Bruno Forte, Author at ZENIT - Français https://fr.zenit.org/author/brunoforte/ Le monde vu de Rome Tue, 07 Aug 2018 10:17:45 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.2 https://fr.zenit.org/wp-content/uploads/sites/4/2020/07/9e4929ea-cropped-dfdb632a-favicon_1.png Bruno Forte, Author at ZENIT - Français https://fr.zenit.org/author/brunoforte/ 32 32 "Aux racines de deux peuples. Se reconnaître en Terre Sainte", par Mgr Bruno Forte https://fr.zenit.org/2018/08/07/aux-racines-de-deux-peuples-se-reconnaitre-en-terre-sainte-par-mgr-bruno-forte/ Tue, 07 Aug 2018 10:17:45 +0000 https://fr.zenit.org/?p=98514 "Activer des processus efficaces de réconciliation"

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Aux racines de deux peuples

Se reconnaître en Terre Sainte

(Il Sole 24 Ore, dimanche 5 août 2018, 1 et 6), par Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto

 

Le 19 juillet dernier, le Parlement israélien a approuvé un texte de Loi fondamentale intitulé « Israël, État-nation du peuple juif », dont le premier article affirme : « La Terre d’Israël est la patrie historique du peuple juif, où l’État d’Israël s’est installé. L’État d’Israël est la patrie nationale du peuple juif, où il exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination ».

Ces formulations ont un caractère clairement politique, en particulier parce qu’elles réaffirment l’intangibilité de ce que, à travers la guerre d’indépendance d’il y a soixante-dix ans et celle des six jours de 1967, les juifs ont conquis comme territoire de leur État. C’est pour cette raison qu’elles ont suscité des réserves et de la perplexité dans le monde juif lui-même, comme le montre la prise de distance du président d’Israël, Reuven Rivlin qui, rencontrant les chefs de la minorité druze, la plus active contre la norme, a redit qu’il était opposé à la Loi, en particulier là où elle affirme que « le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est un droit exclusif du peuple juif » et là où elle reformule le « statut » de la langue arabe, passée d’officielle à langue à statut spécial. Rivlin a voulu parler à toutes les minorités présentes dans l’État d’Israël en ajoutant : « Je n’ai pas de doutes sur le fait que vous êtes nos égaux d’un point de vue légal et nous devons nous assurer que vous aussi, vous vous sentez égaux ».

Les articles de la Loi approuvée ont, toutefois, une signification culturelle et religieuse qui ne peut être ignorée et qui peut aider à en comprendre en partie les motivations, liées à toutes les luttes soutenues par le peuple juif pour parvenir à la réalité actuelle : ce sens, qui a une forte connotation identitaire, est évoqué dans les différents termes employés pour indiquer la Terre d’Israël dans le langage des trois monothéismes qui reconnaissent en Abraham leur « père dans la foi » commun. Les juifs parlent de « Terre d’Israël », « Terre promise » ou simplement de « Terre » (« Eretz »), accentuant le caractère identitaire de l’expression. Les chrétiens, depuis l’époque de Constantin, utilisent le nom « Terre Sainte » pour en souligner la signification universelle pour tous les croyants des « religions du Livre ». L’expression se trouve dans le prophète Zacharie (2,16 : admat ha-qodesh », dans l’original hébraïque), dans le cadre d’une magnifique promesse prophétique : « Chante et réjouis-toi, fille de Sion ; voici que je viens, j’habiterai au milieu de toi… Le Seigneur prendra possession de Juda, son domaine sur la terre sainte ; il choisira de nouveau Jérusalem ». Pour l’islam, ensuite, Jérusalem et le rocher du sacrifice d’Isaac sur l’esplanade du Temple sont le lieu d’où Mahomet est monté au ciel dans son rêve prophétique. On comprend alors combien la référence à la Terre Sainte évoque l’inextricable conjugaison de promesses et d’attentes, d’espérance et de douleur, qui y sont liées.
Deux auteurs chrétiens, l’un français, l’autre israélien, écrivent : « Cette terre est la terre de Dieu, mais en même temps elle est aussi la terre des hommes. Elle est la terre où « coulent le lait et le miel », mais elle est aussi « une terre de larmes et de sang ». C’est une terre fascinante par son histoire humaine et divine, attirante par sa beauté et sa diversité, capable d’inspirer les plus beaux chants mystiques comme les violences les plus sanguinaires » (Alain Marchadour – David Neuhaus, La Terre, la Bible et l’histoire, Paris, Bayard 2006). Et ils ajoutent : « C’est sur ce fonds concret que se développe l’alliance entre Dieu et son peuple, avec le Dieu toujours fidèles à ses promesses d’un côté et de l’autre un peuple à la nuque raide, souvent inconstant et infidèle ».
À partir de ces références, on peut comprendre, comme l’écrivait le card. Carlo Maria Martini dans la préface du livre cité, l’importance de ce que « Terre Sainte » peut signifier « pour tous ceux qui ont à cœur la terre de la Bible, l’avenir des juifs et des Palestiniens, et la paix dans le monde.
Ces derniers jours, pendant lesquels j’ai guidé un pèlerinage du diocèse qui m’avait été confié, sur cette terre, j’ai essayé de recueillir quelques impressions sur la Loi fondamentale de la part de chrétiens arabes ou de provenance juive. La constatation de départ est commune : les juifs ont beaucoup souffert et ils vivent aujourd’hui avec un peuple qui a beaucoup souffert et qui souffre à cause d’eux. Un chrétien d’origine juive m’a dit : « Je ne crois pas qu’il y aura de solution, au moins tant que les deux peuples ne reconnaîtront pas dans l’autre une présence permanente et incontournable. Je ne dis pas qu’ils doivent s’aimer, mais ils  doivent l’un et l’autre ne pas nier que l’autre fait partie de son présent. Nous sommes très loin de cet objectif ». Puis il a ajouté : « Le plus grand ennemi de la paix et de la justice en Terre Sainte est la condition dans laquelle les deux peuples croient pouvoir écraser l’autre. Cette attitude est le plus féroce ennemi de la paix : du désir de vaincre l’autre découle la conviction de pouvoir le faire disparaître. Le mur est le symbole de cette dure réalité : il représente la volonté de se désintéresser et l’aveuglement à l’égard de la condition de celui qui souffre au-delà de la frontière ».
Le processus d’éducation pour une confrontation pacifique sera donc long et la présence chrétienne ne pourra se soustraire à l’effort de servir de « pont » entre les deux parties, soutenant une confrontation saine et stimulante. Tout ceci exigera une force morale, une disponibilité au sacrifice et du courage pour activer des processus efficaces de réconciliation. Mais renoncer à ce rêve signifierait abandonner toute perspective de paix : c’et ce qu’on rappelé au monde, dans leurs visites pastorales en Terre Sainte Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et le pape François.
Quand les parties en conflit seront-elles prêtes à accepter la vérité exigeante de cet appel ? Et la Loi fondamentale à peine approuvée, avec le caractère absolu de ses prétentions identitaires, risque d’être un nouvel obstacle sur ce chemin indispensable pour tous.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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"Retour du sacré. Un besoin nouveau de religion", par Mgr Bruno Forte https://fr.zenit.org/2018/07/09/retour-du-sacre-un-besoin-nouveau-de-religion-par-mgr-bruno-forte/ Mon, 09 Jul 2018 15:27:58 +0000 https://fr.zenit.org/?p=97582 «Au soir de la vie, nous serons jugés sur l'amour»

