Bioéthique Archives - ZENIT - Français https://fr.zenit.org/category/bioethique-2/ Le monde vu de Rome Tue, 03 Sep 2024 12:54:17 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.5 https://fr.zenit.org/wp-content/uploads/sites/4/2020/07/9e4929ea-cropped-dfdb632a-favicon_1.png Bioéthique Archives - ZENIT - Français https://fr.zenit.org/category/bioethique-2/ 32 32 Quelle est l’opinion du pape François sur la peine de mort ? https://fr.zenit.org/2024/09/03/quelle-est-lopinion-du-pape-francois-sur-la-peine-de-mort/ Tue, 03 Sep 2024 08:01:07 +0000 https://fr.zenit.org/?p=197203 Préface du pape dans le livre « Un chrétien dans le couloir de la mort : mon engagement pour les condamnés »

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Le 27 août dernier, la Maison d’édition du Vatican a publié un livre de Dale Recinella,  ancien avocat de Wall Street âgé de 72 ans qui a consacré une partie de sa vie à accompagner les condamnés à mort dans les prisons de Floride. Le livre s’intitule « A Christian on Death Row : My Commitment to Those Condemned » (Un chrétien dans le couloir de la mort : mon engagement envers les condamnés). En effet, depuis 1998, Recinella, avec sa femme Susan, a servi comme « aumônier laïc ». Le pape François a rédigé la préface.

 

Par le pape François

L’Évangile est la rencontre avec une Personne vivante qui change la vie : Jésus est capable de révolutionner nos projets, nos aspirations et nos perspectives. Le connaître signifie donner un sens à notre existence, car le Seigneur nous offre une joie qui ne s’éteint jamais, car elle est la joie même de Dieu. 

L’histoire de Dale Recinella, que j’ai rencontré lors d’une audience et que j’ai appris à mieux connaître grâce aux articles qu’il a écrits au fil des ans pour L’Osservatore Romano et maintenant par ce livre profondément émouvant, confirme ce que j’ai dit : ce n’est que de cette manière que nous pouvons comprendre comment un homme, qui avait d’autres objectifs pour son avenir, est devenu l’aumônier – en tant que Chrétien laïc, mari et père – des condamnés à mort.

Il s’agit d’une tâche extrêmement difficile, risquée et ardue, parce qu’elle touche au mal dans toutes ses dimensions : le mal commis à l’encontre des victimes, qui ne peut être annulé ; le mal que vit le condamné, sachant qu’il est destiné à une mort certaine ; le mal qui, à travers la pratique de la peine de mort, est instillé dans la société. Oui, comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, la peine de mort n’est en aucun cas une solution à la violence qui peut frapper des innocents.

Les exécutions capitales, loin d’apporter la justice, alimentent un sentiment de vengeance qui devient un poison dangereux pour le corps de nos sociétés civiles. Les États devraient s’attacher à donner aux prisonniers la possibilité de changer véritablement de vie, plutôt que d’investir de l’argent et des ressources dans leur exécution, comme s’il s’agissait d’êtres humains qui ne sont plus dignes de vivre et dont il faut se débarrasser.

Dans son roman L’Idiot, Fiodor Dostoïevski résume succinctement l’insoutenabilité logique et morale de la peine de mort en parlant d’un condamné à mort : « C’est une violation de l’âme humaine, rien de plus ! Il est écrit : Tu ne tueras pas », et pourtant, parce qu’il a tué, d’autres le tuent. Non, c’est quelque chose qui ne devrait pas exister ». En effet, le Jubilé devrait engager tous les croyants à demander collectivement l’abolition de la peine de mort, une pratique qui, comme l’affirme le Catéchisme de l’Église Catholique, « est inadmissible parce qu’elle porte atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne ». (n. 2267). 

