient aux oreilles du gouverneur, nous nous chargeons de l’amadouer et de vous épargner tout ennui.” Les soldats, ayant pris l’argent, exécutèrent la consigne, et cette histoire s’est colportée parmi les Juifs jusqu’à ce jour. » (Mt 28, 8‑15)

Elles entreprennent donc une course folle pour rejoindre les disciples, lorsque quelque chose de bien plus extraordinaire encore se passe en chemin : Jésus lui-même se montre à elles ! Elles devaient être toutes essoufflées à cause de leur course, lorsque Jésus les arrêta net. « Réjouissez-vous », leur dit-il. Se réjouir, c’est le verbe de la joie devant l’extraordinaire que Dieu fait. Jésus n’a rien le temps d’ajouter que déjà elles se prosternent devant lui et étreignent ses pieds. Jésus se montre à elles, comme si l’annonce de l’ange n’a pas suffi. Il veut que ses messagères et apôtres des apôtres soient des témoins directs de la nouvelle, dont elles sont porteuses. Elles ne font pas que redire ce que l’ange leur a dit, comme s’il s’agissait de la simple répétition d’un message qui leur a été dicté. Elles sont premièrement les destinatrices de l’acte-même de la résurrection de Jésus et c’est en tant que telles qu’elles sont envoyées vers ceux que Jésus appelle « ses frères ».

Pourquoi Jésus honore-t-il les femmes d’un tel privilège, alors que les disciples ne verront Jésus que quelques jours plus tard, en Galilée ?

On peut répondre en considérant le récit de la passion qui précède. Dans ces chapitres, les Douze sont absents. Ils l’ont abandonné et pris la fuite, précise l’évangéliste (Mt 26,56). Jésus affronte donc seul, d’abord le grand-prêtre, puis Pilate, puis la crucifixion. La seule mention qui soit faite d’un des Douze est celle de Pierre, mais pour nous raconter son triple reniement. La seule mention des disciples dans ces chapitres concerne les femmes : « Il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient » (Mt 27, 55). Et les mêmes femmes seront encore là au rendez-vous du tombeau trois jours après l’ensevelissement. Leur présence courageuse à ces moments clé est naturellement comprise par Jésus comme une preuve de profonde fidélité envers sa personne. Elles ont passé par l’épreuve de la mort avec Jésus, elles sont donc à même de vivre avec lui son passage à la vie. En effet, ne faut-il pas nécessairement passer par la mort pour revenir à la vie ?

La deuxième partie du texte évoque l’attitude des grands-prêtres, une attitude contraire à celles des femmes.

Celles-ci partent annoncer la bonne nouvelle aux disciples, tandis que les grands-prêtres cherchent à détourner la nouvelle. Ils soudoient les soldats pour que l’action de l’ange roulant la pierre du tombeau, puis la disparition du corps de Jésus, ne puissent être associées à un phénomène surnaturel. Ils font courir le bruit que les disciples de Jésus sont venus dérober le corps. Voilà l’autre version de l’histoire qui s’est colportée parmi les juifs. L’événement de la résurrection de Jésus est la pierre d’achoppement qui va diviser les juifs entre ceux qui y croient et ceux qui refusent d’y croire. Paul ne dira-t-il pas : « si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi » (1 Co 15, 17)? De quel côté nous situons-nous ? Suis-je du côté des croyants qui ont reçu le témoignage des femmes ? Suis-je plutôt du côté des grands-prêtres qui invoquent la supercherie ?

Sachons discerner dans l’événement du tombeau ouvert la profondeur du mystère qui s’y révèle:
Ce qui éclate en définitive au cœur du Mystère de la Résurrection, c’est que l’amour est plus fort que la mort car enfin, notre Seigneur est entré dans la mort uniquement par amour pour nous. Notre Seigneur est entré dans cette épouvantable solitude à laquelle fait allusion l’article du symbole: « Il descendit aux Enfers ». Cela veut dire qu’il connut, seul, la plus épouvantable, la plus désespérante solitude pour nous en délivrer, afin que, désormais, nous ne mourions pas seuls, parce qu’il ne cessera jamais de traverser la mort avec nous. Et, quand on n’est pas seul dans la mort, quand dans la mort on est porté par la vie, quand dans la mort on est assisté par l’amour, la mort dans ce qu’elle a de plus inacceptable est vaincue et définitivement surmontée. (Maurice Zundel, Homélie du 2 avril 1972)
 

Emanuelle Pastore

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Si Genèse 2-3 est un récit mythologique … https://fr.zenit.org/2024/03/14/si-genese-2-3-est-un-recit-mythologique/ Thu, 14 Mar 2024 16:45:30 +0000 https://fr.zenit.org/?p=190817 … alors le dogme du péché originel est-il lui aussi un mythe ?

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Le terme « mythe » est piégé, car immédiatement nous pensons qu’un mythe relève de l’imaginaire, d’où la conséquence logique de déduire que ce qu’il dit est tout simplement… faux. Les premiers chapitres de la Bible perdraient donc toute leur valeur et n’auraient plus rien à nous apprendre. Il en va pourtant tout autrement.

Premièrement, rappelons que la Bible est composée de textes appartenant à des genres littéraires différents (hymnes, prières, discours, lettres, codes de loi, récits…, etc.). Les onze premiers chapitres de la Genèse, avec leurs récits – scènes du jardin d’Eden, fratricide d’Abel par Caïn, histoire du déluge universel et de la tour de Babel – appartiennent à un genre littéraire qu’on peut qualifier de « mythologique », à condition de s’expliquer sur cette formulation. 

Qu’est-ce qu’un mythe ?

Le mythe est un récit qui a pour objet de dire l’origine de ce qui existe, d’explorer la complexité du monde au milieu duquel vivent les hommes. Il a une fonction explicative. Comme tel, il représente une des modalités de la réflexion humaine. Il sert aussi à justifier les conventions qui organisent la vie des individus et des groupes : il vise à fonder et à instaurer la vie de ceux qui le racontent. Pour ce faire, il se situe volontiers dans un temps primordial, « en ce temps-là », temps des dieux, hors de notre chronologie. Le mythe est anonyme et collectif. Souvent il est lu au cours de la célébration d’une fête qui en reprend rituellement des éléments. Ainsi du mythe mésopotamien d’Ishtar et de Tammouz : elle est maîtresse du sol et de la végétation, et lui, le dieu berger, rend compte de l’alternance des saisons. Ce mythe, mimé lors de la fête du Nouvel An, devait assurer au pays une année féconde. D’autres mythes ont pour fonction d’éclairer les mystères de la condition humaine. Il existe également des mythes qui expriment non pas les origines mais le terme de l’histoire, le monde nouveau espéré ; on les appelle « eschatologiques ». On les trouve notamment dans les apocalypses.

Le rationalisme du XIXe siècle a porté sur le mythe des jugements très négatifs en l’assimilant à une forme de pensée prélogique, irrationnelle, qui relèverait du seul imaginaire. Plus récemment une conception beaucoup plus positive s’est affirmée : le mythe apparaît comme un langage fait pour saisir des réalités que le langage courant échoue à désigner ; il est le moyen de signifier des réalités invisibles ou transcendantes, d’explorer les arcanes de la vie. Par là, il peut être porteur d’une vérité plus profonde que la vérité historique. On a pu dire qu’il était un « effort de connaissance de l’inconnaissable » (Buess). Il se pourrait même que, bien compris, il implique un jeu et une distance qui empêchent de le prendre à la lettre, à l’inverse de la naïveté que nous prêtons à ses auditeurs ou à ses lecteurs. (La Bible et sa culture, dir. Michel Quesnel et Philippe Gruson, Desclée de Brouwer, 2011)

Il faut également rappeler que le langage du mythe est très courant dans les civilisations antiques, notamment dans celle du Levant où notre Bible est née. Si les rédacteurs bibliques emploient ce langage, c’est parce que c’est aussi celui de leur temps. De plus, les mythes présents dans Gn 1-11, – qui se tiennent au commencement obscur de l’histoire -, ne sont pas des « créations » originales des rédacteurs bibliques. Ils sont plutôt des reprises de mythes préexistants. Gn 1 avec la création du monde et de l’humanité est une reprise des cosmogonies connues chez les peuples voisins d’Israël. Tous nos ancêtres, comme nous-mêmes d’ailleurs, se sont interrogés sur l’origine du monde. De même, le mythe du déluge (Gn 6-9) est un thème déjà présent dans l’épopée de Gilgamesh, un récit mésopotamien dont la plus ancienne version date du 17ème siècle avant JC. Il faudra beaucoup de temps à l’Église catholique pour intégrer cette découverte et pour comprendre comment l’Écriture reste Parole de Dieu, même quand elle dépend pour une part de traditions littéraires plus anciennes qu’elle et païennes.