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Retour du sacré
Un besoin nouveau de religion
par Mgr Bruno Forte
Archevêque de Chieti-Vasto
(Il Sole 24 Ore, Dimanche 8 juillet 2018, 1 et 6)
Il y a un nouveau besoin de religion. Ce constat émerge de divers domaines : enquêtes sociologiques, réflexions philosophiques, analyses des processus historiques en cours. Fini le temps des idéologies comprises comme une réponse totalisante à la recherche humaine de justice pour tous. La « chute des dieux » est arrivée, celle des idoles du pouvoir, de la possession et du plaisir, que le consumérisme et l’hédonisme avaient exaltés comme le substitut d’un Dieu déclaré inutile. Le besoin d’un horizon final et absolu revient, capable d’unifier les fragments du temps et du travail humain dans un plan capable de motiver la passion et l’effort. C’est surtout à ce niveau que la question religieuse réapparaît avec force : nous avons tous besoin de donner un sens à ce que nous sommes, à ce que nous faisons, et si nous additionnons les sens possibles de tous les choix et de toutes les actions vécues sans les unifier dans un sens final, la question reste insatisfaisante.
S’interroger sur le sens ultime, c’est voir ce qu’il y a à la base de la religion : « Quelle que soit la religion – écrit Sergio Givone dans son dernier livre Quant’è vero Dio. Perché non possiamo fare a meno della religione (Solferino, Milan 2018) – on doit dire qu’elle « est » et pas seulement qu’elle « était ». Au contraire, ce sont les idéologies qui ont décrété sa fin prochaine, en particulier le marxisme et le nouvel illuminisme, qui se sont révélées totalement inadéquates pour comprendre le phénomène religieux…. Il est arrivé que la science, en particulier la physique, relance les grandes questions de la métaphysique…. et quand on a cherché des mots pour sortir des bancs d’une pensée unique et compétente en matière de réception, on les a demandé en prêt à la religion » (p. 16).
Parmi les raisons possibles pour expliquer ce « retour du sacré » et, plus encore, la recherche du Visage d’un Dieu personnel, je voudrais en souligner trois : la souffrance, le besoin d’amour et la question de l’avenir. La souffrance est l’expérience humaine universelle, d’où surgit l’urgence de percevoir un horizon final qui soit un but et une patrie. Dieu s’offre à la douleur comme un Visage qui brise la chaîne de l’éternel retour et redonne dignité à l’effort de vivre, en motivant le jugement sur ce que nous faisons, l’appréciation du bien et le rejet du mal. Même l’agnostique qui ne se prononce pas sur l’existence de Dieu ne peut pas ne pas évaluer ses choix fondamentaux sur des valeurs qui les rendent dignes et justifient l’effort qu’elles exigent. Sans l’hypothèse Dieu, le mal reste un défi sans réponse et l’effort de porter son poids semble insupportable et vain. Si c’est la douleur qui pose la question de Dieu, c’est aussi l’amour qui est l’expérience vitale, où le besoin religieux apparaît plus fortement. Ce n’est qu’en aimant que l’effort de chaque jour prend son sens: si, quand vous vous levez le matin, vous avez quelqu’un à aimer et pour lequel vous pouvez offrir tout ce qui vous attend, votre journée a un sens, elle mérite d’être vécue.
Là où il n’y a pas d’amour, la grisaille de l’ennui vient envelopper toutes les choses ensemble. Maintenant, seuls ceux qui se sentent aimés naissent à l’amour : dès le premier moment de celui qui vient au jour le « tu » cherché est celui d’un visage aimant, maternel-paternel, capable d’accueillir, de protéger et de nourrir la vie. Nous sommes depuis les origines des mendiants d’amour et nous ne nous réaliserons que si nous nous sentons aimés et apprenons à aimer. La religion sait que Dieu est la source d’un amour jamais las, capable de créer toujours un nouveau départ, d’éclairer toute chose, de vous faire sentir précieux à ses yeux et donc candidat à l’éternel qui l’emporte sur la douleur et la mort précisément par la puissance d’un amour plus grand.
Le message du Nouveau Testament a su le dire de manière plus dense et concrète : « Dieu est amour. Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés… Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » (1 Jn 4, 8-10 et 16).
Si vous avez rencontré cet amour, même l’avenir ne vous apparaîtra plus dans le signe du rien vorace, mais comme une possibilité ouverte par l’amour et sa tendance à la victoire éternelle sur la mort. « Celui qui n’aime pas demeure dans la mort » (1 Jn 3,14): Ceux qui aiment, au contraire, reconnaissent la valeur de la vie et savent qu’ils ne peuvent triompher sur rien pour vivre des pactes d’amour victorieux de toute fin, garantis par le Dieu qui aime depuis toujours, pour toujours. On comprend alors comment la cause de l’homme est inséparable de la cause de Dieu: donner un sens à la vie – et un sens victorieux de la mort – est la condition pour vouloir être humain, et l’être pleinement.
La religion est donc plus que jamais d’actualité : loin de se poser en concurrent de l’homme, le Dieu qui est amour offre à chacun de nous ce sens, nous appelant à une vie pleinement vécue, dépensée avec amour et par amour, de manière à anticiper, les jours de semaine, la beauté du dimanche qui n’aura pas de crépuscule. Chercher Son Visage dans la nuit de la foi est source de lumière et de paix. Le rencontrer dans la plénitude de la vision sera se plonger dans l’amour victorieux. Une phrase de Saint Jean de la Croix, le mystique de la « nuit noire », nous le rappelle, après la rencontre avec le Bien-aimé, qui attend et pardonne: « A la tarde de la vida te examinarán en el amor » – « Au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour ».
Traduction de ZENIT, Océane Le Gall

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"Entre histoire et avenir. L'élan vital de mai 68", par Mgr Bruno Forte https://fr.zenit.org/2018/06/24/entre-histoire-et-avenir-lelan-vital-de-mai-68-par-mgr-bruno-forte/ Sun, 24 Jun 2018 08:57:37 +0000 https://fr.zenit.org/?p=96862 La bannière de l'Evangile et le primat de la charité