En outre, le travail de Dale Racinella, sans oublier la contribution significative de son épouse Susan, telle qu’elle est reflétée dans le livre, est un grand don à l’Église et à la société des États-Unis, où Dale vit et travaille. Son engagement en tant qu’aumônier laïc, en particulier dans un lieu aussi inhumain que le couloir de la mort, est un témoignage vivant et passionné de la Miséricorde infinie de Dieu. Comme nous l’a enseigné le Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, nous ne devons jamais penser qu’un péché, une erreur ou une action de notre part pourrait nous éloigner définitivement du Seigneur. Son cœur a déjà été crucifié pour nous. Et Dieu ne peut que nous pardonner. 

Certes, cette infinie miséricorde divine peut aussi être scandaleuse, comme elle a scandalisé beaucoup de gens à l’époque de Jésus lorsque le Fils de Dieu mangeait avec des pécheurs et des prostituées. Frère Dale doit également faire face à des critiques, des protestations et des rejets pour son engagement spirituel en faveur des condamnés. Mais n’est-il pas vrai que même le plus odieux de nos péchés n’entache pas notre identité aux yeux de Dieu : nous restons Ses Enfants, aimés par lui, soignés par lui et considérés comme précieux par lui. 

Je souhaite donc remercier sincèrement et du fond du cœur Dale Racinella : parce que son travail d’aumônier dans le couloir de la mort est une adhésion tenace et passionnée à la réalité la plus profonde de l’Évangile de Jésus, qui est la miséricorde de Dieu, son amour inconditionnel et inébranlable pour chaque personne, même celles qui ont commis des erreurs.

Cité du Vatican, 18 juillet 2024 

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ONU : Droit à la maternité de substitution ? https://fr.zenit.org/2024/06/25/onu-droit-a-la-maternite-de-substitution/ Tue, 25 Jun 2024 07:04:02 +0000 https://fr.zenit.org/?p=195110 Un rapport propose une nouvelle définition de la « planification familiale globale »

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La maternité de substitution est une question controversée au niveau international, qui soulève des inquiétudes quant à l’exploitation des femmes, en particulier des femmes pauvres des pays en développement qui sont engagées comme mères porteuses par des individus et des couples de pays riches.

Un nouveau document de politiques du Fonds de Population des Nations Unies (FNUAP) suggère que la maternité de substitution gestationnelle, y compris la maternité de substitution commerciale, devrait être considérée comme faisant partie de la « planification familiale globale » et, potentiellement, comme un droit de l’homme. 

 

Une nouvelle définition de la planification familiale globale

Le document propose une nouvelle définition de la « planification familiale globale », à savoir « une approche holistique de la planification familiale et de la formation des familles. Elle englobe les services de planification familiale, une gamme de méthodes contraceptives, le traitement de la fertilité, l’adoption, le placement familial et la maternité de substitution.

La maternité de substitution est une question controversée au niveau international, qui soulève des inquiétudes quant à l’exploitation des femmes, en particulier des femmes pauvres des pays en développement qui sont engagées comme mères porteuses par des individus et des couples de pays riches. Le pape François a appelé à une interdiction mondiale de la maternité de substitution et le Saint-Siège a organisé des événements aux Nations Unies pour expliquer comment elle exploite et menace la santé et la vie des femmes et transforme les enfants en marchandises.

 

Préoccupations liées à l’éthique des dons d’ovules et de sperme

D’autres techniques de procréation assistée soulèvent des préoccupations liées à l’éthique des dons d’ovules et de sperme et à la manière dont leur utilisation peut porter atteinte aux droits de l’enfant. Plus précisément, la « Convention relative aux droits de l’enfant » stipule que l’enfant a, « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».

L’UNFPA a utilisé l’expression « planification familiale globale » dans des publications antérieures, y compris un cadre 2023 sur la planification familiale dans le contexte des droits de l’homme, mais l’agence s’est concentrée sur la fourniture de services visant à limiter ou à espacer les naissances, sans mentionner les technologies de procréation assistée. 

Dans ce cadre, l’UNFPA lie le droit à la planification familiale à la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) de 1994, qui fait référence au « droit de décider librement et de manière responsable du nombre d’enfants, de l’espacement des naissances et du moment de leur naissance et le droit de disposer de l’information, de l’éducation et des moyens nécessaires pour ce faire ». La CIPD stipule également que l’avortement ne devrait jamais être promu comme méthode de planification familiale.