La spécificité des récits bibliques

Si le rédacteur biblique s’inspire de récits déjà connus et existants en son temps, ce n’est évidemment pas pour redire ce que tout le monde sait déjà. Sinon, quel intérêt ? Ce qu’il fait peut être qualifié de subversif. En effet, le rédacteur biblique transforme ces récits de façon à ce qu’ils puissent être en cohérence avec la foi au Dieu révélé, le Dieu d’Israël. Le rédacteur biblique corrige certaines idées contenues dans le mythe païen, afin d’exprimer la foi au Dieu vivant. Dans ce sens, le récit biblique soumet les mythes païens à un sévère traitement démythologisant. Prenons quelques exemples :

  • Tandis que les peuples mésopotamiens adoraient le soleil et la lune comme des divinités, le rédacteur de Gn 1 relaie soleil et lune à leur simple fonction de « luminaires » ou « lampadaires » qui éclairent le ciel. Ils ne sont mêmes pas désignés par leur nom, afin de pointer leur inconsistance et de ridiculiser l’idolâtrie des Babyloniens.
  • Tandis que, selon le poème babylonien de l’Enouma Elish, l’humanité surgit d’un combat primordial entre des dieux et est créée à partir du corps sans vie et du sang du dieu vaincu, et bien le rédacteur biblique s’évertue à répéter, par sept fois, que tout ce qui est créé est fondamentalement bon et même très bon. Tout le créé provient de la suprême volonté libre du Dieu vivant. Bref, il n’y rien d’une défaite ou d’une nécessité dans la création des hommes selon la Bible. Dieu a voulu l’humanité pour elle-même.

Même si, comme nous l’avons déjà dit, le rédacteur biblique emploie la catégorie imaginaire du mythe pour exprimer la foi au Dieu d’Israël, on doit quand même attribuer une certaine dimension historique aux récits de Gn 1 à 9. Expliquons-nous. 

Un mythe est par définition anhistorique ou intemporel. Cela veut dire que, contrairement au temps historique qui est progressif, l’action mythique est réitérée, circulaire et réversible : ce qui est arrivé (hypothétiquement) arrivera de nouveau. Ainsi, le mythe était représenté liturgiquement au cours d’une fête chaque année. Par cette représentation, le mythe était rendu « actuel ». 

Comment se situe le mythe biblique par rapport au temps ? Nous venons de rappeler plus haut à quel point le rédacteur biblique utilise des motifs mythiques précisément afin de les démythologiser. On peut dire qu’il démythologise aussi la dimension anhistorique ou cyclique du mythe. En effet, le rédacteur biblique insère dans son récit mythique une certaine dimension historique, et cela de deux manières : 

  • Premièrement, la création est insérée dans un temps progressif. Elle a été faite en sept jours. Pour le rédacteur biblique, l’œuvre de Dieu a pris place dans le temps. En cela, il s’agit d’un premier commencement et ce premier commencement est unique. Il ne peut pas être répété. 
  • Deuxièmement, le rédacteur biblique intègre des généalogies (certes artificielles) dans Gn 1-11. Le chapitre 10 de la Genèse établit même ce qu’on appelle « la table des nations », c’est-à-dire l’arbre généalogiques de tous les peuples connus au Levant à l’époque du rédacteur. Il insère donc les descendants d’Adam, de Caïn, puis de Noé dans le temps de l’histoire. 

Ainsi, dans la Bible, le mythe est démythifié. De plus, l’intérêt de Gn 1-11 ne repose pas d’abord sur les éléments mythiques que le rédacteur biblique a emprunté à la littérature voisine, mais sur son intention religieuse originale. Nous sommes maintenant en mesure d’affronter la question que nous nous posions au début.

Le péché originel est-il un mythe ?

Par le langage mythologique, le rédacteur biblique de Gn 3 cherche à transmettre une vérité religieuse qui, même si elle n’est pas ajustée à la réalité en chacun de ses détails et même si elle est exprimée dans un langage symbolique, cherche à expliquer une situation bien réelle : l’homme se sait enclin au mal.

Ainsi, même si Adam et Eve sont des personnages fictifs, cela n’empêche pas qu’ils puissent refléter une profonde expérience humaine. 

Ce que la révélation divine nous découvre, notre propre expérience le confirme. Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se découvre également enclin au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création (GS 13, § 1).

C’est cette expérience qu’on appelle « péché originel ». Originel parce qu’il touche toute l’humanité depuis toujours, bien qu’on ignore tout de sa « propagation ». Le catéchisme de l’Église catholique rappelle aussi que « la transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons comprendre pleinement » (CEC 404). Il est donc inutile de chercher – dans Gn 3, par exemple – des informations précises sur la façon concrète dont cela s’est déroulé.

Enfin, c’est le contexte littéraire de l’ensemble de l’Ancien et du Nouveau Testament, – un contexte bien plus large que le récit de Gn 3 -, qui a permis de faire émerger la doctrine du péché originel. Essayons d’en retracer les principaux contours.

La conscience d’être enclin au mal et d’être pécheur dans la Bible

Israël a expérimenté avec un réalisme impressionnant la misère d’une existence précaire, jalonnée par la souffrance et dominée par l’horizon de la mort. La Bible tout entière transpire cette expérience, et pas seulement Gn 3!

« Le temps de nos années, quelque soixante-dix ans, 80, si la vigueur y est ; mais leur grand nombre n’est que peine et mécompte, car elles passent vite, et nous nous envolons. […] Fais-nous savoir comment compter nos jours, que nous venions de cœur à la sagesse ! » (Ps 90, 10.12)

Les plus grands patriarches et héros de la Bible ont goûté à l’amertume d’une vie faite d’épreuves et de souffrance, s’achevant avec la mort. Moïse meurt avant d’entrer en terre promise. David se fait entendre dire par le prophète Nathan que l’épée ne s’éloignera pas de sa dynastie. Mêmes les sages d’Israël dénoncent la cruauté de la vie humaine :

« L’homme, né de la femme, qui a la vie courte, mais des tourments à satiété. Pareil à la fleur, il éclot puis se fane, il fuit comme l’ombre sans arrêt. » (Jb 14, 12)

« Je déteste la vie, car ce qui se fait sous le soleil me déplaît : tout est vanité et poursuite de vent. (…) Car le sort de l’homme et le sort de la bête sont un sort identique : comme meurt l’un, ainsi meurt l’autre, et c’est un même souffle qu’ils ont tous les deux. La supériorité de l’homme sur la bête est nulle, car tout est vanité. Tout s’en va vers un même lieu : tout vient de la poussière, tout s’en retourne à la poussière. » (Qo 2, 17 ; 3, 1920)

Les choses étant ainsi, les hommes ne peuvent que se demander quelles en sont les raisons. Les rédacteurs bibliques ont toujours soin de mettre la faute sur l’homme et non sur Dieu, afin que sa bonté ne soit pas entachée. La fugacité de la vie et sa condition précaire s’expliquent par la conduite coupable de l’homme :

« Tu as mis nos torts devant toi, nos secrets sous l’éclat de ta face. Sous ton courroux tous nos jours déclinent, nous consommons nos années comme un soupir. » (Ps 90, 89)

« Parce que vous m’avez été infidèles au milieu des Israélites aux eaux de Meriba-Cadès, dans le désert de Cîn, parce que vous n’avez pas manifesté ma sainteté au milieu des Israélites, c’est du dehors seulement que tu verras le pays, mais tu n’y pourras entrer, en ce pays que je donne aux Israélites. » (Dt 32, 5152)

Le destin tragique de certains épisodes de la vie de David s’explique ainsi : « Parce que tu as outragé le Seigneur en cette affaire… » (2 S 12, 14)

« Seulement voici ce que je trouve : Dieu a fait l’homme tout droit, et lui, cherche bien des complications. » (Qo 7, 29)

« Parce que vous m’avez été infidèles au milieu des Israélites aux eaux de Meriba-Cadès, dans le désert de Cîn, parce que vous n’avez pas manifesté ma sainteté au milieu des Israélites, c’est du dehors seulement que tu verras le pays, mais tu n’y pourras entrer, en ce pays que je donne aux Israélites. » (Dt 32, 5152)

Remarquons l’étonnante proximité entre cette dernière citation, où le peuple pécheur est privé d’entrer en terre promise, et le scénario de Gn 3 où l’homme et la femme sont privés de l’accès au jardin d’Eden.