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Entre histoire et avenir
L’élan vital de mai 68
(Il Sole 24 Ore, dimanche 24 juin 2018, 1 et 6)
de
Bruno Forte
Archevêque de Chieti-Vasto
Cinquante ans se sont écoulés depuis le « mai français », ce mois fatidique de 1968 traversé en France par un vaste ensemble de mouvements de révolte sociale, politique et idéologique, dirigée contre la société traditionnelle, le capitalisme, l’impérialisme, et en premier lieu contre le pouvoir « gaulliste » alors dominant. De la jeunesse étudiante de Paris la révolte s’est étendue au monde du travail et à beaucoup d’autres catégories, au point que l’on peut considérer les événements de 68 comme le mouvement social le plus important du XXe siècle en France. Le motif d’inspiration a été la contestation de tout type d’autorité, au nom d’une libéralisation totale des moeurs et contre les logiques dominantes de la tradition. Que reste-t-il de tout cela cinquante ans plus tard? Il y a ceux qui répondent en ne dessinant qu’un bilan négatif, car il voit dans cette période le début du processus qui aurait fait dégénéré la valeur de la liberté en anarchie. Pour d’autres, le mouvement né pour lutter contre le conformisme a fini par en créer un autre encore plus étouffant. Pour beaucoup, il est et reste indéniable l’importance des instances qui ont vu le jour dans ces années-là, tant dans le domaine de l’éducation que dans ceux du travail, de la famille, des relations entre les générations, sur le fond d’un large désir de revanche et de protagonisme des classes sociales plus faibles. Quelle que soit l’évaluation qu’on en offre, 68 a représenté une étape fondamentale pour le changement et pas seulement de la France, donnant une impulsion à une vaste saison de revendication des droits.
Tous les processus mentionnés sont nés d’une participation collective intense, caractérisée par des slogans d’une grande force évocatrice: parmi ceux-ci – «l’imagination au pouvoir» – a particulièrement touché l’héritage culturel de 68. S’y exprimait la tension de mettre en question une société bloquée, injuste, autoritaire et inégalitaire, en manifestant en même temps, l’urgence de lancer un nouveau départ, en mettant aussi en relation entre la vie personnelle et la vie politique, parce que le changement des structures était une propédeutique pour un mode de vie différent. Ont émergé la question du bonheur, la centralité des désirs, l’affirmation de l’autodétermination. Dans l’ensemble dominait une force utopique liée à la primauté de l’idéologie, de « passions fortes », au désir de prendre position, par rapport auquel la saison post-idéologique actuelle semble être caractérisér par un malaise, des passions tristes, le mécontentement sempiternel, des revendications impuissantes, l’absence de vastes horizons. L’héritage culturel le plus profond qui découle de notre société de 68 c’est toutefois la remise en question non seulement de telle ou telle autorité, mais du principe même d’autorité, ainsi que le processus de prise de distance et de désaffection des institutions et de la tradition, ainsi que l’importance attribuée à la dimension individuelle de la vie. Face au conformisme, on exalte l’expérience personnelle: elle parle de «l’âge de l’authenticité», visant à modifier amplement les façons de vivre, les croyances et les relations sociales.
Le processus initié alors a eu des répercussions significatives aussi dans le domaine religieux, à la fois par rapport aux institutions du sacré, en particulier à l’Église, et dans l’interprétation de l’instance religieuse et de la dimension spirituelle de la vie. Surgit un «non» à une foi imposée ou héritée de façon passive. Le désaccord avec l’éthique sexuelle prêché par les Églises, amplement répandue, s’unit au rejet de la fonction disciplinaire de la religion. Le phénomène de l’athéisme et de l’indifférence religieuse grandit et, en même temps, une recherche spirituelle alternative émerge, impliquant également les communautés religieuses plus établies. Le sentiment de solitude et de non-appartenance de l’individu grandit, la perception d’un égarement général, le besoin d’une ancre à laquelle s’accrocher. C’est ici que la fascination du christianisme, en tant que religion de la liberté et inséparablement d’appartenance au peuple de Dieu, continue de s’exercer, d’autant plus que chez beaucoup le rejet de la tradition s’unit à la nostalgie des certitudes passées, à l’abandon à la recherche inquiète, à la démolition des idoles, au besoin de figures charismatiques auxquelles s’identifier.
Il reste vif le défi d’une saison qui a été et est une occasion unique pour une possible renaissance de notre Occident, combinée à un élan de nouvelle évangélisation de la part des croyants, à cinquante ans d’une contestation encore féconde en horizons inédits, malgré tout. Une preuve de cette vitalité peut être saisie dans les paroles et dans les gestes du pape François, dont l’engagement pour l’authenticité et pour le style d’une «Église en sortie» intègre tant d’exigences de 68. Témoin, par exemple, ce qu’il a dit à Genève le 21 juin au Conseil œcuménique des Églises, invitant tous les chrétiens à un chemin courageux du renouveau: « Le chemin est une métaphore qui révèle le sens de la vie humaine, d’une vie qui ne se suffit pas à elle-même, mais qui est toujours à la recherche de quelque chose de plus. (…) Il faut renoncer à beaucoup de chemins pour choisir celui qui conduit au but et vivifier la mémoire pour ne pas la perdre. (…) Marcher demande l’humilité de retourner sur ses propres pas, quand c’est nécessaire, et le souci des compagnons de voyage, car ce n’est qu’ensemble qu’on marche bien. Marcher, en somme, exige une conversion de soi continue. C’est pourquoi beaucoup y renoncent, en préférant la quiétude de la maison, où ils s’occupent commodément de leurs propres affaires sans s’exposer aux risques du voyage. Mais ainsi, on s’accroche à des sécurités éphémères, qui ne donnent pas cette paix et cette joie auxquelles le cœur aspire, et qui ne se trouvent qu’en sortant de soi-même. ». On pourrait peut-être parler d’un nouveau 68, sous la bannière de l’Evangile et du primat de la charité.
Traduction de ZENIT
 
 
 

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Italie : l'assassinat du juge Falcone, la punition et l’espérance, par Mgr Forte https://fr.zenit.org/2018/05/28/italie-lassassinat-du-juge-falcone-la-punition-et-lesperance-par-mgr-forte/ Mon, 28 May 2018 11:34:29 +0000 https://fr.zenit.org/?p=95510 Aucun mal ne pourra l’emporter sur un autre mal

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« Crimes et peines. Le massacre de Capaci, la punition et l’espérance » : sous ce titre, le quotidien italien « Il Sole 24 Ore » du dimanche 27 mai 2018, a publié une réflexion de Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto, que nous publions en français avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Le massacre de Capaci, la punition et l’espérance
L’anniversaire du massacre de Capaci, au cours duquel le magistrat antimafia Giovanni Falcone, son épouse Francesca Morvillo et des membres de sa garde rapprochée ont été sauvagement assassinés dans un attentat (23 mai 1992), rend encore plus significative et actuelle la réflexion proposée dans un livre qui vient juste de sortir, intitulé « La speranza oltre le sbarre. Viaggio in un carcere di massima sicurezza » (San Paolo, Cinisello Balsamo 2018) – « L’espérance au-delà des barreaux. Voyage dans une prison de haut–sécurité –  L’ouvrage, écrit à quatre mains par la journaliste Angela Trentini et le théologien Maurizio Gronchi, rapporte des interviews aux assassins des juges Livatino, Falcone et Borsellino, et des échanges avec les membres des familles des victimes. Le titre est aussi une invitation à un voyage, certes, peu confortable, mais à mon avis précieux, dans le passé récent de notre communauté civile, pour favoriser une prise de conscience sur comment celle-ci a trop souvent éliminer par le silence et l’oubli des événements et blessures qui ne sauraient être oubliés. En même temps, au fil des pages, on comprend que trop souvent on a plus voulu une justice vindicative qu’une peine de réinsertion, qui condamne avec fermeté le mal mais offre en même temps à qui l’a commis la possibilité d’en prendre conscience, de s’ouvrir à des parcours de repentance et de nourrir, malgré tout, l’espérance d’un avenir. Cette ouverture à l’avenir est tout simplement niée par les barreaux des cellules où le coupable se trouve enfermé sans la moindre possibilité d’une fin de peine ou de mesures alternatives de réinsertion (selon ce que signifie la prison à vie sans conditionnelle). Certaines affirmations de détenus interviewés sont dramatiques : « La peine de mort en Italie n’existe pas, mais la mort de peine oui » (18). Le constat de la journaliste est douloureux : « La plus cruelle des peines, pour celui qui est derrières les barreaux, c’est que … pour le monde extérieur il n’existe pas. On disparaît quand on sent qu’on ne compte plus rien pour personne » (36s). Le rappel éthique qui s’élève d’une des victimes les plus lumineuses, le juge Rosario Livatino, est très fort : « rendre justice est une réalisation de soi, est « prière », est « dévotion de soi à Dieu… A la fin de la vie on ne nous demandera pas si nous avons été croyants, mais crédibles » (47). Dans un témoignage, le journaliste sicilien, Enzo Gallo, relève que le sacrifice du jeune Juge n’a pas été vain : « Les valeurs dont il est porteur sont devenus un patrimoine … pour beaucoup, avec un effet multiplicateur et en cascade, imprévisible et incroyable » (50). C’est cela le vrai sens de la bataille contre la mafia : détruire sa force dans les consciences, montrer son vide moral, l’aveugle stupidité, l’avidité insensée qui finit par détruire tout le monde, en offrant en même temps des exemples du bien et de sa fécondité. Le mal n’est pas seulement le mal en soi, mais il fait mal et laisse un sillon indélébile, comme relèvent les auteurs de l’ouvrage par rapport aux détenus interviewés : « Personne ne semble pouvoir se libérer du souvenir du mal » (66).
Parmi les indications plus significatives qui émergent des récits de vie récoltés dans le livre, il y en a une qui me paraît décisive : les fleurs du mal poussent là où se trouve un « humus » fécond pour être cultivées. Quand vous avez été formé sur un mauvais modèle d’éducation, vous faites du mal en croyant même faire du bien. : « une conscience sourde et comme empaquetée dans ses propres convictions, basée sur une fausse conscience, vous donne le sentiment de faire quelque chose de « juste », vous rendant donc incapables d’entreprendre des parcours intérieurs pour changer » (75). « Dans certains contextes le destin des enfants est d’être des acteurs d’un scénario déjà écrit » (77). Donc, accompagner le coupable à prendre conscience des racines du mal commis et à les rejeter pour donner un nouveau sens à sa vie et ses actions est ce que la justice peut faire de plus important et d’utile dans une société fondée sur le droit et la dignité de la personne : « je ne cherche pas une réduction de peine – affirme un des détenus interrogés -, je demande juste d’être écouté et accompagné » (82). Parce que – commentent les auteurs – « même derrières les barreaux une lueur peut s’allumer et permettre de voir au-delà et d’être vus » (78). A la question « existe-t-il une voie par laquelle la conscience murit et arrive à la vérité de soi et des autres ? » (84), une vraie démocratie doit pouvoir répondre oui, et s’efforcer de montrer cette voie. Sur le plan humain – observent les intervieweurs – il arrive assez souvent que « la solitude et les liens coupés incitent le détenu à chercher en lui cet espace de liberté dans lequel devenir créatif », tandis que le regard de la foi reconnaît que « la grâce de Dieu a la capacité de creuser des fleuves souterrains même dans les vies perdues, d’ouvrir des parcours dans les sols les plus accidentés, de fleurir dans le désert » (86). Ainsi, «  la peinture, l’artisanat et le théâtre, surtout en prison, ouvrent l’esprit au beau, et le chemin de la beauté est un des parcours possibles à suivre, probablement le plus attirant et le plus fascinant, pour trouver en prison aussi la sérénité et s’approcher un peu de Dieu « (89). Un des détenus affirme : « grâce à la peinture, j’exprime des souvenirs et des désirs. Je rêve d’une vie meilleure et ici en prison rêver est une grande ressource » (90). Un autre dit : « Pourquoi continuer à vivre s’il n’y a pas d’espérance de salut ? » (94). Un autre encore relève: « Nous aussi nous restons des humains et avons la possibilité de changer. Je suis condamné à la prison à vie et je n’ai aucune perspective de réinsertion, donc aucune raison d’espérer un autre avenir. Mais alors pourquoi me garder en vie ? N’est-ce pas une condamnation à mort ?  … La peine à vie sans possibilité de révision m’a déjà tué » (97). Le défi est de penser à des formes de peine qui puissent ouvrir à une réelle réinsertion, construite à partir de la reconnaissance de la dignité de toute personne humaine, même coupable d’atroces délits: «  La dignité nous précède … ne vient pas de ce que l’on agit en bien ou en mal. C’est pourquoi personne n’a le droit de l’ôter, voire au pire criminel impénitent » (103). Le 17 janvier 2017, le pape François a dit : « une conversion culturelle me paraît urgente. Une conversion où l’on ne se résigne pas à penser que la peine puisse écrire le mot fin sur la vie; où l’on repousse la voie sans issue d’une justice punitive et ne se contente pas d’une justice uniquement rémunératrice ; où l’on s’ouvre à une justice réconciliatrice et à des perspectives concrètes de réinsertion; où l’emprisonnement à perpétuité n’est pas une solution aux problèmes, mais un problème à résoudre » (106). Parce que, concluent les auteurs de ce livre – témoignage, crédible et passionnant –  «  un homme peut changer, peut être différent, même s’il a laissé derrière lui une longue trace de sang » (130). Comme affirme l’apôtre Paul, il faut « vaincre le mal par le bien » (Rom 12,21), avec la certitude qu’aucun mal ne pourra l’emporter sur un autre mal.
Le livre sera présenté le 8 juin à 16h00 à l’Auditorium du Rectorat de l’université G. d’Annunzio à Chieti, par Giovanni Legnini, Vice-président du Conseil supérieur de la Magistrature, Federico Cafiero de Raho, Procureur italien Antimafia, le Grand Recteur de l’université Sergio Caputi et l’archevêque de Chieti-Vasto Mgr Bruno Forte. Les auteurs seront présents à l’événement.
Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Du harcèlement à un examen de conscience pour tous, par Mgr Forte https://fr.zenit.org/2018/05/14/du-harcelement-a-un-examen-de-conscience-pour-tous-par-mgr-forte/ Mon, 14 May 2018 12:08:47 +0000 https://fr.zenit.org/?p=94949 "Qui se tait devant le mal est aussi coupable que celui qui l’accomplit"