 

Le FNUAP pour la promotion de l’avortement dans le monde

Le nouveau rapport du FNUAP, qui se concentre sur le rôle du secteur privé dans la promotion de la « santé et des droits sexuels et génésiques », insiste sur le fait qu’il « ne considère pas et ne promeut pas l’avortement comme une méthode de planification familiale », qu’il « ne finance pas et ne pratique pas d’avortements » et qu’il « respecte le droit souverain des pays de décider dans quelle mesure l’avortement est légal ». Pourtant, le FNUAP a été l’une des agences des Nations Unies les plus agressives dans la promotion de l’avortement dans le monde. 

Le rapport ne contient pas de telles mises en garde concernant la maternité de substitution, dont le statut juridique varie considérablement d’un pays à l’autre, et ne mentionne aucune préoccupation d’ordre éthique. Toutefois, le rapport indique que la maternité de substitution, tout comme l’adoption et le placement en famille d’accueil, est un moyen pour les services de « prendre en compte les différents sexes, genres… orientations et expressions sexuelles », entre autres catégories. Il précise également que « le soutien financier pour le traitement de la fertilité, la maternité de substitution, l’adoption et la congélation d’ovules peut élargir les options des femmes et les aider à s’épanouir sur le lieu de travail ».

 

Droit présumé à avoir un enfant par tous les moyens nécessaires

Le glossaire inclut également la « justice reproductive », dont les trois valeurs fondamentales comprennent « le droit d’avoir un enfant, le droit de ne pas avoir d’enfant et le droit d’élever un ou des enfants dans un environnement sûr et sain ». La composante « droit d’avoir un enfant » est apparue dans le contexte des campagnes de contraception et de stérilisation coercitives à l’encontre des femmes pauvres et noires aux États-Unis. Associé à la nouvelle définition du FNUAP de la « planification familiale globale », il indique un droit présumé à avoir un enfant par tous les moyens nécessaires, et les enfants et les femmes pauvres en subiront les dommages collatéraux.

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Euthanasie en Belgique : Augmentation de 15 % en 2023  https://fr.zenit.org/2024/03/12/euthanasie-en-belgique-augmentation-de-15-en-2023/ Tue, 12 Mar 2024 16:36:45 +0000 https://fr.zenit.org/?p=190744 Détails et analyse

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par Michael Cook

 

Plus de 3 400 belges ont été euthanasiés en 2023, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2022. Les statistiques publiées par la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie révèlent qu’il y a eu 3 423 décès officiellement déclarés, soit 3,1 % de tous les décès en Belgique. Toutefois, l’Institut européen de bioéthique a souligné que « des études scientifiques estiment qu’il faut ajouter à ce chiffre 25 à 35 % de cas d’euthanasie non déclarés ». 

Environ 71 % des patients avaient plus de 70 ans et 42 % plus de 80 ans. Le nombre de cas d’euthanasie chez les patients de moins de 40 ans n’était que d’environ 1 %. 

Il n’y a eu qu’une seule euthanasie de mineur : une jeune fille de 16 ans atteinte d’une tumeur cérébrale qui a fait don de ses organes après sa mort. À ce jour, il y a eu cinq cas confirmés d’euthanasie de mineurs depuis que la loi belge sur l’euthanasie a été modifiée en 2014.

La majorité des patients qui ont opté pour l’euthanasie en 2023 souffraient d’un cancer (55 %), d’une combinaison de diverses maladies chroniques et incurables (23 %) ou de maladies neurologiques telles que la SLA ou maladie de Charcot (10 %). L’euthanasie pour des troubles psychiatriques a légèrement augmenté pour atteindre environ 1,4 %. La démence représentait environ 1,2 %.

L’euthanasie est beaucoup plus répandue chez les Flamands (70 %) que chez les francophones (29 %). La Commission a indiqué que 110 patients sont venus de l’étranger – principalement de France – pour être euthanasiés.