Dans tous les livres de la Bible, indépendamment de leur genre littéraire (historiques, prophétiques, sapientiaux), tous soulignent la tendance de l’homme vers le péché :

« La terre se pervertit au regard de Dieu et elle se remplit de violence. Dieu vit la terre : elle était pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre. » (Gn 6, 1112)

« Toute leur méchanceté a paru à Gilgal, c’est là que je les ai pris en haine. A cause de la méchanceté de leurs actions, je les chasserai de ma maison, je ne les aimerai plus, tous leurs chefs sont des rebelles.» (Os 9, 15)

Ce qui rend la situation dramatique, c’est que l’homme devrait pouvoir renoncer à commettre le mal, mais il ne peut s’en empêcher :

« Le Seigneur dit à Caïn : “Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n’es pas bien disposé, le péché n’est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite ? pourras-tu la dominer ?” » (Gn 4, 67)

En fait, le mal semble être la tendance dominante au cœur des hommes :

« Il n’y a aucun homme qui ne pèche. » (1 R 8, 46)

« Corrompues, abominables leurs actions ; non, plus d’honnête homme. Des cieux le Seigneur se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un de sensé, un qui cherche Dieu. Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis. Non, il n’est plus d’honnête homme, non, plus un seul. » (Ps 14, 13)

« N’entre pas en jugement avec ton serviteur, nul vivant n’est justifié devant toi. » (Ps 143, 2)

« Il n’est pas d’homme assez juste sur la terre pour faire le bien sans jamais pécher. » (Qo 7, 20)

« Qui peut dire : “J’ai purifié mon cœur, de mon péché je suis net ?” » (Pr 20, 9)

De plus, cette tendance au péché ne consiste pas seulement à « commettre des actions illicites », mais elle est comme inscrite au cœur de l’homme, comme une prédisposition psychologique :

« Vois : mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu. » (Ps 51, 7)

« Ils sont dévoyés dès le sein, les impies, égarés dès le ventre, ceux qui disent l’erreur. » (Ps 58, 4)

« Le péché de Juda est écrit avec un stylet de fer, avec une pointe de diamant il est gravé sur la tablette de leur cœur. » (Jr 17,1)

« Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36, 26)

Le vocabulaire du péché en hébreu (faute ‘awon, révolte pesha’, péché hatta’t) désigne à la fois une distorsion horizontale (des hommes entre eux) et une distorsion verticale (des hommes avec Dieu). Face à Dieu, l’homme pécheur a tendance à se cacher, à fuir. Et cela, malgré le fait qu’il ait été créé à l’image de Dieu pour vivre en dialogue avec lui.

De plus, le péché n’est pas compris comme une faute individuelle dont la conséquence n’affecterait que la personne qui l’a commis. En Israël, qui est à l’origine un peuple nomade et tribal, chaque individu est profondément lié avec les autres membres de la famille ou du peuple. Une coresponsabilité dans la faute est envisagée entre les membres d’une même descendance, comme cela est envisagé dans Gn 3 :

« Nous avons failli avec nos pères, nous avons dévié, renié. » (Ps 106, 6)

« Nous avons péché, nous avons mal agi, nous nous sommes pervertis. » (1 R 8, 47) 

« Ne retiens pas contre nous les fautes des ancêtres, hâte-toi, préviens-nous par ta tendresse, nous sommes à bout de force ; aide-nous, Dieu de notre salut, par égard pour la gloire de ton nom ; efface, YHWH, nos péchés, délivre-nous, à cause de ton nom. » (Ps 79, 89)

« Ils sont retournés aux fautes de leurs pères qui refusèrent d’écouter mes paroles : les voilà, eux aussi, à la suite d’autres dieux pour les servir. » (Jr 11, 10)

« 26 Fais-moi me souvenir, et nous jugerons ensemble, fais toi-même le compte afin d’être justifié. 27 Ton premier père a péché, tes interprètes se sont révoltés contre moi. 28 Alors j’ai destitué les chefs du sanctuaire, j’ai livré Jacob à l’anathème et Israël aux outrages. » (Is 43, 2628)

« 6 Non, moi, YHWH, je ne change pas, et vous, les fils de Jacob, vous ne cessez pas ! 7 Depuis les jours de vos pères, vous vous écartez de mes décrets et ne les gardez pas. » (Ml 3, 67)

Cette faute des ancêtres qui retombe sur leurs descendants ou des pères sur leurs fils ne consiste pas seulement en une imitation d’un mauvais exemple, mais se comprend plutôt comme un héritage qui se transmet.

« Nos pères ont péché : ils ne sont plus ; et nous, nous portons leurs fautes. » (Lm 5, 7)

« Je ne me tairai pas que je n’aie réglé leur compte, réglé à pleine mesure, puni vos fautes et les fautes de vos pères, toutes ensemble, dit le Seigneur. » (Is 65, 67) 

« 6 Nous n’avons pas écouté tes serviteurs, les prophètes qui parlaient en ton nom à nos rois, à nos princes, à nos pères, à tout le peuple du pays. […] 8 YHWH, à nous la honte au visage, à nos rois, à nos princes, à nos pères, parce que nous avons péché contre toi. » (Dn 9, 6.8)

Au fond, ces textes enseignent que la culpabilité individuelle induit une responsabilité collective.

« (YHWH, lui) qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché mais ne laisse rien impuni et châtie les fautes des pères sur les enfants et les petits-enfants, jusqu’à la troisième et la quatrième génération. » (Ex 34,7)

Grâce à ce petit parcours biblique, nous comprenons que la réflexion sur le péché en Israël, ses caractéristiques et ses conséquences, déborde largement les limites du seul récit de Gn 3. Tout croyant a de sérieuses raisons pour s’interroger sur la raison d’un tel état des choses : comment concilier la bonté et la sainteté de Dieu avec cette tendance au mal inscrite au cœur de l’homme ? Au fond, la question est la suivante : d’où vient le mal ? La Bible tout entière s’interroge et cherche des réponses à cette question. Gn 3 apporte une réponse à cette question. Le livre de Job en apporte une autre. Les différents textes qu’on vient de citer apportent encore d’autres réponses. Il importe donc de n’en « canoniser » aucune. Il faut plutôt apprendre à lire chacun de ces textes en percevant leurs divergences et leurs nuances pour tenter de s’approcher du mystère avec pudeur et respect. L’énigme du mal reste à ce jour non résolue, malgré la doctrine du péché originel qui, on l’aura senti, n’épuise pas le mystère.

Pour ne pas conclure

Une certaine focalisation sur le seul passage de Gn 3 quand il s’agit d’évoquer l’épineuse question du péché originel, ainsi que la tendance à faire une lecture littérale de Gn 3, nous vient tout droit de… saint Paul. 

Paul a une conscience vive de son état de pécheur et de l’impossibilité de s’en libérer. En cela, il parle depuis son expérience humaine :

17 Mais en fait, ce n’est plus moi qui agis, c’est le péché, lui qui habite en moi. 18 Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans l’être de chair que je suis. En effet, ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir. 19 Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. (Rm 17,17-19)

A la lumière du Christ venu pour nous guérir du péché, Paul en vient à commenter Gn 3. Il fait une magnifique méditation dans laquelle il propose un parallèle entre le premier Adam de Gn 2-3 par qui le péché est entré dans le monde et le nouvel Adam qui est le Christ et par qui l’humanité reçoit la guérison :

08 Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. (…) 11 Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ, par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation. 12 Nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. (…) 14 Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir. 15 Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. 16 Le don de Dieu et les conséquences du péché d’un seul n’ont pas la même mesure non plus : d’une part, en effet, pour la faute d’un seul, le jugement a conduit à la condamnation ; d’autre part, pour une multitude de fautes, le don gratuit de Dieu conduit à la justification. 17 Si, en effet, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a établi son règne, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes. 18 Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie. 19 En effet, de même que par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle rendue juste. (Rm 5,8-19)

Il est important de rappeler que la doctrine du péché originel, dont le Christ vient nous sauver, ne pouvait être pleinement formulée avant l’acte de salut posé par le Christ. On ne peut saisir vraiment le drame de la condition de l’homme pécheur qu’à la lumière du salut qui nous est offert en Christ pour nous en libérer. En Christ, le salut ou le remède à la situation de péché expérimentée depuis toujours nous est enfin offert.