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« Du harcèlement à un examen de conscience pour tous » : sous ce titre, le quotidien italien « Il Sole 24 Ore » du dimanche 13 mai 2018, a publié une réflexion de Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto, que nous publions en français avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Dans ce texte, il souligne que celui « qui se tait devant le mal est aussi coupable que celui qui l’accomplit… Le spectateur passif, qui participe à l’événement sans y prendre part par inertie ou par peur, finit par être coresponsable de la fragilité collective face au mal qui est fait ».
« La sonnette d’alarme nous concerne tous et devient une interrogation inquiétante et un cuisant stimulant à un examen de conscience tant sur les ressources éthiques et spirituelles, personnelles et collectives, que sur la fragilité de chacun par rapport à son propre engagement, au sens ultime de la vie et à la responsabilité envers le bien commun », conclut Mgr Forte.
Voici notre traduction intégrale de la réflexion du théologien italien.
Du harcèlement à un examen de conscience pour tous
La chronique récente nous a habitués au retour d’un mot que nous ne voudrions jamais devoir utiliser : le harcèlement. Ce terme désigne les comportements verbaux, physiques et psychologiques de vexation, réitérés dans le temps, qu’un individu, ou un groupe d’individus, met en œuvre aux dépens de personnes plus faibles : le harcèlement est signe et produit d’une triple forme de fragilité : la première est celle de la victime et renvoie à des caractéristiques personnelles, sociales ou culturelles, pour lesquelles l’auteur de l’acte de domination se sent plus fort que sa cible, libre d’agir pour son plaisir et son intérêt aux dépens des autres. De l’offense à la menace, de l’exclusion du groupe à la calomnie, de la présentation négative et caricaturale de la victime à l’appropriation indue d’objets qui lui appartiennent, jusqu’à la violence physique et la contrainte exercée sur l’autre pour qu’il accomplisse des actes qui vont contre sa volonté, les expressions du harcèlement sont nombreuses et variées. Tous ces comportements supposent chez le coupable la conviction que la victime n’est pas capable de se défendre ou de réagir d’une manière qui corresponde au mal qu’il lui fait. A la base des actes de harcèlement il y a donc la perception d’une asymétrie de la relation, qui crée chez celui qui le commet une fausse perception d’impunité, de présomption de force et de despotisme, dans le choix des moments et des moyens pour agir avec domination sur celui qui est ou semble plus faible. Naturellement la fragilité de la victime peut être totalement inconsciente au départ, liée à des facteurs psychologiques ou d’éducation ou à une moindre vigueur physique et une plus lente capacité de réaction. Toute cela porte souvent la victime de harcèlement à avoir honte de ce qu’elle subit et par conséquent à ne pas en parler, spécialement avec ceux qui pourraient intervenir pour le protéger, comme les parents, les professeurs ou les éducateurs. Mais l’intériorisation de la violence subie est le facteur qui, à la longue, peut produire le maximum de dégâts chez la victime, car elle affaiblit son amour-propre et peut la pousser, au fil du temps, à des réactions incontrôlées, nuisibles à lui-même et aux autres. Aux formes de domination, s’ajoutent ensuite ce que l’on appelle aujourd’hui le « cyber-harcèlement » ou « harcèlement électronique », qui consiste à envoyer des messages agressifs à la victime à travers sms, photos ou films d’actions montrant des moments où elle ne désire pas être reprise. Ces messages sont envoyés à d’autres et mis sur réseau pour nuire à sa réputation, la menacer ou lui créer isolement et embarras.
Tout cet ensemble d’actions et réactions révèle l’autre dimension de fragilité qui entre en jeu dans le harcèlement : celle du coupable. Qui met en œuvre des actes de harcèlement est souvent une personne psychologiquement immature, qui cherche l’autosatisfaction et une affirmation de soi dans des comportements qui dépassent les bornes, où le degré de violence s’élève, inversement, selon les ressources morales et spirituelles du protagoniste. Définir le harcèlement un acte de lâcheté est vrai seulement en partie : souvent, les motivations de tel comportement sont l’insécurité, la peur, le sentiment d’être en inadéquation face aux défis de la vie, outre l’incapacité à percevoir une bonne et honnête action comme l’expression d’une force intérieure, positive pour soi et pour les autres, infiniment plus riche que la violence exprimée dans l’acte de domination sur le plus faible. La fragilité de ceux qui commettent un acte de harcèlement doit être considérée avec attention, car elle manifeste souvent de véritables pathologies, surtout psychologiques, en particulier dans le domaine de l’affectif et des émotions, qui doivent être soignées plus que punies, et qui demandent en tout cas un processus de rééducation attentif. L’aide plus grande que l’on peut offrir à ceux qui se comportent en harceleurs est de leur faire prendre conscience de leurs propres faiblesses, en les aidant à percevoir la gravité de leurs actes, et l’urgence de trouver des voies pour les surmonter et progresser. Ce n’est qu’en portant l’auteur de harcèlements à une prise de conscience adéquate de sa propre fragilité que l’on pourra l’aider à s’en sortir. Cette aide exige une interaction entre acteurs et agences d’éducation et doit impliquer la famille, l’école, le monde des associations et tout le contexte social.
C’est là qu’il faut considérer une troisième, décisive fragilité : celle du contexte dans lequel ont lieu les comportements de harcèlement. Il n’est pas rare que les agences d’éducation se montrent impuissantes face aux phénomènes de harcèlement : ceux qui auraient autorité et la responsabilité pour intervenir, souvent ne le font pas, préférant sous-évaluer la gravité du phénomène par crainte ou pour un prétendu malentendu de tolérance vis-à-vis du coupable. Ainsi, les parents qui préfèrent prendre le parti de ceux qui se salissent d’actes de harcèlement par simple parti pris en faveur des enfants ou des professeurs qui ne veulent pas avoir ou créer de problèmes à quiconque, ou des éducateurs incapables d’intervenir avec l’autorité nécessaire, contribuent à déterminer la fragilité de l’environnement social dans lequel le harcèlement peut émerger et prospérer. Cette troisième forme de fragilité est peut-être la plus dangereuse, parce qu’elle crée davantage d’obstacles pour surmonter le phénomène et soigner de manière opportune. Il n’est pas rare que l’harceleur perçoive l’attitude de déresponsabilisation et de résignation chez ceux qui devraient et pourraient l’éduquer comme un élément en sa faveur, se sentant avantagé voire stimulé à justifier son « délire de toute puissance ». Ainsi, de la part de la victime, la perception de l’impunité du couple due à un climat de résignation et de désengagement peut aggraver énormément son propre sentiment de fragilité et d’échec face aux difficultés des relations et en général de la vie. Qui se tait devant le mal est aussi coupable que celui qui l’accomplit : l’harceleur tyrannique interprète le silence des autres comme une complicité implicite et s’en nourrit pour agir avec violence. Le spectateur passif, qui participe à l’événement sans y prendre part par inertie ou par peur, finit par être coresponsable de la fragilité collective face au mal qui est fait. L’incapacité de la foule à réagir aux actes de violence en public dénonce un déclin de la sensibilité émotive et de la capacité réactive, qui finit par favoriser ou du moins permettre le harcèlement. Personne, en somme, ne peut se soustraire au devoir de veiller sur cette fragilité collective et d’agir tant au niveau de la prévention et de l’éducation, qu’au moment possible de danger, pour que la loi de la force n’ait pas à prévaloir sur le devoir du respect de al dignité de toute personne. La sonnette d’alarme nous concerne tous et devient une interrogation inquiétante et cuisant stimulant à un examen de conscience tant sur les ressources éthiques et spirituelles, personnelles et collectives, que sur la fragilité de chacun par rapport à son propre engagement, au sens ultime de la vie et à la responsabilité envers le bien commun.
Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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"L'architecture porte avec elle l'idée du sacré" https://fr.zenit.org/2018/04/24/larchitecture-porte-avec-elle-lidee-du-sacre/ Tue, 24 Apr 2018 08:25:52 +0000 https://fr.zenit.org/?p=93855 La « tente » de Botta vers Dieu