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Un appel pressant de l’espérance https://fr.zenit.org/2024/03/07/un-appel-pressant-de-lesperance/ Thu, 07 Mar 2024 14:46:01 +0000 https://fr.zenit.org/?p=190645 Regards sur l’actualité bioéthique à la lumière de la lettre encyclique Spe Salvi 

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par Céline Bloud-Rey

 

1- Actualité bioéthique sombre

L’actualité bioéthique est somme toute très sombre. Les exemples sont légion : la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse, l’annonce d’un projet de loi autorisant le suicide assisté et/ou l’euthanasie, l’interdiction de l’assistance médicale à la procréation post mortem fragilisée par la Cour européenne des droits de l’Homme…  La progression de cette « culture de mort » est d’une puissance telle qu’elle peut susciter angoisses, craintes pour l’avenir de nos enfants, repli sur soi. Une autre attitude peut être l’indifférence face à de telles mutations qui ne nous concerneraient pas personnellement, dans notre situation de vie et celles de nos proches, et à propos desquelles, il serait même raisonnable de se taire, tant les coups à prendre seraient inévitables et dangereux pour notre vie matérielle (carrière, réputation, etc.). La lettre encyclique Spe Salvi  est un bon remède à ces maux de l’âme humaine, nourriture stimulante et vivifiante, à mastiquer sans modération !

 

2- Espérance chrétienne et premiers chrétiens 

Le point de départ de la méditation du pape Benoît XVI a pour visée de nous faire comprendre ce qu’est l’espérance chrétienne. Pour ce faire, le Saint-Père souligne en premier lieu l’interchangeabilité des mots « foi » et « espérance ».  « […] lorsque la Première Épitre de Pierre exhorte les chrétiens à être toujours prêts à rendre une réponse à propos du logos – le sens et la raison – de leur espérance (cf. 3, 15), « espérance » est équivalent de « foi ».

Ce qui est frappant, c’est que Benoît XVI prend le temps de nous plonger dans l’histoire, l’époque des premiers chrétiens, relatée dans les lettres de saint Pierre et saint Paul. Qu’apprend-on ?

« […] une bonne part des premiers chrétiens appartenaient aux couches sociales basses et, précisément pour cela, étaient disposés à faire l’expérience de la nouvelle espérance, comme nous l’avons vu dans l’exemple de Bakhita.  Cependant, depuis les origines, il y avait aussi des conversions dans les couches aristocratiques et cultivées, puisqu’elles vivaient, elles aussi, « sans espérance et sans Dieu dans le monde » ».

Au-delà des détails qui ont trait à la condition sociale et à l’éducation, est explicité le fait que c’est l’ouverture du cœur et de l’esprit qui a permis aux premiers chrétiens de « faire l’expérience de la nouvelle espérance » : « ils étaient disposés » à rencontrer « le Dieu de Jésus Christ », « le Dieu vivant ». 

Le pape Benoît XVI explique également le fait que – comme le sait saint Paul, lorsqu’il rappelle aux Éphésiens que, avant leur rencontre avec le Christ, ils étaient « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (cf. Ep 2, 12) – les premiers chrétiens « avaient eu des dieux, […] avaient eu une religion, mais leurs dieux s’étaient révélés discutables et, de leurs mythes contradictoires, n’émanait aucune espérance. Malgré les dieux, ils étaient « sans Dieu » et, par conséquent, ils se trouvaient dans un monde obscur, devant un avenir sombre. »

Le Saint-Père revient à plusieurs reprises sur la signification que revêt l’expression paulinienne « sans espérance et sans Dieu dans le monde » : « Le mythe avait perdu sa crédibilité ; la religion d’État romaine s’était sclérosée en un simple cérémonial, qui était exécuté scrupuleusement, mais qui était désormais réduit à une simple « religion politique ». Le rationalisme philosophique avait cantonné les dieux dans le champ de l’irréel. Le Divin était vu sous différentes formes dans les forces cosmiques, mais un Dieu que l’on puisse prier n’existait pas. »

 

3- De la religion d’Etat romaine à la foi rationnelle dans le progrès

Cette approche historique permet de saisir certains ressorts de l’actualité bioéthique.

