Hervé Giraud, Author at ZENIT - Français https://fr.zenit.org/author/hervegiraud/ Le monde vu de Rome Wed, 13 Feb 2013 00:00:00 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 https://fr.zenit.org/wp-content/uploads/sites/4/2020/07/9e4929ea-cropped-dfdb632a-favicon_1.png Hervé Giraud, Author at ZENIT - Français https://fr.zenit.org/author/hervegiraud/ 32 32 La colère du père Wresinki contre l'assistanat https://fr.zenit.org/2013/02/13/la-colere-du-pere-wresinki-contre-l-assistanat/ https://fr.zenit.org/2013/02/13/la-colere-du-pere-wresinki-contre-l-assistanat/#respond Wed, 13 Feb 2013 00:00:00 +0000 https://fr.zenit.org/la-colere-du-pere-wresinki-contre-l-assistanat/ Et le droit à la spiritualité pour tous

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Le père Joseph Wresinski « se mettait en colère contre l’assistanat qui prive les pauvres de la dignité d’être acteurs de leur avenir et son « combat d’homme et de prêtre a consisté à mettre les personnes abîmées par la misère, en relation entre elles, en relation avec le reste de la société, à les mettre debout, actives et responsables, car chacun a le droit au respect et à la dignité », fait observer Mgr Giraud, qui ajoute: « De plus, Joseph Wresinski revendiquait le droit à la spiritualité pour tous ».

Mgr Hervé Giraud, évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin, en Frane, a prononcé cette homélie au cours d’une messe qui marquait, dimanche dernier, 10 février, le 25ème anniversaire du retour à Dieu du père Joseph Wresinski (1917-1988), fondateur du mouvement ATD-Quart monde et promoteur à l’ONU de la Journée internationale du refus de la misère, chaque année le 17 octobre.

Cet anniversaire sera marqué à Rome le 24 février en la Basilique du Latran, sous la présidence de Mgr Jean-Louis Bruguès. Le père Germano Marani sj prononcera l’homélie.

Homélie à Braine le 10 février 2013

Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth ; la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu.Il vit deux barques amarrées au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets.Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’éloigner un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait la foule.Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson. »Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. »Ils le firent, et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient.Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient. À cette vue, Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant :

« Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. »L’effroi, en effet, l’avait saisi, lui et ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient prise ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses compagnons. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.

Commençons par la Parole de Dieu. Situons simplement ce passage. Jésus n’a pas encore choisi les Douze. La foule le presse. Jésus a vu les deux barques et il sait qu’il vaut mieux parler d’une barque pour se faire entendre. Il enseigne donc dans la barque de Simon. Cette barque peut symboliser l’Église – devenue désormais un immense paquebot ! – et il nous faut être dans l’Église pour que la Parole de Dieu soit bien entendue, sinon accueillie aujourd’hui.

Jésus enseigne donc les foules. Mais Jésus s’adresse aussi à des personnes en particulier. Il fait toujours attention aux unes et aux autres. Après les foules, Jésus parle donc à Simon : « Avance en eau profonde ». Peut-être n’avons-nous pas remarqué que c’est la deuxième fois que Jésus demande à Simon d’avancer. Il l’a déjà fait au moment d’embarquer : « Il le prie d’avancer un peu, loin de la terre ». Notez ce « un peu ». Nous admirons parfois la foi de Pierre, des martyrs ou des saints. Mais chez les apôtres, comme pour nous, il y a toujours eu un avant, un petit pas que nous avons risqué et qui a préparé d’autres pas. Jésus a le sens de la progression, de l’accompagnement patient de la conscience de chacun. Il doit y avoir dans l’Église comme il y a en Jésus un respect du cheminement de chacun. Jésus a souvent une délicate attention pédagogique : il conduit chacun presque par la main, pas à pas, vers une plus grande profondeur. Pour avancer au large, il faut toujours ce « un peu » originel. (Je pense aux écoles que j’ai visitées… on commence un peu, puis on en attire d’autres ; je pense à ces entreprises visitées, qui se sont développés ; je pense au Foyer rural qui ne manque pas de nouvelles idées pour la culture et le social…).

Oui, Dieu prépare toujours en nous ce qui va servir de base pour aller plus loin. « Avance un peu … avance en eau profonde ». La forme est pédagogique, le fond est missionnaire. Souvenons nous aussi que cet appel de Jésus venait après un échec. Dieu ne me demande pas de ramer vers un horizon inaccessible, mais de repartir avec Lui.

Vient alors cet ordre de Jésus aux pêcheurs : « Jetez vos filets pour la pêche ». Jésus a demandé la foi et le courage de repartir à Simon et il espère que les coéquipiers vont suivre. La foi fait traverser les crises, les échecs, le travail d’équipe rend possible l’avenir. 