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« La « tente » de Botta vers Dieu » sous ce titre, le quotidien italien « Il Sole 24 Ore » du dimanche 22 avril 2018, a publié une réflexion de Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto, que nous publions en français avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Mgr Forte médite sur l’œuvre de l’architecte suisse Mario Botta, soulignant que « le projet et la construction d’un édifice est toujours vouloir créer un pont entre la terre et le ciel, en imitant pratiquement dans le fragment le geste archétype créateur du tout ».
Voici notre traduction intégrale de la réflexion du théologien italien.
Texte de Mgr Forte
« L ‘architecture porte avec elle l’idée du sacré ». Ces paroles de Mario Botta font déjà comprendre que le projet et la construction d’un édifice est toujours vouloir créer un pont entre la terre et le ciel, en imitant pratiquement dans le fragment le geste archétype créateur du tout. D’autant plus quand on décide de faire une coupure (« temple » vient du grec « témno », couper), visant à séparer un espace pour Dieu pour le rendre habitable par notre soif de Lui et par le don de son Espérance. C’est cette conscience qui anime Botta, réalisateur d’extraordinaires lieux du sacré : et c’est pour cela que ses architectures sacrées résultent connaturelles avec le Très-Haut et veulent donner une expression à cette profonde nostalgie de l’âme. Si le « désir » est tirer des étoiles (« de sideribus ») le chemin, en tirant presque le ciel sur la terre pour l’ouvrir à l’horizon ultime pour lequel elle fut créée, dessiner et réaliser l’espace du sacré veut dire contribuer à allumer chez les habitants du temps la soif de l’Eternel, en leur offrant la demeure où ils peuvent conjuguer l’humilité et le courage de se mesurer avec le Très Haut dans la lutte de l’amour plus grand, comme fut celui de Jacob au gué du Jabbok (Gen 32). C’est pourquoi – come affirme Botta – « dans une société fragile, des lieux comme celui-ci ont une charge symbolique beaucoup plus forte que leur action technique et fonctionnelle … Ceux-ci peuvent devenir de nouveaux points cardinaux pour réorganiser une partie du tissu qu’ils ont autour ». C’est ce qui s’est passé avec la construction de la nouvelle église de San Rocco à Sambuceto (San Giovanni Teatino, Chieti) : celle-ci se présente à l’extérieur comme une masse compacte, avec la forme d’une tente élancée vers le ciel, blessée en haut par une large ouverture en croix, d’où pleut la lumière dans l’espace intérieur. De cette façon Botta a su exprimer l’âme religieuse des citoyens des Abruzzes, façonnés par des siècles de foi chrétienne, bien plantée au sol et ensemble tendus dans une humble et ferme tension vers le haut, passant à travers la Croix du Bien-Aimé. Le résultat de cette intuition est une architecture qui s’offre à la vue comme un appel à lever les yeux, rappel de cette « nostalgie du Totalement Autre » qui – selon Max Horkheimer et Theodor W. Adorno – influence au plus profond l’âme de notre Occident, blessé par les immenses tragédies du « siècle bref » (Eric Hobsbawm) achevé depuis peu. La même poignante nostalgie, par ailleurs, qui a dû animer le noble Rocco, le saint auquel l’église de Sambuceto est consacrée, un homme riche qui a voulu se faire pauvre et pèlerin par amour des pauvres.
L’intérieur de cette singulière « écriture de l’espace » qu’est l’église de Sambuceto n’est pas moins chargé de symbolismes :  correspondant à la forme élancée de la tente, celui-ci se présente comme un ventre accueillant. En hébreu le terme pour indiquer la miséricorde est « rachamim », expression qui désigne proprement les « viscères » maternels, le ventre où a lieu le début de toute vie. Au plan des relations qui nous font humains l’image évoque le sentiment intime de coappartenance qui lie l’être conçu à la mère, le lien originel entre celui qui donne la vie et celui qui la reçoit, sentiment de profonde tendresse (« Comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint » : Ps 103,13). La miséricorde évoque l’amour viscéral, non conditionné par la réciprocité, activé uniquement par la volonté du bien pour l’autre : l’idée est celle d’un écrin primordial qui accueille, nourrit et protège, et d’une obscurité invitante où la créature conçue vit en symbiose avec la mère et reçoit d’elle nourriture, impulsion et soins. Dans l’église de Sambuceto Mario Botta a rendu de manière originale ce message, situant l’assemblée liturgique dans une forme spatiale à la fois aérée et enveloppante, sein de vie qui vient d’en haut et imprègne le peuple célébrant. Enfin, l’espace sacré dans l’œuvre de Botta, en terre des Abruzzes, culmine dans la triple abside, l’abside centrale la plus grande, de plus petites tailles, identiques et correspondant entre elles les deux absides latérales : la symbolique trinitaire est évidente. Au centre, le Père, source et début de la vie divine, de chaque côté « les mains du Père » (Saint Irénée de Lyon), le Fils et l’Esprit Saint, représentés par les deux cavités mineures à droite et à gauche de la cavité majeure. Le sens est haut et profond : la Trinité divine, mystère de l’Aimant, de l’Aimé et de l’Amour dans l’unité essentielle du Dieu qui est Amour, est le point de destination de tout parce qu’elle est à l’origine et écrin de tout. C’est dans l’espace absidale que se situe l’autel, le lieu sacré où s’accomplit le sacrifie du Bien Aimé et les relations des personnes divines s’introduisent pour embrasser l’humanité pèlerine dans le temps. Un message de vie et d’espérance, que la forme spatiale de l’église de San Rocco rend bien, éduquant ainsi à se reconnaître aimé, protégé et destiné à la beauté qui n’aura pas de fin. Dans son architecture, splendide « écriture de la lumière », Mario Botta sait nous dire tout cela, peut-être au-delà de sa propre conscience, comme chaque artiste, dont l’œuvre est d’autant plus belle et grande qu’elle transcende celui qui l’a pensée et réalisée.
Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Ce que Pâques nous dit sur l’amour, par Mgr Bruno Forte https://fr.zenit.org/2018/03/26/ce-que-la-paques-nous-dit-sur-lamour-par-mgr-bruno-forte/ Mon, 26 Mar 2018 11:56:43 +0000 https://fr.zenit.org/?p=92362 L'amour, un exode de soi sans retour, un don de soi, inséparable de l’accueil de l’autre