Tout d’abord, elle conduit à établir une comparaison entre différentes époques, celles de saint Pierre et saint Paul avec la nôtre et par là même, à réfléchir sur la religion dont l’étymologie controversée éclaire à elle seule l’ambivalence de la notion : de religāre (lier, attacher) ou bien, à la suite de Cicéron, de relego, relegere (faire une relecture de sa vie), donnant à la religion une connotation de « scrupule religieux ». 

Ni l’État français, ni le pouvoir politique ne peut s’appuyer sur une religion, ce que proclame l’article 1er de la Constitution de 1958 : « La France est une République […] laïque ». Il n’y a donc pas de religion étatique, comparable à la religion d’État romaine. Pour autant, l’étude du droit de la bioéthique et plus largement des règles relatives à la vie humaine laissent à voir une adhésion franche et ouverte à une « foi rationnelle » de plus en plus dominante et dont les fondements sont à trouver dans « la raison » et dans « la liberté ». 

Sur la foi dans le progrès, les développements de l’encyclique sont très précieux. Deux points retiendront l’attention. 

« Le progrès est surtout un progrès dans la domination croissante de la raison et cette raison est considérée clairement comme un pouvoir du bien et pour le bien. Le progrès est le dépassement de toutes les dépendances – il est progrès vers la liberté parfaite. La liberté aussi est perçue seulement comme une promesse, dans laquelle l’homme va vers sa plénitude. » 

Cette foi dans le progrès est tangible, elle l’est dans le processus même d’élaboration du droit devenu technocratique. Les « passages obligés » (saisine de comités, agences, commissions parlementaires, institutions, …) servent la cause d’une instrumentalisation de la loi au service de finalités politiques, au premier rang desquelles figure la régulation du corps humain et de ses « produits ». Dans cette course folle, la gratuité de l’acte de disposition sur le corps apparaît comme l’un des critères permettant de faire le départ entre ce qui est considéré comme politiquement admissible (« correct ») et ce qui ne l’est pas. D’où le consensus, par exemple, autour du don des embryons conservés à un autre couple ou à une autre femme dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (article L2141-4 II 1° du code de la santé publique) ; d’où l’activisme à vouloir faire accepter un jour par l’opinion publique l’idée d’une gestation pour autrui « éthique » non marchande. À l’instar des réseaux sociaux qui ont une apparence de gratuité, nul n’ignore que l’expansion de l’empire du progrès bâti sur la raison et la liberté profite, en argent sonnant et trébuchant, à des opérateurs économiques qui investissent dans la recherche médicale et le développement technologique. Quant aux gouvernements, ils sont naturellement enclins au respect humain, gage d’un électorat prometteur.

Le pape Benoît XVI souligne ensuite comment un « tel règne de la raison et de la liberté » nécessite pour se déployer la mise en place d’une politique scientifiquement pensée et qui sait saisir le sens de l’histoire. Et, le Saint-Père de nous livrer un enseignement sur certaines figures politiques et philosophiques tels que Kant, Marx ou Bacon. Un élément parmi tant d’autres doit être repris ici, parce que prenant une coloration particulière dans le domaine de la bioéthique. 

Le Saint-Père continue : « […] les conditions politiques d’un tel règne de la raison et de la liberté apparaissent, dans un premier temps, peu définies. Raison et liberté semblent garantir par elles-mêmes, en vertu de leur bonté intrinsèque, une nouvelle communauté humaine parfaite. Néanmoins, dans les deux concepts-clé de « raison » et de « liberté », la pensée est aussi tacitement toujours en opposition avec les liens de la foi et de l’Église comme avec les liens des systèmes d’État d’alors. Les deux concepts portent donc en eux un potentiel révolutionnaire d’une force explosive énorme. » Cette analyse trouve un écho en droit. Reprenons-en les idées-clé. 