Avec la progression de la Révélation est éclairée aussi la réalité du péché. Bien que le Peuple de Dieu de l’Ancien Testament ait connu d’une certaine manière la condition humaine à la lumière de l’histoire de la chute narrée dans la Genèse, il ne pouvait pas atteindre la signification ultime de cette histoire, qui se manifeste seulement à la lumière de la Mort et de la Résurrection de Jésus-Christ (cf. Rm 5, 12-21). Il faut connaître le Christ comme source de la grâce pour connaître Adam comme source du péché. C’est l’Esprit-Paraclet, envoyé par le Christ ressuscité, qui est venu  » confondre le monde en matière de péché  » (Jn 16, 8) en révélant Celui qui en est le Rédempteur. (Catéchisme de l’Eglise catholique, n°388)

Le fait que le péché originel nous soit révélé à travers la mission salvifique du Christ doit nous aider à comprendre et à ne pas oublier que Gn 3 n’a pas « le monopole » sur la question du péché, tout comme Gn 3 ne constitue pas non plus « une preuve » du péché originel ! Gn 3 offre plutôt à ses lecteurs un aspect de la méditation que les sages d’Israël n’ont cessé de développer à travers toute la Bible.

Emanuelle Pastore

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Vous avez dit « stylite »? https://fr.zenit.org/2024/03/04/vous-avez-dit-stylite/ Mon, 04 Mar 2024 15:41:36 +0000 https://fr.zenit.org/?p=190523 Un stylite était un homme de Dieu vivant au sommet d'une colonne

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Stylite, cela vient de stylo, qui signifie « colonne ». Et oui, un stylite était un homme de Dieu vivant au sommet d’une colonne. Stylé, non?

L’idée était double: s’extraire du monde et vivre au plus près de Dieu. S’élever au-dessus des bassesses de ce bas monde et toucher le ciel. Le plus connu des stylites est certainement saint Siméon le stylite, un moine du 4ème siècle. Il vivait en Syrie.

Les ermites stylites (ne pas confondre avec stylistes!) étaient de véritables ascètes. Le sommet de leur colonne était si étroit qu’ils ne pouvaient s’allonger. Chaque jour, un peu de nourriture leur était apportée à l’aide de cordes. Les stylites devaient aussi affronter les intempéries. Les gens cherchaient à les voir et à leur parler, leur demandant d’intercéder pour eux auprès de Dieu.
 

Pourquoi est-ce que je vous parle des stylites? Et bien parce qu’aujourd’hui, il ne subsiste qu’une seule colonne de stylite au monde: elle se trouve en Jordanie, sur le site de Umm Er Rassas. Et je l’ai prise en photo! La voici

Alors, envie de tenter l’expérience ?

Emanuelle Pastore

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Le Dieu qui appelle https://fr.zenit.org/2024/02/21/le-dieu-qui-appelle/ Wed, 21 Feb 2024 21:23:43 +0000 https://fr.zenit.org/?p=190185 Contemplation de la scène de l'appel de Matthieu

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Le Dieu de la Bible ne cesse d’appeler. N’est-il pas le Dieu des relations? On peut même dire que son nom est « relation », car c’est lui qui donne l’être et qui fait vivre les autres, tous les autres.
Il se révèle par sa parole, c’est dire qu’il veut être entendu par d’autres. La parole n’est-elle pas toujours adressée? Mais lorsqu’il parle, lorsqu’il appelle, il se risque à toutes sortes de réactions et de réponses.
Il se risque à un « non », comme cela est arrivé avec Jonas. Il rencontre de la résistance, comme avec Moïse ou avec le jeune homme riche.
Il se peut qu’il voie souffrir celui qu’il destine à une grande mission, tel Jérémie.
Il se peut même que Dieu ne soit pas immédiatement entendu et compris, tel le petit Samuel, ou tel Elie à l’Horeb peinant à discerner la présence divine dans « la voix de fin silence ».
Enfin, il se peut aussi que l’appel de Dieu soit immédiatement suivi, comme cecfut le cas de Matthieu. Explorons cette scène ensemble!

Etant sorti, Jésus vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu, et il lui dit : “Suis-moi !” Et, se levant, il le suivit. » (Mt 9, 9)

L’appel de Matthieu, Caravaggio, 1599-1600, Rome, Saint Louis des Français

 

Le Caravage était un homme aux mœurs contestables. Pourtant, il avait compris quelque chose de la gratuité de l’amour de Dieu pour les hommes. Il avait saisi à quel point Dieu pouvait et voulait faire de l’homme un saint.

Cette peinture représente l’instant même entre l’invitation « suis-moi » et le mouvement de se lever. C’est le moment où la volonté va transmettre au corps la décision de se lever. Cet instant très bref a eu un avant et il aura un après.

Observons les vêtements: les cinq personnages de gauche sont habillés à la mode du 17è siècle, c’est-à-dire au temps du Caravage. Tandis que Jésus et Pierre sont habillés comme au premier siècle. C’est une belle manière de dire que Jésus nous rejoint dans notre présent. Qu’il n’appartient pas au passé !

Observons l’organisation de l’espace : à gauche, le groupe est en demi-cercle avec une place laissée libre au milieu. Pour qui est cette place ? Pour l’observateur. Nous sommes donc invités à entrer dans le cercle des appelés!

Ces hommes sont riches, car ils savent compter. Essayons de décrire l’attitude de chacun :

  • Celui de gauche est tout absorbé dans son argent.

  • Celui qui est debout, est-il en train de surveiller ?

  • Les deux jeunes à droite sont comme piqués par la curiosité.

  • Il n’y a que Matthieu pour recevoir et vivre cet événement « pour lui ».

Observons la lumière: elle vient de droite et va vers la gauche. De plus haut que le Christ. Elle vient donc du Père. La lumière atteint tous les visages, car

« votre Père qui est aux cieux fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5,45)

Même si la lumière atteint aussi le dernier à gauche, il reste dans l’ombre, car il est totalement absorbé par son argent. L’appel de Dieu est imperceptible pour lui, car il n’est pas disposé à l’entendre. Il est trop absorbé par d’autres choses. D’ailleurs, le cordon de la bourse a la forme d’une araignée…

La fenêtre semble totalement inutile, puisqu’elle ne donne aucune lumière. Elle représente plutôt la croix.

La lumière est comme le manteau de Pierre. Pourquoi cette insistance sur le manteau de Pierre ? Peut-être en référence aux Actes des Apôtres quand il est dit que les malades voulaient être recouvertes par l’ombre de Pierre qui avait le pouvoir de guérir…

à tel point qu’on allait jusqu’à transporter les malades dans les rues et les déposer là sur des lits et des grabats, afin que tout au moins l’ombre de Pierre, à son passage, couvrît l’un d’eux. La multitude accourait même des villes voisines de Jérusalem, apportant des malades et des gens possédés par des esprits impurs et tous étaient guéris. » (Ac 5, 15‑16)

Il semble que Pierre, représentant de l’Eglise, soit le reflet de la lumière même du Christ.

Regardons les destinataires de l’appel de Jésus et de l’Eglise: puisque le peintre ne peut pas employer la parole, on ne reconnaît l’appel que dans l’auto désignation de Matthieu. Cela a un enseignement. En voyant l’appel de l’autre, on est capable de percevoir l’appel de Dieu. Personne ne peut dire « toi, Dieu t’appelle ». C’est celui qui est appelé qui seul le sait et lorsqu’il répond positivement à l’appel de Dieu alors il devient un témoin de l’appel de Dieu. De sorte que les autres déchiffrent leur propre appel grâce au oui que d’autres ont donné avant eux.

Alors qu’ils sont trois à avoir vu la main du Christ se tendre vers eux, seul Matthieu y a lu un appel. Lui seul s’est demandé : « Est-ce pour moi ? »

Pierre et Jésus sont difficiles à distinguer. La main de Jésus et celle de Pierre font le même geste, même si Pierre le fait plus timidement. Une façon de dire que l’appel de Jésus est relayé par l’Eglise avec et malgré toutes ses obscurités.

La main de Jésus, comme celle de Pierre, est celle qu’on voit dans la scène de création de Michel-Ange. Mais, attention, il ne s’agit pas de la main du Père, mais bien de celle d’Adam. D’une part, Jésus est le nouvel Adam. Et d’autre part, cela nous dit que l’appel de Jésus à le suivre, la vie dans le baptême, est une nouvelle création, une nouvelle naissance.

Enfin, arrêtons-nous sur le très beau visage de Jésus, sur son regard:

Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. (Mc 10,21)

Emanuelle Pastore

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Jésus a-t-il vraiment fait des miracles ? https://fr.zenit.org/2024/02/07/jesus-a-t-il-vraiment-fait-des-miracles/ Wed, 07 Feb 2024 21:47:49 +0000 https://fr.zenit.org/?p=189796 De nombreux passages d'évangiles évoquent l’activité thérapeutique de Jésus

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De nombreux passages d’évangiles évoquent l’activité thérapeutique de Jésus. Mais ses miracles sont-ils vraiment attestés ? Faut-il y croire? Quel est le sens de ces prodiges ? Jésus fait-il encore des miracles aujourd’hui ?