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«Ce que la Pâque nous dit sur l’amour» : sous ce titre, le quotidien italien « Il Sole 24 Ore » du dimanche 25 mars 2018, a publié une réflexion de Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto, que nous publions en français avec l’aimable autorisation de l’auteur. Voici notre traduction intégrale de la réflexion du théologien italien.
A l’école de la croix et de la résurrection de Jésus Le don se fait accueil
Ce que la Pâque nous dit sur l’amour
Dans l’évangile selon Jean la section appelée « le Discours d’adieu » (13,1-17,26) se trouve entre « le livre des signes » (1,19-12,50), où Jésus se manifeste au monde en paroles et événements d’une grande valeur symbolique, et « le livre de la Gloire » (18,1-20,31), où sont relatés les jours de sa passion, mort et résurrection. Le « Discours d’adieu » s’ouvre par un verset qui renferme le sens profond de ce que sera son cheminement pascal : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout (Jn 13,1). En grec l’expression originale « jusqu’au bout » est « eis télos », qui pourrait se traduire « jusqu’au degré suprême », « jusqu’au dernier accomplissement » de l’amour. C’est comme si l’évangéliste annonçait que ce qu’il s’apprête à raconter est le récit qui révélera au monde, de la plus haute des façons, ce qu’est l’amour. L’histoire pascale du Fils venu parmi nous se présente donc comme une grande école pour apprendre à aimer, et justement comme un récit qui nous concerne tous, parce que c’est « l’amour qui fait exister » (Maurice Blondel). Eugenio Montale a su exprimer cette portée universelle de l’amour dans les versets poignants en souvenir de son Epouse morte : « J’ai descendu, en te donnant le bras, / plus d’un million d’escaliers / et maintenant que tu n’es plus là c’est le vide à chaque marche. / Même ainsi notre long voyage a été court. / Le mien dure encore, et je n’ai plus besoin / des correspondances, des réservations, / des embûches, des déboires de qui croit / que la réalité est celle qu’on voit / J’ai descendu, en te donnant le bras / et non parce que quatre yeux y voient sans doute mieux. / C’est avec toi que je les ai descendus, sachant que, de nous deux / les seules vraies pupilles, malgré leur épais voile, c’étaient les tiennes ».
Ce que la Pâque de Jésus nous dit sur l’amour c’est qu’il est un exode de soi sans retour, un don de soi, inséparable de l’accueil de l’autre : « Que tous soient un comme toi Père tu es en moi et moi en toi » (Jn 17,21). Dans la vie de l’amour on donne donc une provenance, une venue et un avenir : la provenance c’est la gratuité, sortir de soi dans la générosité du don, vécu pour la seule joie d’aimer ; la venue c’est l’accueil de la provenance de l’autre, la gratitude de se laisser aimer ; l’avenir c’est la conversion de part et d’autre, le don qui se fait accueil et l’accueil qui devient don, c’est être libre de soi pour être un avec l’autre et c’est être en communion pour vivre une nouvelle liberté ensemble envers les autres. Seuls ceux qui parcourent la voie exigeante de la gratuité, de la gratitude et de la communion libre et libératrice, grandit au plus profond de son humanité et s’ouvre au sens ultime de l’existence. Sous cet angle on comprend bien pourquoi « au soir de la vie nous serons jugés sur l’amour » (S. Jean de la Croix) : gérer sa vie dans la solitude d’un esprit repu de soi signifie ne pas vivre. Qui pense ne pas avoir besoin des autres, restera dans le gel d’une existence sans amour : qui s’ouvre aux autres et sait se faire mendiant et source d’amour, fait grandir en lui la vie et autour de lui la communion pour tous. Comme nous enseigne le Fils en se laissant totalement aimer et « livrer » par le Père, recevoir relève lui aussi du divin : la gratitude humble et accueillante est essentielle à l’amour !
Ce rapport entre donner et accueillir doit, enfin, rester toujours ouvert, si l’on veut que la relation entre les deux ou les rapports avec les autres construisent la vérité des personnes : là où l’on s’enferme dans la sécurité de quelques uns, là où l’amour ne libère pas d’énergies cachées et ne suscite pas toujours de nouveaux exodes et événements d’amour, là l’amour étouffe et meurt. Cela dit déjà combien il peut être très fatiguant d’aimer : certes, si l’on regarde le monde des rapports humains, l’évidence de l’échec de l’amour pourrait même paraître inquiétant. Fait pour aimer, on dirait que l’homme tant de fois n’est pas capable d’aimer ! Possessivité, ingratitude et captivité montrent le triste visage du non amour. La possession paralyse l’amour, parce qu’elle empêche le don : elle refuse l’exode de soi sans retour, et reste donc esclave de la mort. L’ingratitude est l’opposé de l’accueil : là où il n’y en a pas, le don est perdu. La captivité, enfin, est l’opposé de la communion libératrice : en elle l’avenir est absent, parce que le présent de celui qui aime est fermé et devient possession au pluriel, jalousie réciproque, peur de perdre l’instant atteint. Possessivité, ingratitude et captivité sont une maladie dans l’histoire de l’amour, car elles vident justement ce qui fait le miracle de l’amour, l’unité de vie et de mort en faveur de la vie. La question radicale devient alors : qui nous rendra capables d’aimer ? Khalil Gibran, l’auteur de « Le prophète », a trouvé la réponse : « Quand vous aimez, vous ne devriez pas dire » Dieu est dans mon cœur », mais plutôt « Je suis dans le cœur de Dieu ». On devient capable d’aimer quand on se découvre aimé les premiers, enveloppé et conduit par un amour plus grand pour un futur que seul l’amour pourra construire en nous et entre nous. Pour la foi des chrétiens faire cette découverte est croire et confesser – dans la vérité des gestes de l’amour reçu et donné – le Dieu qui est Amour. A l’école de la croix et résurrection de Jésus la foi scrute, dans les profondeurs du mystère, l’éternelle source de vie de l’Amour dans la figure du Père, le pur accueil dans celui du Fils, l’éternelle unité de l’Amour dans l’Esprit, qui unit l’Un et l’Autre dans les liens de l’Amour éternel et les ouvre en même temps au don de soi, au généreux exode de la création et du salut. Augustin écrit: « En vérité, vous voyez la Trinité, si vous voyez l’amour » (De Trinitate, 8, 8, 12). « Ils sont trois : l’Amant, l’Aimé et l’Amour » (ib., 8, 10, 14). L’annonce de Pâques n’est rien d’autre que cette bonne nouvelle : là où l’existence s’ouvre à l’avènement divin offert dans le Fils, la gratuité devient possible grâce à la charité du Père, la gratitude fleurit dans la foi et la communion qui libère et unit se réalise en marchant dans l’espérance, empreinte de l’esprit qui serre dans ses bras les temps dans l’éternité de l’amour et les ouvre pour toujours à la nouveauté de Dieu. Alors peut se réaliser le commandement « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Atteint pas l’amour éternel, l’homme peut bâtir des histoires d’amour qui sont une anticipation de l’éternité. Ainsi la foi des chrétiens ne cesse pas d’éclairer et réconforter cette fatigue à aimer en racontant  les jours où, dans la croix et la résurrection du Fils, le ciel et la terre se sont rencontrés, pour que l’exode et l’avènement puissent toujours se rencontrer sur de nouveaux sentiers d’amour, dans le temps et pour l’éternité. C’est là que se trouve le message de Pâques, auquel nous conduit la semaine qui commence : combien seront prêts à l’accueillir et à en faire une raison de vie et d’espérance pour tous ?
Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Le pape "total" a su surprendre tous ses frères https://fr.zenit.org/2014/03/13/le-pape-total-a-su-surprendre-tous-ses-freres/ https://fr.zenit.org/2014/03/13/le-pape-total-a-su-surprendre-tous-ses-freres/#respond Thu, 13 Mar 2014 00:00:00 +0000 https://fr.zenit.org/le-pape-total-a-su-surprendre-tous-ses-freres/ La première année du pape François