Cette pêche, l’Église la continue aujourd’hui grâce à tous, grâce aux fidèles laïcs, aux prêtres, aux diacres. Benoît XVI l’a souvent rappelé : les chrétiens ne doivent plus seulement être des collaborateurs du clergé, mais « comme des coresponsables de l’être et de l’agir de l’Eglise ». Vous n’êtes pas là pour aider le curé ou l’évêque : vous êtes là pour que l’évangile soit annoncé le plus largement possible. Chacun peut apporter ses talents, ses dons, ses compétences. Aucun membre n’est inutile. Souvenons-nous : « Les membres du corps qui sont tenus pour plus faibles sont nécessaires. » (1 Co 12,22). Dieu utilise le petit nombre pour soulever la multitude. Plus les fidèles prennent une place dans l’Église, plus le prêtre peut faire ce pour quoi il est ordonné : annoncer l’évangile, célébrer l’Eucharistie, donner le pardon du Seigneur, servir l’unité de l’Église, passer vers d’autres rives, plus pauvres parfois. 

Comme vous le savez je termine donc ma 30ème visite pastorale. Certes je n’ai pas tout vu et il ne faut pas tout attendre de la visite d’un évêque. Mais j’étais heureux de rencontrer plusieurs fois certains d’entre vous, signe de votre engagement dans la paroisse Notre-Dame de la Vesle. J’étais heureux aussi de découvrir trois écoles bien différentes, signe d’une jeunesse qui arrive et nous réjouit. J’étais heureux de visiter trois entreprises qui vont bien et qui donnent un peu d’espoir en ces temps de crise de l’emploi. J’étais heureux de visiter une exploitation agricole où trois familles coopèrent.

Le but des visites pastorales est toujours d’écouter, de rencontrer, d’encourager la communauté paroissiale. Un évêque essaie d’être sur tous les terrains, au plus près des réalités, sans a priori, avec simplicité pour découvrir aussi la société civile : l’Église n’est pas coupée du monde. Une visite pastorale sert aussi à ouvrir : chaque paroisse appartient à un diocèse et fait vivre l’Église. On n’est pas chrétien tout seul. On ne vit pas en paroisse sans lien avec les autres dans la paroisse, sans lien avec les autres paroisses du diocèse.

Certes des questions demeurent : comment faire venir au catéchisme ? Comment assurer la relève ? Comment donner le goût de la messe dominicale ? Que peut-on entreprendre après la Profession de foi ? Que faire pour proposer la confirmation au plus grand nombre ? Ce sera un des soucis du Conseil pastoral que de trouver aussi la manière de jeter des filets nouveaux. Il ne faut pas avoir peur car  si « l’Eglise meurt à cause de (notre) manque de foi, dans le même temps, elle naît à nouveau. Le futur est réellement Dieu, telle est la grande certitude de notre vie, le grand le vrai optimisme que nous connaissons. » (Benoît XVI). Lors de la dernière visite ad limina à Rome, en novembre dernier, le pape disait aux évêques français : « Les fidèles du monde entier attendent beaucoup de l’Église qui est en France… Vous apportez dans les débats une parole indispensable de vérité, qui libère et ouvre les cœurs à l’espérance. Cette parole, j’en suis convaincu, est attendue. » Dernièrement il ajoutait encore : « Le dialogue et le débat peuvent grandir quand on converse et prend au sérieux ceux qui ont des idées différentes des nôtres ».

Cet optimisme évangélique nous en avons besoin aussi pour la solidarité. Ma première visite dans la paroisse fut pour les « Restos du cœur ». Nous savons que la baisse du budget européen de l’aide alimentaire se fera aussi sentir ici. J’ai rencontré aussi le Secours catholique. Et ceci m’amène à parler de la démarche de Diaconia dans l’Église en France, une démarche qu’aurait saluée Joseph Wresinski dont nous commémorons aussi le 25ème anniversaire de la mort (14 février 1988), lui qui vécut ici à Dhuizel, dans notre paroisse.

Le père Joseph Wresinski était un homme blessé par son enfance misérable.  Il savait d’expérience que les réponses à la grande pauvreté, si elles ne sont que matérielles, aggravent la situation. Il se mettait en colère contre l’assistanat qui prive les pauvres de la dignité d’être acteurs de leur avenir. Son combat d’homme et de prêtre a consisté à mettre les personnes abîmées par la misère, en relation entre elles, en relation avec le reste de la société, à les mettre debout, actives et responsables, car chacun a le droit au respect et à la dignité. De plus, Joseph Wresinski revendiquait le droit à la spiritualité pour tous. La démarche de Diaconia ressemble bien à ce qu’il disait : « Tout au long de mon sacerdoce, j’ai espéré ramener les plus pauvres au cœur de l’Eglise en proclamant leur vie et ce qu’ils vivaient déjà du dessein de Dieu.» Ce grand défi « Servir la fraternité » restera d’actualité dans les mois et années qui viennent. Puissions-nous donc redécouvrir le visage du Christ dans nos relations aux personnes blessées par la vie. Comme le Seigneur nous le demande, soyons sans crainte. Et surtout avançons un peu : c’est la meilleure manière d’avancer au large.

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