Commençons par relire un extrait de l’évangile selon saint Matthieu:

« Jésus parcourait toutes les villes et les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur. A la vue des foules il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de berger. Alors il dit à ses disciples : “La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson.” Ayant appelé à lui ses douze disciples, Jésus leur donna pouvoir sur les esprits impurs, de façon à les expulser et à guérir toute maladie et toute langueur. (…) Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les prescriptions suivantes : Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Chemin faisant, proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Mt 9,35; 10, 1. 5‑8)

Les deux chapitres précédents ce passage (Mt 8-9) rapportent justement dix miracles réalisés par Jésus. Tous ne sont pas du même ordre. Certains consistent en des guérisons physiques, d’autres en des exorcismes, d’autres en des revivifications de morts et d’autres enfin en des prodiges naturels. En tous les cas, il s’agit toujours de libérer la personne d’un mal qui la menace et qui la fait souffrir. Ce ministère de thérapeute de la part de Jésus ne laisse place à aucun doute sur le plan historique : tous les évangélistes en parlent, même les évangiles apocryphes et certaines sources juives.

Quel est le sens de ces miracles ?

Mais quel est le sens de ces miracles ? Jésus l’annonce haut et fort : les miracles accompagnent la venue du Royaume. L’annonce de la Bonne Nouvelle par Jésus ne va pas sans les signes qui l’attestent. Pour le dire simplement : ce que Jésus annonce – la venue du Royaume -, il le réalise par des gestes. Sa Parole est vraiment efficace. Il fait ce qu’il dit, à la manière du Dieu Créateur qui, dans la Genèse, crée par sa Parole : « Que la lumière soit… Et la lumière fut. » Jésus ne fait donc pas autre chose qu’une création nouvelle.

En quoi consiste cette re-création ? Elle fait de nous des hommes et des femmes libérés de l’oppression du mal, qu’il soit physique (maladies), moral (toutes sortes de souffrance intérieure), spirituel (possession diabolique). Entendons-nous bien lorsqu’on dit qu’il nous libère du mal : Jésus n’a pas guéri tous les malades de son temps, mais seulement les quelques-uns qui se sont trouvés sur sa route.

 

Cependant, tous les autres, comme nous-mêmes d’ailleurs, bien que nous soyons encore victimes du mal, nous savons désormais que le mal n’a pas le dernier mot. Même si la violence et l’injustice nous entraînaient jusqu’à la mort, nous savons que le mal a été vaincu. Nous savons que le mal sous toutes ses formes se soumet ou se soumettra à Jésus-Christ. Les guérisons réalisées par Jésus sont le signe annonciateur de la plus grande victoire que l’humanité n’aurait pas pu atteindre par elle-même : la victoire sur la mort.

Y a-t-il une Bonne Nouvelle plus décisive que celle-ci ? Par les signes qu’il fait, Jésus nous assure que le Royaume est déjà là, qu’il a déjà commencé avec lui et que nous en sommes les sujets. Les miracles ne sont pas des actes de magie pour séduire les foules. « L’extraordinaire ne provoque pas la foi, il vient en confirmation de la Parole ! », disait un théologien. Les miracles ne visent nullement à convaincre les foules, mais à confirmer la Parole de Jésus.

La pratique thérapeutique de Jésus

Enfin, dans notre passage, il est dit que Jésus transmet sa pratique thérapeutique à ses disciples. C’est dire que le combat contre le mal se poursuit dans le temps de l’Église. Qu’en est-il des miracles aujourd’hui ? Les signes du royaume sont bien visibles aujourd’hui, et cela de différentes manières. Les miracles existent toujours et certaines personnes ont un véritable charisme de guérison, tandis que d’autres continuent d’expulser des démons. Mais il ne faudrait pas oublier ces autres signes, sans doute moins spectaculaires, qui se célèbrent quotidiennement dans l’Église.

Consciente des aspirations, des attentes et des souffrances des hommes, l’Église continue à annoncer le Royaume et à faire les signes qui l’accompagnent en célébrant les sacrements, nous rappelle le Concile Vatican II (LG n°39-40). Ne sous-estimons pas la grâce que les sacrements nous donnent d’expérimenter lorsque nous les recevons humblement et avec foi : la paix, la libération intérieure de toute entrave, la nourriture spirituelle et la force pour avancer sur la route de nos vies à travers tant d’incertitudes.

 

Emanuelle Pastore

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Une lecture croyante : l’intelligence typologique des deux Testaments https://fr.zenit.org/2024/01/25/une-lecture-croyante-lintelligence-typologique-des-deux-testaments/ Thu, 25 Jan 2024 16:55:33 +0000 https://fr.zenit.org/?p=189415 La clé de lecture de l'Ancien et du Nouveau Testament est l'événement Jésus-Christ, mort et ressuscité pour notre salut

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La lecture croyante des Écritures bibliques repose sur une conviction: la clé de lecture de l’Ancien et du Nouveau Testament est l’événement Jésus-Christ, mort et ressuscité pour notre salut.

 

Cela signifie que Jésus-Christ est la clef de voûte qui unit les deux nefs que sontl’Ancien et le Nouveau Testament. Les Écritures ne trouvent leur sens qu’en la personne du Verbe incarné. Et simultanément le Verbe incarné n’est reconnaissable qu’à la lumière des Écritures. C’est pourquoi Saint Jérôme disait :

Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ. (saint Jérôme)

Comme les disciples d’Emmaüs, nous sommes invités à revenir aux Écriturespour reconnaître le Christ:

Ô cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les prophètes! (…) Et commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait. (Lc 24,25.27)

Quelle est cette fameuse leçon d’exégèse que le Christ ressuscité fit à ces deux disciples ce jour-là, à Emmaüs? On peut en trouver la teneur dans les discours de Pierre dans les Actes des Apôtres (Ac 2,14-36 ; 3,11-26). Là, Pierre relit les Écritures en montrant qu’elles convergeaient déjà sur le Christ. Il explique que les anciennes prophéties se réalisent en Christ.

 

Une très belle image illustre ce rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament,celle du moulin mystique:

Chapiteau de la basilique Sainte Madeleine, Vézelay. Photo: Wikipédia

 

Le moulin mystique est un des chapiteaux les plus célèbres de l’église de Vézelay. Deux mondes se rencontrent dans la scène du Moulin mystique, scène décrite par Suger qui la fit représenter sur un vitrail de Saint-Denis. À gauche, le personnage versant du grain dans le moulin, c’est Moïse, figure de l’Ancien Testament ; celui de droite, c’est saint Paul, représentant du Nouveau Testament. L’un est dans l’ombre, l’autre dans la lumière. Mais surtout, c’est la roue du moulin, cette forme parfaite qui lui apporte le mouvement, qui est en pleine lumière : le sculpteur l’a légèrement désaxée pour qu’elle soit toujours frappée par la lumière du sud ; et le moulin, ici, c’est le Christ, venu tirer la substance de la Loi ancienne pour la renouveler dans le message des Évangiles.

 

Mais on peut se demander en vertu de quoi est-il légitime de lire l’Ancien Testament comme une préparation du Nouveau? Pour répondre, il faut faire référence à un grand principe juif de lecture de la Bible:

Parce que cette Parole est divine, elle contient un autre sens, ou d’autres sens, que son sens obvie. La conviction des auteurs du Nouveau Testament est que la résurrection de Jésus fait maintenant venir au jour la signification la plus profonde, qui était jusqu’à maintenant cachée. (Michel Remaud, Evangile et tradition rabbinique, Paris, Lessius, 2018, p.246-247.)

Cette signification plus profonde des Écritures est précisément celle-ci: la clé delecture des Écritures est le Christ ressuscité. En Christ et seulement en lui, secomprend l’adage de saint Augustin :

Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et dans le Nouveau, l’Ancien est dévoilé. (cité dans Dei Verbum, 16)

Ainsi, confesser le Christ, sans renier l’Ancien Testament, conduit à entrer dans une intelligence typologique des Écritures, c’est-à-dire à identifier les préfigurations dans l’Ancien Testament de ce qui s’accomplit dans le Nouveau.