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« Le pape « total » a su surprendre tous ses frères » : c’est le résumé de la première année du pape François, dans l’éditorial de « Il Sole 24 Ore », du dimanche 9 mars, par Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto :

« Une année avec le pape François : que nous a-t-il dit et que nous dit-il ? Le lendemain de son élection comme évêque de Rome, j’écrivais sur ces pages : « L’Église n’a pas fini de surprendre… en une journée à peine, voici le nouveau pape. Un signe fort d’unité, un message lancé au village global » (14 mars 2013). Et j’ajoutais : « L’attente du monde entier… les images, plus éloquentes que n’importe quelle parole, de la foule sur la Place Saint-Pierre et du nouveau pape se présentant avec simplicité et étonnement à la fenêtre donnant sur Rome et sur le monde, font comprendre combien ce qui s’est passé a une signification qui va au-delà de la communauté catholique et du peuple des croyants ».

Comme je l’ai fait alors, à une année de distance, je vais essayer de regarder l’actuel successeur de Pierre à partir de différents points de vue, et le premier ne peut qu’être celui de la foi : le pape François, Jorge Mario Bergoglio, s’est manifesté tel qu’il est, un homme dont la foi profonde s’exprime dans un style de vie simple, austère, proche des pauvres, capable de rayonner et de susciter l’amour. Ce pape, qui se présente avec un « bonsoir » désarmant, et qui demande au peuple de prier sur lui avant de donner la bénédiction « urbi et orbi », a su et voulu être avant tout l’évêque de l’Église de Rome qui annonce et nourrit la foi, en portant sur lui « l’odeur des brebis ».

Ses rencontres avec les prêtres et les habitants de la Ville éternelle, ses visites dans les paroisses, les groupes de fidèles des diverses communautés romaines qui vont à tour de rôle participer à l’eucharistie qu’il célèbre à Sainte-Marthe, donnent à son pontificat une extraordinaire épaisseur pastorale et font redécouvrir au monde ce qu’est avant tout le pape : l’évêque de l’Église de Rome qui, par dessein divin, préside dans la charité à toutes les Églises. Loin de diminuer son autorité, ce caractère fortement pastoral rend le ministère du successeur de Pierre plus incisif et attirant, y compris pour les autres confessions chrétiennes, et en général plus proche du cœur des femmes et des hommes de tous les coins de la terre.

Le pape François a tout autant su valoriser son identité de premier pape venu d’Amérique latine, le continent qui a le nombre le plus élevé de catholiques, mais aussi qui connaît des situations de pauvreté et d’inégalité dramatiques. Si, comme il l’a dit le soir de son élection, « les cardinaux sont allés chercher l’évêque de Rome au bout du monde », ce « bout du monde » n’a jamais été oublié par lui : le pape François s’est fait continuellement la voix de tous les pauvres de la terre, attirant l’attention sur toutes les situations qui attendent la justice et un chemin de libération. Il est perçu comme un père et un frère, un serviteur des humbles, un ami des petits, auxquels il exprime sa tendresse et un profond respect.

C’est un pape qui sait parler d’un Dieu qui est amour pour toutes les réalités marquées par la pauvreté et la souffrance, quelles qu’elles soient. C’est un évangélisateur infatigable de la miséricorde divine, en particulier à l’égard de ceux qui peuvent se sentir jugés ou exclus de ce regard d’infini amour. Son sourire et la simplicité de ses gestes réussissent à rappeler ou à faire découvrir à tous avec émerveillement que Dieu rejoint tous les cœurs et parle toutes les langues, et qu’il est proche de toute douleur, parce qu’il parle la langue de l’amour ! Ce pape annonce ainsi l’immense valeur et la dignité de la personne humaine sans avoir besoin de recourir à des expressions difficiles à comprendre (comme celle de valeurs « non négociables », qu’il n’aime pas parce qu’en réalité seules les valeurs du marché sont négociables !) ; il élève un hymne à la vie à travers l’éloquence de ses gestes et la proximité affectueuse dont il témoigne en tissant avec détermination et humilité, comme le Poverello dont il porte le nom, « des pactes de paix » entre les hommes.

La relation d’amitié entre le pape François et le peuple juif est aussi émouvante : dans la suite de tout ce qu’il avait déjà fait à Buenos Aires, il a montré combien les relations avec les enfants d’Israël étaient une priorité dans son cœur, une manière visible d’aimer Jésus de Nazareth, juif à jamais, dans le peuple élu et dans la mission que celui-ci, selon l’apôtre Paul, conserve jusqu’à la fin des temps.

Les chrétiens non catholiques aussi montrent qu’ils regardent le pape François avec une sympathie et un intérêt particuliers, parce qu’il se présente à eux comme un frère, l’évêque de l’Église qui préside dans l’amour, décidé à évangéliser avec un nouvel élan d’abord Rome, et à offrir précisément ainsi un service de témoignage et de charité à toutes les Églises. C’est ce que, depuis des années, le dialogue œcuménique et l’ecclésiologie de Vatican II demandaient, en pensant à un ministère universel d’unité pour tous les chrétiens. Et la prochaine rencontre à Jérusalem avec le patriarche de Constantinople, Bartholomaios (déjà présent à la célébration d’inauguration du pontificat), en sera certainement la confirmation. De leur côté, les héritiers de la Réforme le considèrent avec une communion particulière, pour ce souffle d’Évangile que l’on perçoit en tout ce qu’il fait et dit, et qui peut être la véritable source de l’unité entre tous les disciples du Christ.

Quant aux croyants des autres religions, le pape François leur propose la voie de la confiance mutuelle et de la fraternité universelle devant le Dieu unique. Sa franchise, son sens profond du divin ont déjà touché beaucoup de cœurs et ouvrent certainement la route à des rencontres jusqu’ici inédites. Ceux qui ne croient pas semblent eux aussi attirés par la façon d’être de ce témoin de Jésus, ami des hommes, qui ne veut justifier personne, qui respecte chacun et par qui chacun peut se sentir accueilli et aimé. Cette richesse de relations en mouvement aura une incidence sur l’Église elle-même, appelée à vivre un nouveau printemps de réformes et de renouveau au nom de l’Évangile.

Les peurs et les résistances, les incompréhensions et les retards ne manqueront pas. Le pape François ne semble pas s’en effrayer. Avec conviction et confiance, il montre qu’il pressent que l’Église et le monde ont besoin de ce nouveau courant, aussi ancien que la miséricorde divine, extrêmement nouveau comme la soif d’amour avec laquelle tous les êtres humains se réveillent tous les jours ! C’est pourquoi, croyants et non-croyants ensemble, les premiers en répondant à son invitation continuelle à prier pour lui, les seconds avec cette sympathie qu’il inspire à tous, nous pouvons lui dire du fond du cœur : Bon anniversaire, pape François ! »

Traduction d’Hélène Ginabat

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Immigration : les trois raisons du cri de "honte" du pape https://fr.zenit.org/2013/10/22/immigration-les-trois-raisons-du-cri-de-honte-du-pape/ https://fr.zenit.org/2013/10/22/immigration-les-trois-raisons-du-cri-de-honte-du-pape/#respond Tue, 22 Oct 2013 00:00:00 +0000 https://fr.zenit.org/immigration-les-trois-raisons-du-cri-de-honte-du-pape/ Editorial de Mgr Bruno Forte

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Ci-dessous la traduction française de l’éditorial de Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto, publié sur l’édition du dimanche 20 octobre du quotidien Il Sole 24 Ore (pp. 1 e 17).