En premier lieu, le Saint-Père évoque « l’opposition avec les liens de la foi et de l’Église ». L’actualité parle d’elle-même. L’approche régulatrice du corps et des produits humains considérés comme « un matériau biologique ou social toujours disponible » à l’agir de l’homme entre difficilement en résonance avec l’Évangile, avec l’abandon confiant de la créature dans les mains du Créateur, avec l’appartenance – corps et âme – au Christ, avec le corps, temple de l’Esprit. 

En deuxième lieu, se dessine lentement une déconstruction de notions et principes civilistes, dont certains puisent leurs racines tantôt dans l’histoire du droit romain et de l’Ancien droit, tantôt dans la morale chrétienne. Ainsi, l’idée d’autonomie de la personne humaine, la quête du droit de disposer de son corps et de pouvoir exercer des droits sexuels et reproductifs opposables entrent en conflit avec la garantie par la loi du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, avec la dignité de la personne (art. 16 du Code civil) ainsi qu’avec le principe d’indisponibilité du corps humain qui, certes, n’a jamais été consacré légalement. Les principes tels qu’énoncés dans le Code civil ne sont-ils pas déjà vidés de leur portée eu égard aux dérogations légales énoncées çà et là (notamment dans le Code de la santé publique), mais également eu égard à l’imprécision actuelle de la signification philosophique et morale de ces principes ? Ce qui nous conduit à l’idée-clé suivante. 

En dernier lieu, le pape Benoît XVI fait référence à la mise en place de conditions politiques du règne de la raison et de la liberté, dont les objectifs demeurent indéfinis. S’agissant du droit de la bioéthique, le « modèle » légal français de bioéthique s’avère être un levier puissant savamment pensé pour faire avancer la « foi rationnelle » dans la science, sans que l’on sache véritablement quels sont les articles de ce nouveau credo. La confusion règne volontairement en maître, y compris s’agissant des fameux principes éthiques. Ce mode de production de normes n’a en en réalité d’éthique que le nom.
Il n’y a dans son fonctionnement, ni la volonté de mener une réflexion sur ce qui est bien ou mal, ni le courage d’assumer le moralisme qui en résulte et son acception ultra-matérialiste du corps et de la personne humaine. Quant aux propositions/projets de lois relatives à la vie humaine (par exemple relative à l’IVG) qui, juridiquement, ne tombent pas dans le domaine d’application de la législation dite bioéthique (cf. article L1412-1 et s. du code de la santé publique), la politisation à outrance des questions dites sociétales – mais qui, de fait, sont existentielles et spirituelles – fait son œuvre ; le plus profond et le plus intime de l’homme, sa nature, son corps, sa sexualité, son intelligence, sont devenus le jouet de discordes politiques.
La convocation des représentants religieux, suivant des procédures formelles et « séparatistes », ne permet pas d’instaurer un dialogue entre « raison et foi » dans l’espace public et de pallier le néant des débats prétendument éthiques mais qui sont assurément vides de toute réflexion sur la dimension spirituelle et surnaturelle de la vie humaine. La laïcité est devenue un isme. Et l’épitaphe antique à laquelle se réfère le pape Benoît XVI sonne le glas : « In nihil ab nihilo quam cito recidimus » (Du néant dans le néant, combien rapidement nous retombons) ».

Pour conclure sur ce dernier point, le pape Benoît XVI, à propos de Marx, souligne l’erreur fondamentale de ce dernier : « Il a oublié que l’homme demeure toujours homme. Il a oublié l’homme et il a oublié sa liberté. Il a oublié que la liberté demeure toujours liberté, même pour le mal. Il croyait que, une fois mise en place l’économie, tout aurait été mis en place. Sa véritable erreur est le matérialisme : en effet, l’homme n’est pas seulement le produit de conditions économiques, et il n’est pas possible de le guérir uniquement de l’extérieur, en créant des conditions économiques favorables. » Cette analyse s’applique non seulement à l’idéologie marxiste mais à toutes formes d’emprises totalitaires sur l’homme, notamment celles fondées sur une méthode scientifique particulière, la pratique et la mise en place de politiques programmées et destinées à dénaturer l’homme pour mieux contrôler sa vie de sa conception à sa mort et la financiariser. Si la nécessité d’une autocritique de l’ère moderne est nécessaire, elle doit être associée aussi à une autocritique du christianisme moderne.