 

Voici quelques exemples où l’Ancien et le Nouveau Testament sont mis encorrespondance à la lumière de l’événement Jésus-Christ:

 

1. Saint Paul relit l’épisode de la source au désert à la lumière du Christressuscité

« 1 Car je ne veux pas que vous l’ignoriez, frères : nos pères ont tous été sous la nuée, tous ont passé à travers la mer, 2 tous ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, 3 tous ont mangé le même aliment spirituel 4 et tous ont bu le même breuvage spirituel ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher, c’était le Christ. 5 Cependant, ce n’est pas le plus grand nombre d’entre eux qui plut à Dieu, puisque leurs corps jonchèrent le désert. 6 Ces faits se sont produits pour nous servir d’exemples (en grec : types), pour que nous n’ayons pasde convoitises mauvaises, comme ils en eurent eux-mêmes. » (1 Co 10, 1‑6)

Sur ce vitrail, on voit Moïse faisant jaillir la source d’eau dans le désert, selonExode 17,1-17:

Vitrail côté sud, vitrail supérieur de la 9ème travée. Église Saint Médard, à Tremblay-en-France.

 

2. L’évangéliste Jean relit l’épisode du serpent d’airain à la lumière du Christ

En Nombres 21,4-9, les serpents envoyés pour châtier l’infidélité d’Israël. Moïsefaçonne alors un serpent d’airain thérapeutique. Dans le Nouveau Testament,Jésus élevé sur la croix guérit lui-aussi les hommes:

« 14 Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il quesoit élevé le Fils de l’homme, 15 afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. » (Jn 3, 14‑15)

Vitrail côté nord, vitrail supérieur de la 9ème travée. Eglise Saint Médard, à Tremblay-en-France.

 

3. Jésus et les prophètes

La mission de Jésus a souvent été comparée à celle des prophètes. D’ailleurs,ne le prend-on pas pour un prophète?

« 13 Arrivé dans la région de Césarée de Philippe, Jésus posa à ses disciples cette question : “Au dire des gens, qu’est le Fils de l’homme ?” 14 Ils dirent : “Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie ou quelqu’un des prophètes” 15 “Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?” 16 Simon-Pierre répondit : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.” » (Mt 16, 13‑16)

Des vitraux de la cathédrale de Chartres montrent justement comment lesprophètes soutiennent les évangélistes. On voit ici les quatre grands prophètesportant les quatre évangélistes sur leurs épaules.

Cathédrale de Chartes. Autour de la Vierge à l’enfant se trouve les quatre grands prophètes soutenant les quatre évangélistes. Photo: E. Pastore

 

4. La synagogue et l’église

Le Judaïsme et le christianisme sont représentés allégoriquement par deuxfigures de femmes dans plusieurs cathédrales gothiques. Alors que l’église esttriomphante en raison de sa connaissance du Christ, la synagogue a les yeuxbandés en raison de sa non-reconnaissance du Christ.

Provient du portail du transept sud de la Cathédrale de Strasbourg. Photo: Musées de la ville de Strasbourg

 

La typologie a parfois été employée abusivement, comme par exemple surcette mise en parallèle de l’église et de la synagogue, sur la façade de NotreDame de Paris. Le bandeau aveuglant la synagogue est devenu un serpent,«esprit du mal».

Ecclesia et Synagoga, façade principale de Notre-Dame de Paris. Photo: Wikipédia.

 

5. La pentecôte juive et la pentecôte chrétienne

La Pentecôte juive (Shavouot) acquiert un sens nouveau avec la Pentecôte chrétienne. Cinquante jours après la sortie d’Egypte (Pâque juive), Dieu communique la Loi à Moïse dans le feu et les éclairs, au Sinaï. Cinquante jours après la résurrection de Jésus (Pâques chrétienne), Dieu envoie son Esprit, qui est la loi nouvelle.

El Greco. La Pentecôte. Photo: Wikipédia.

 

6. La reine de Saba et les rois mages

Dans le premier livre des Rois (1 R 10,1-13), la reine de Saba voyage jusqu’à Jérusalem, afin de mettre à l’épreuve la renommée de sagesse de Salomon, roi d’Israël. Le vitrail de Cologne lit cet épisode en miroir avec celui de la venue des rois mages. Ils viennent d’Orient pour adorer le roi des Juifs qui vient de naître à Bethleem (Mt 2,1-12).

Cathédrale de Cologne, vitraux de la nef côté nord. A gauche, la reine de Saba auprès du roi Salomon et à droite les rois mages auprès de Jésus. Photo: mesvitrauxfavoris.com

 

Ainsi, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, les nations étrangèresont accès mystère du salut révélé à Israël. La perspective est donc trèsuniversaliste. Jésus-Christ est le sauveur de tous les hommes.

 

7. Le buisson ardent et la Vierge

Pourquoi la Vierge est-elle comparée au buisson ardent d’Exode 3? Parce que la virginité de Marie ne se consume pas, comme le buisson. Sur elle repose l’Esprit Saint sans qu’elle soit consumée. Et aussi, Dieu dit à Moïse en Ex 3 : « Je suis avec toi ». Et Dieu dit à Marie par l’ange : « Le Seigneur est avec toi ».

Nicolas Froment (1430-1486), Le Triptyque du Buisson ardent (huile sur toile de lin collée sur panneau de peuplier, 1475-1476), Cathédrale Saint-Sauveur, Aix-en-Provence, France.

 

L’Incarnation dans le sein de Marie est présentée comme l’accomplissement de la réalité qui avait bousculé Moïse.

 

Conclusion

 

La lecture typologique de la Bible indique au fond que « l’Écriture grandit avec ceux qui la lisent », comme le disait saint Grégoire le Grand. Son contenu n’est pas immobile, mais vivant. Chaque disciple qui écoute la Parole, puis la transmet, lui apporte de la nouveauté, de la profondeur, de l’épaisseur. Ce principe fécond de lecture et d’interprétation s’appelle la tradition. Chaque baptisé, disciple du Christ, y participe d’une certaine manière lorsqu’il lit les Écritures.

 

Emanuelle Pastore

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Les chrétiens peuvent-ils annoncer la résurrection des corps en ce temps d’éco-anxiété ? https://fr.zenit.org/2024/01/18/les-chretiens-peuvent-ils-annoncer-la-resurrection-des-corps-en-ce-temps-deco-anxiete/ Thu, 18 Jan 2024 17:13:26 +0000 https://fr.zenit.org/?p=189195 « C’est le soin concret à l’autre, y compris mort, qui précède la vie »

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La déchristianisation entraîne une perte de la foi en la résurrection des corps chez nos contemporains, même ceux qui se disent catholiques. Par ailleurs, le discours écologique met l’accent sur les dangers qui guident le monde et l’humanité et n’imagine que très rarement un au-delà de ce monde-ci et de cette existence. S’il y a une eschatologie, une pensée de la fin des temps en écologie, elle est totalement close sur notre monde. Le slogan « Il n’y a pas de planète B » résume bien cette fermeture. Certains, y compris des chrétiens pratiquants, vont jusqu’à contester l’idée même de résurrection de la chair en objectant qu’il n’y aurait pas assez de place pour tous sur la terre si nous ressuscitions en chair et en os… tout en récitant le Credo tous les dimanches à la messe. Comment, alors, annoncer le cœur de la foi, le kerygme de la résurrection des corps, face à une éco-anxiété généralisée ?

Depuis un fameux article de Lynn White en 1967[1], il est courant d’accuser le christianisme d’avoir provoqué la crise écologique en introduisant une pensée anthropocentrée, où le reste du monde créé est à la disposition de l’être humain, qui lui est supérieur. « Dominez la terre et soumettez-là », dit Dieu au premier couple en Gn 1,28. De même, Gn 9,2 accentue le caractère brutal de cette domination.

Cette thèse s’est largement répandue et il n’est pas rare que certains milieux écologistes soient hostiles au christianisme, qu’ils assimilent d’ailleurs à la pensée technicienne occidentale issue de la modernité, à partir du XVIIe siècle. Descartes, en particulier, est un représentant de ces travers à leurs yeux. Même le théologien protestant Jacques Ellul a pu servir de caution à ces préjugés dans sa critique du Système technicien [2]. En effet, l’Occident ayant une réelle suprématie technologique, il est tentant de lui en attribuer les conséquences néfastes. Pourtant Ellul explique bien que ce système qui fait de la technique la norme de toutes les activités humaines et en prend finalement le contrôle, ne dépend ni des peuples où il se déploie, ni des régimes politiques : en Occident ou ailleurs, dans un régime capitaliste ou socialiste, dès qu’un groupe humain a accès à la technique, il réalisera tout ce qu’elle permet de faire, peu importe les conséquences éthiques. D’ailleurs, la Technique finit par produire ses propres normes morales et ceux qui s’y opposent sont traités d’obscurantistes.

Naturellement, les chrétiens ont réfuté ces discours et tenté de montrer que la Bible permet une approche vertueuse en matière d’écologie. L’être humain est présenté comme un « intendant » (steward) à qui Dieu a confié la Création, avec pour mission de la garder et la faire fructifier. Des projets de « Bibles vertes [3] » ont fleuri et les lectures écologiques de l’Écriture et de la Doctrine de l’Église abondent.

Mais certains vont plus loin dans leurs accusations. Ainsi, Bruno Latour, qui reconnaît pourtant le caractère spirituel de toute démarche écologique, estime que : « la fin des temps a fait irruption, non pas comme la réalisation d’une promesse enfin accomplie venue d’en haut… mais comme la réalisation… d’une réalité dont les humains… sont les seuls responsables. (…) C’est la transcendance qui est devenue mensongère, pour ne pas dire diabolique et c’est l’immanence… qui devient désirable [4]. »

Alors, que faire ? Annoncer la foi chrétienne et, tout particulièrement, son kerygme, serait-il diabolique ? Peut-on encore en parler à l’heure où les écologistes et autres collapsologues nous prédisent la fin de la planète, ou en tous cas, de l’humanité ? Quelle espérance pour ce monde et ses habitants ?

Pour avoir une réponse crédible, il nous semble qu’il faut revisiter le cœur de notre foi, en partant de l’expérience concrète des croyants et, singulièrement, l’expérience du corps. La foi en la résurrection des corps a émergé en Israël à partir d’une expérience : le Deuxième livre des Maccabées, premier texte de la Bible à attester de cette croyance, nous montre au chapitre 7 une femme, la mère des sept frères, qui proclame son espérance en la résurrection à partir de son expérience concrète de la maternité. D’autres personnages de la Bible, et souvent des femmes, disent leur espérance dans la vie à partir d’une expérience corporelle, comme Anne, la mère de Samuel, ou Elisabeth, la mère de Jean-Baptiste. Dans les deux cas, c’est leur grossesse après une longue stérilité qui leur fait vivre une ‘petite résurrection’ après l’exclusion, et même une sorte de mort sociale que vivent les femmes stériles dans leur culture.

Souvent, c’est le soin concret à l’autre, y compris mort, qui précède la vie. Les Saintes femmes vont prendre soin du cadavre de Jésus, et c’est là qu’elles le voient ressuscité. Les Apôtres, restés en arrière, doivent attendre de le voir venir à eux, manger et se laisser toucher, pour enfin les croire. Les Disciples d’Emmaüs reconnaissent le Ressuscité, là aussi, à un geste concret sur un des produits de la Création : la fraction du pain.

Cela nous dit donc que la vie, et même l’espérance d’une vie plus forte que la mort, ont partie liée avec le concret du corps et du soin qui lui est donné, bref, le charnel. Ce ne sont pas des croyances qui coupent chacun de ses responsabilités, y compris les plus terre-à-terre, contrairement à ce que pense Latour. En outre, d’autres textes de la Bible nous montrent une espérance, là aussi bien physique, pour notre écosystème. Pensons en particulier aux cieux nouveaux et à la nouvelle terre que le Voyant de l’Apocalypse découvre en Ap 21,1. En Ap 22,2, cette nouvelle création contient des arbres au bord de l’eau qui portent des fruits, et des feuilles qui guérissent. Rien d’éthéré dans ces visions, finalement : la Création est bien là, elle est féconde, les besoins vitaux sont pris en charge.

Le théologien orthodoxe John Behr nous invite à relire ces textes. Selon lui, il ne faut pas « s’accrocher à la figure du monde qui passe », qui reste seulement « l’écume » de la réalité, mais à faire advenir le monde nouveau [5]. Cela ne nous décharge pas de nos responsabilités pour une terre plus juste et plus habitable, au contraire. Les efforts pour sauvegarder nos écosystèmes et défendre la dignité humaine sont plus que jamais nécessaires. Mais c’est l’horizon d’une Création renouvelée qui nous anime et, pour cela, « il faut prendre au sérieux la résurrection de la chair ». La place donnée au corps humain, à sa dignité est la clef d’une écologie réellement respectueuse de tout le créé. C’est pour cela que depuis St Paul VI, la théologie catholique a introduit la notion d’« écologie humaine », ou « écologie de l’homme », qui part du respect de la personne pour lui associer un réel respect de la Création. Le Pape François a élargi cette idée avec le concept d’« écologie intégrale » dans Laudato si’ [6].

Disons-le autrement : s’il n’y a pas une « Planète B », comme le crient les écologistes dans les manifestations, il y a bien peut-être une « Planète A’ » que nous devons faire advenir, au temps eschatologique mais autant que possible dès maintenant. Cette planète A’ est destinée à une Création sauvée et à des hommes ressuscités.

Christel Koehler

[1] L. White, Les racines historiques de notre crise écologique, PUF, Paris, 2019.

[2] J. Ellul, Le système technicien, Le Cherche Midi, Paris, 2004.

[3] Pensons, par exemple à N. Habel, The Birth, the Curse and the Greening of Earth, An Ecological Reading of Genesis 1–11, Sheffield Phoenix Press, Sheffield, 2011.

[4] B. Latour, « Sur une nette inversion du schème du temps », Recherches de sciences religieuses 107/4 (2019), 601-615.

[5] J. Behr, « Our Theological Traditions Review to Face the Ecological Challenge », Communication au Colloque des RSR, Conversion écologique, Traduction de la version remise aux participants en français par R. Kremer, .Paris, 17-19 novembre 2022,

[6] François, Laudato si’,  2015. 

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Fête du nouvel an : influences babyloniennes et démarcations dans la Bible https://fr.zenit.org/2024/01/05/fete-du-nouvel-an-influences-babyloniennes-et-demarcations-dans-la-bible/ Fri, 05 Jan 2024 16:46:50 +0000 https://fr.zenit.org/?p=188849 Comment les auteurs bibliques se sont inspirés de coutumes mésopotamiennes

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Il apparaît clairement que les auteurs bibliques opérant dans l’exil babylonien se sont ouverts à l’intellectualité du monde qui les entourait et l’ont sans doute trouvée supérieure à la leur et donc digne d’être prise en compte. Ainsi, dans le contexte de la vie à Babylone – qui est un contexte de nouveaux savoirs – est apparue la nécessité pour les Israélites d’adapter leurs propres traditions au niveau des connaissances babyloniennes, afin de rester compétitif sur le plan scientifique. Nous présentons ici deux exemples qui pourraient indiquer comment les auteurs bibliques se sont inspirés de coutumes mésopotamiennes lors des célébrations du Nouvel-An : le premier est tiré du livre d’Isaïe, le second du livre d’Ézéchiel.

Dans le livre d’Isaïe

La tradition du Deutéro-Isaïe (Is 40–55) remonte à un prophète anonyme actif dans l’exil babylonien, ou à un groupe de prophètes, et a été intégrée au livre d’Isaïe. Le prologue avec sa représentation d’une procession aussi puissante que miraculeuse de YHWH à travers le désert pour retourner à Sion semble être basé sur les expériences de Judéens exilés ayant assisté à la célébration monumentale du Nouvel-An à Babylone, avec ses fastueuses processions de dieux, pour lesquels le retour de leur propre Dieu à Jérusalem ne saurait être un événement moins grandiose, mais au contraire encore plus prodigieux :

« Une voix crie : Dans le désert, frayez le chemin de YHWH ; dans la steppe, aplanissez une route pour notre Dieu. Que toute vallée soit comblée, toute montagne et toute colline abaissée, que les lieux accidentés se changent en plaine et les escarpements en large vallée. » (Is 40, 34)

Dans Isaïe 40,3, on appelle à tracer une route processionnelle pour Dieu, afin qu’il puisse retourner dans son sanctuaire à Sion/Jérusalem. Cette description d’Isaïe n’est vraiment compréhensible qu’avec la célébration du Nouvel An babylonien en toile de fond et elle montre que la sphère numineuse du Dieu biblique ne pouvait pas rester en deçà de celle de ses équivalents mésopotamiens.

La célébration du nouvel an babylonien

La fête du Nouvel An babylonien, appelée Akitu du mois de Nisanu, marque l’équinoxe de printemps et dure douze jours pendant lesquels sont célébrés les dieux Marduk et Nabû, ainsi que la ville de Babylone. 