 

4- Du renouvellement à chaque génération du trésor moral 

Le pape Benoît XVI délivre encore un enseignement sur la signification du « concept d’espérance fondée sur la foi, dans le Nouveau Testament et dans l’Église primitive », prenant appui sur le modèle de vie édifiant des martyrs et des saints. Il revient alors sur la distinction entre d’un côté la substance matérielle, « sécurité normale dans la vie », et de l’autre, la « base qui demeure et que personne ne peut enlever ». « On ne peut pas ne pas voir le lien qui court entre ces deux sortes de « substance », précise-t-il. « La foi confère à la vie une base nouvelle, un nouveau fondement sur lequel l’homme peut s’appuyer et ainsi le fondement habituel, la fiabilité des revenus matériels, justement se relativise. […] Là, la nouvelle « substance » s’est montrée réellement comme la « substance » ; de l’espérance des personnes touchées par le Christ a jailli l’espérance pour d’autres qui vivaient dans les ténèbres et sans espérance. »

Ensuite, un peu plus loin dans l’encyclique, le Saint-Père invite « les chrétiens, dans le contexte de leurs connaissances et de leurs expériences […] » à « apprendre de manière renouvelée en quoi consiste véritablement leur espérance, ce qu’ils ont à offrir au monde et ce que, à l’inverse, ils ne peuvent pas offrir. » A cette exhortation, est apportée une justification qui tient à notre liberté : contrairement au progrès qui peut s’additionner dans le domaine matériel, « dans le domaine de la conscience éthique et de la décision morale, il n’y a pas de possibilité équivalente d’additionner, pour la simple raison que la liberté de l’homme est toujours nouvelle et qu’elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions. »

À l’heure où l’interruption volontaire de grossesse est désormais protégée par la Constitution, à l’heure où le législateur sera bientôt saisi d’un projet sur le suicide assisté et peut-être sur l’euthanasie, des hommes et des femmes rendent compte de leur espérance en Dieu et de leur croyance que « leur vie ne finit pas dans le néant » et ce, par diverses propositions en phase avec notre temps.
Ainsi, le « Réseau Vie » est une association qui « promeut et défend la Vie de la conception à la mort naturelle, en étant fidèle à l’enseignement de l’Eglise catholique. Sont présentées sur le site internet les deux grandes missions : « 1) fédérer les mouvements Vie 2) porter des projets pour les faire aboutir, sans toutefois les gérer dans la durée ». L’association a également un rôle de formation et d’information. Des initiatives laissent encore entrevoir la place première de la prière comme « école de l’espérance ». Les universités de la vie, cycle de formation bioéthique proposé par Alliance vita, dispensent également des formations qui sont relayées par les diocèses français et certaines aumôneries catholiques étudiantes.
Le Master class Jérôme Lejeune, science et éthique, des fondements à la pratique est un autre exemple de formation destinée à un public ciblé, les étudiants en médecine, les jeunes médecins, infirmiers, sage-femmes, chercheurs, biologistes ainsi qu’aux juristes en bioéthique et philosophes.
D’autres initiatives, sans visibilité médiatique,  existent dans des organisations catholiques en charge notamment de l’éducation de la jeunesse. Elles sont encouragées afin que, selon les mots du pape Benoît XVI, les chrétiens sachent rendre compte de la « grande espérance », la rencontre avec « le Dieu de Jésus Christ », dans une culture contemporaine où « la possession de l’espérance, qui provient de la rencontre réelle avec ce Dieu, n’est presque plus perceptible ».

Céline Bloud-Rey, maître de conférences (droit privé)

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