Le terme « équinoxe » vient du latin æquinoctium, qui lie æequs (égal) à nox (nuit), et désigne le moment où la durée du jour est égale à celle de la nuit. Pour l’équinoxe de printemps, cela se produit généralement le 20 ou le 21 du mois de mars selon les années.

Le point d’orgue de la fête babylonienne est atteint le huitième jour, au moment de la procession rassemblant les souverains humain et divin. Cette cérémonie a lieu sur la Voie processionnelle et passe sous la célèbre Porte d’Ištar – toutes deux reconstituées au Pergamon Museum de Berlin – pour s’achever en dehors des remparts, au temple de l’akitu, où des rituels sont accomplis lors des derniers jours de la fête. 

Cette fête, la plus importante et la plus solennelle du calendrier babylonien, résultait de la confluence de deux courants de pensée religieuse : un culte de la fertilité qui se rattachait au rite du ‘mariage sacré’, et un concept cosmogonique qui impliquait une remise en cause annuelle de l’ordre du monde. L’akitu était à l’origine, manifestement, une fête saisonnière de la fertilité et du renouveau ; elle est devenue, on ne sait par quel processus, le point cardinal de la religion assyro-babylonienne.

Les douze jours de fête étaient centrés sur le culte de Mardouk. Le roi recevait le pardon pour ses péchés (ceux du pays), et où avait lieu une représentation théâtrale du combat primordial de l’Enuma Elish (Épopée de la Création : texte mythologique affirmant la suprématie de Marduk, faisant de lui le roi des dieux et le créateur du monde selon la théologie babylonienne). Dans une société agricole comme la Mésopotamie, on saisit donc l’importance d’une telle cérémonie. Tous les grands dieux du pays, par le biais de leur statue de culte, venaient de Babylone et de Borsippa lui rendre hommage. Le roi lui-même guidait le dieu suprême. Le souverain était censé participer à ce rituel, mais lorsqu’il lui était impossible d’être présent, il pouvait se faire représenter par son manteau d’apparat, brodé de pourpre. Les dieux se réunissent dans le palais du roi, le saluent avec crainte, se tiennent agenouillés devant lui pendant que les destins se fixent irrévocablement pour l’année entière. Les gens chantaient alors toutes sortes de chansons. La suppression de ces solennités, en temps de guerre ou de malheurs publics, était une calamité dont on faisait mention dans les annales de la cité. Les cérémonies incluaient des rites de caractère magique et d’exorcisme pour expulser les « démons du chaos ». 

Le déroulement des célébrations

Au premier jour, on ouvre les portes du temple du dieu (Esagil). 

Le deuxième jour, le grand prêtre de Marduk (appelé « grand frère ») se lave dans les eaux sacrées du fleuve (l’Euphrate) et demande les faveurs du dieu pour son peuple et son pays. 

Au troisième jour, il fait forger deux statuettes, une en cèdre, l’autre en tamaris. 

Le quatrième jour, au matin, le prêtre récite une prière au dieu dans le temple qu’il bénit ensuite. Le soir du même jour, il récite l’Enuma Elish à son dieu. 

Le cinquième jour, on purifie le temple puis on sacrifie un bélier qui est ensuite jeté dans le fleuve, emportant les péchés du peuple avec lui. À Babylone, la statue de Nabû, fils de Marduk vient de la ville voisine de Borsippa pour se rendre aux festivités. Le soir, le roi entre en scène. Il se rend au temple où il remet ses insignes au grand prêtre qui ensuite l’humilie devant le dieu pour assurer le pardon des péchés de son peuple. Cette journée, probablement la plus importante du rituel, se clôt par le sacrifice d’un taureau. 

Le sixième jour, les deux statuettes conçues le troisième jour sont brûlées devant Nabû, elles aussi pour emporter avec elle les mal commis du peuple. 

Les informations concernant les deux jours suivants nous manquent. 

Le neuvième jour, le roi se rend dans le temple et il installe la statue du dieu (donc le dieu lui-même), avec celles d’autres divinités, dans une chapelle spéciale. Cette assemblée est ensuite conduite le long de la Voie Processionnelle jusqu’au beit akitu, un temple dédié à ce rituel, où les dieux restent deux jours (dixième et onzième jours) avant de retourner dans le temple du dieu, et décider du « destin du pays ». La journée s’achève par un banquet.

Le douzième jour, les dieux qui s’étaient rendus à la fête du Nouvel An rentrent dans leur ville.

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Tablette décrivant le déroulement de la fête akitu de Babylone, copie de la fin du Ier millénaire av. J.-C. Musée du Louvre. Photo : Wikipédia

Dans le livre d’Ézéchiel

Le livre d’Ézéchiel situe son protagoniste dans le groupe des Judéens déportés dès 597 av. J.-C. à Babylone avec le roi Joachin (2 R 24,14). Le roi Joachin est même évoqué dans des documents babyloniens listant les rations de nourriture pour des personnes à la cour royale babylonienne.

Les descriptions des visions dans le livre d’Ézéchiel ne sont elles aussi compréhensibles qu’avec Babylone et ses cérémonies religieuses en toile de fond. Au cours de la vision qui accompagne sa vocation, Ézéchiel voit des êtres munis de quatre ailes et de pattes de taureau (Ez 1,6) qui portent le plateau céleste (Ez 1,22) au-dessus duquel trône la splendeur de Dieu (Ez 1,25-28):

« 4 Je regardai : c’était un vent de tempête soufflant du nord, un gros nuage, un feu jaillissant, avec une lueur autour, et au centre comme l’éclat du vermeil au milieu du feu. 5 Au centre, je discernai quelque chose qui ressemblait à quatre animaux dont voici l’aspect : ils avaient une forme humaine. 6 Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes. 7 Leurs jambes étaient droites et leurs sabots étaient comme des sabots de bœuf, étincelants comme l’éclat de l’airain poli. […] 22 Il y avait sur les têtes de l’animal quelque chose qui ressemblait à une voûte, éclatante comme le cristal, tendue sur leurs têtes, au-dessus, 23 et sous la voûte, leurs ailes étaient dressées l’une vers l’autre ; chacun en avait deux lui couvrant le corps. […] 26 Au-dessus de la voûte qui était sur leurs têtes, il y avait quelque chose qui avait l’aspect d’une pierre de saphir en forme de trône, et sur cette forme de trône, dessus, tout en haut, un être ayant apparence humaine. 27 Et je vis comme l’éclat du vermeil, quelque chose comme du feu près de lui, tout autour, depuis ce qui paraissait être ses reins et au-dessus ; et depuis ce qui paraissait être ses reins et au-dessous, je vis quelque chose comme du feu et une lueur tout autour ; 28 l’aspect de cette lueur, tout autour, était comme l’aspect de l’arc qui apparaît dans les nuages, les jours de pluie. C’était quelque chose qui ressemblait à la gloire de Yahvé. Je regardai, et je tombai la face contre terre ; et j’entendis la voix de quelqu’un qui me parlait. » (Ez 1, 47.2223.2628)

Une comparaison d’Ézéchiel 1 avec le programme pictural d’un sceau-cylindre ancien-oriental de l’époque d’Assurbanipal (669-627 av. J.-C.) illustre combien cette vision est influencée par des exemples mésopotamiens :

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La scène représentée montre en son centre une divinité ailée debout sur un cheval et reliée, au niveau des hanches, à un plateau porté par deux hommes-taureaux. En haut à gauche apparaît une étoile à huit rayons, en haut à droite se voient les restes d’un croissant de lune. L’image est encadrée à gauche par un prêtre en costume de poisson et à droite par un homme qui prie en direction de la divinité. Cet ensemble indique clairement qu’il s’agit de la représentation anthropomorphique du dieu du soleil, qui est rattaché au firmament céleste, lequel est à son tour porté par des êtres hybrides.

Cette constellation cosmologique constitue la toile de fond d’Ézéchiel 1. Dans le même registre que le programme pictural du sceau, le livre d’Ézéchiel dépeint un plateau céleste, porté par des êtres hybrides, séparant la sphère terrestre de la sphère divine. Mais à la différence de la représentation sur le sceau, le livre d’Ézéchiel ne situe pas la figure divine près du plateau lui-même, mais place son trône en élévation au-dessus. La proximité comme la distance de l’œuvre d’art sigillaire et du texte biblique, aussi significatifs l’une que l’autre, semblent évidentes.

Emanuelle Pastore

Bibliographie

  • Konrad Schmid, Les origines de la Bible, Genève, Labor et Fides, 2021.
  • Cousin Laura, « Babylone, ville des dieux et des rois », Histoire urbaine, 2019/3 (n° 56), p. 11-33. 
  • Wikipédia, L’encyclopédie libre, « Akitu ».

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