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Il y a un mot, sorti de la bouche et du cœur du pape François de manière particulièrement forte, sur lequel il me paraît important de revenir : celui qu’il prononça, visiblement touché,  en apprenant la nouvelle de la tragédie dans les eaux de Lampedusa, où le naufrage d’un de ces bateaux de fortune, utilisé pour traverser la Méditerranée, provoqua la mort de centaines de réfugiés en quête d’un avenir digne de la personne humaine. Ce mot, non compris par tous, voire mal interprété ou rejeté, fut le mot : « honte ! », un mot fort qui mérite d’être approfondi pour le message fort qu’il dégage. Comme on a honte de quelque chose que l’on a fait ou de quelque chose que l’on devrait faire mais que l’on n’a pas encore fait, et que c’est toujours et nécessairement par rapport à quelqu’un (comme le fait comprendre l’étymologie du mot ‘vergogna », qui dérive du latin « verecundia », de « vereri », « avoir du respect ») que l’on a honte, il me semble pouvoir saisir dans l’expression du pape au moins trois niveaux de sens, capables d’aider tout le monde à réfléchir au défi de l’immigration et à la nécessité de le relever à partir de la dignité des immigrés.

Au sens premier du terme, il renvoie au sentiment de faute que tous – sans exclusion – nous devrions éprouver devant de telles tragédies. La motivation de cette prise de conscience est vite dite: si nous sommes tous frères en humanité, la mort de centaines d’innocents fuyant les violences de la guerre et les besoins de la pauvreté nous concerne tous. Fermer les yeux devant les situations dramatiques, qui sont à l’origine des flux migratoires, non seulement nous déresponsabilise, mais aggrave notre part de responsabilité. Le système de forte disparité qui gouverne l’ordre économique mondial, le simple fait que le manque de biens de certains jouent en faveur de leur exploitation, et donc en faveur de l’avidité et du bien-être d’autres, est une faute dont nous devons prendre conscience sans alibi et sans défenses préjudicielles.

Le nord du monde doit avoir honte de la misère de tant de parties du sud du monde et si l’on n’entreprend pas une courageuse action internationale qui intervienne sur l’ordre économique du monde – d’autres tragédies comme celles-ci ne pourront être évitées. Se sentir membre de la famille humaine veut aussi dire donner de la force à ces voix qui réclament un tournant dans les politiques économiques de chaque pays et de la communauté des peuples. Il est temps que l’Organisation des Nations Unies se donne des règles et des moyens qui lui permettent d’agir efficacement dans ce domaine, qu’elle exerce même un pouvoir décisionnel sur chaque pays et sur les relations qui les unissent. Il est temps que les Grands de la terre assument des décisions qui soient finalement en faveur des plus démunis, en sacrifiant quelque égoïsme national.

Si, dans son premier sens, le terme utilisé par le pape François est une accusation portée aux responsabilités qui concernent tout le monde, dans son deuxième sens ce mot constitue un appel et un encouragement à agir de manière éclairée et responsable. Qui éprouve de la honte pour une faute dont il a conscience, doit s’engager positivement et activement au service de l’enjeu. Chacun doit jouer sa part, à tous les niveaux: dans ce cas particulier de Lampedusa, l’Europe ne peut considérer ce lieu comme une sorte de petit fort oublié face au « désert des tartares ». Si elle le faisait, elle pourrait se retrouver dans l’amère condition du personnage central du magnifique roman de Dino Buzzati, défié à l’action quand il est désormais trop tard pour lui. Une politique de renvoi et d’alibi, agir comme des autruches qui ferment les yeux et plongent la tête dans le sable des hypocrisies les plus variées, n’est pas digne de la grande maison de l’Europe et des valeurs de civilisation et d’humanité dont celle-ci a été porteuse dans l’histoire, à commencer par celle de la dignité de chaque personne humaine.

Naturellement, le juste renvoi aux responsabilités européennes ne dispense pas notre pays de jouer sa part: déclarations ou gestes rhétoriques ne suffiront pas. La discipline de l’accueil et le respect de la dignité de celui qui vient chez nous pour fuir les violences et la faim doivent être conjugués ensemble. Un accueil sans règles est tout aussi erroné qu’une attitude de rejet incivil ou de simple défense, qui fait du clandestin un criminel. Et finalement, c’est à chaque organisme intermédiaire impliqué qu’il revient de donner le meilleur de soi, en éduquant avant tout les citoyens à une culture capable de voir en l’autre un frère en humanité, qui ressemble à tant de nos ancêtres immigrés ayant fait le tour du monde, à qui fut donnée la possibilité de se construire une nouvelle vie, non sans sacrifices. Tant de signes positifs allant dans cette direction, me semble-t-il, viennent de l’action de l’Eglise et de ses Caritas, nationales et diocésaines.

Enfin, le cri de François doit être perçu comme une invitation à nous mettre devant un jugement qui nous transcende: on éprouve de la honte devant quelqu’un, et ce quelqu’un, dans la vision du pape, est avant tout la victime des fautes personnelles et collectives, puis chacun de nos enfants et jeunes, auxquels nous donnons un très mauvais exemple de la manière dont la solidarité et l’accueil entre les hommes doivent être vécus, mais c’est aussi et certainement le Dieu de la vie et de l’histoire, le dernière mètre de mesure du jugement sur nos comportements, le Père universel devant qui nous devons nous reconnaître une famille humaine, solidaire et coresponsable par vocation. Pour le croyant, le jugement de Dieu n’est pas seulement un horizon lointain, mais une imminence qui domine et qui rejoint les abimes du cœur. Mais le non croyant aussi, doit écouter la voix de sa conscience, là où sont inscrites les vérités exprimées par les paroles du Décalogue destinées à tout l’homme, à chaque homme.

Appeler la conscience et le jugement de Dieu n’est donc pas une opération partisane, mais un choix qui aide tout un chacun à trouver des raisons qui poussent à s’engager pour autrui, surtout pour les pauvres ou les plus vulnérables, de manière plus radicale et inéluctable. Alors chacun saura entendre les paroles de Celui qui s’est fait exilé et pèlerin par amour de tous: « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mt 25,34-37). Autrement, c’est notre humanité qui risque d’échouer ainsi que la qualité même de l’avenir de tous.

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« La nouvelle mission de l'homme de Dieu Benoît XVI » https://fr.zenit.org/2013/03/06/la-nouvelle-mission-de-l-homme-de-dieu-benoit-xvi/ https://fr.zenit.org/2013/03/06/la-nouvelle-mission-de-l-homme-de-dieu-benoit-xvi/#respond Wed, 06 Mar 2013 00:00:00 +0000 https://fr.zenit.org/la-nouvelle-mission-de-l-homme-de-dieu-benoit-xvi/ Parallèle éclairant avec Jacques Maritain

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Le choix de Benoît XVI de se retirer dans le silence et la prière est comparable à la décision de Jacques Maritain de se retirer de tout engagement public pour vivre jusqu’à sa mort une vie de contemplation, estime Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasco en Italie.  Mais de quel silence s’agit-il et pourquoi ?

Ci-dessous sa réponse dans un éditorial publié le 1er mars dernier sur le quotidien italien « Il Sole 24 Ore », au lendemain du départ de Benoît XVI :

« La nouvelle mission de l’homme de Dieu Benoît XVI »

« L’Eglise catholique a un pape émérite. Depuis le 28 février au soir le Siège de Pierre est vacant et Benoît XVI a commencé sa nouvelle vie d’ouvrier de la vigne du Seigneur dans le silence de la prière et caché au monde.

On a beaucoup écrit sur le sens de sa renonciation. Pour moi, le sens  qui mérite d’être développé est celui de sa nouvelle mission, cette autre mission comme l’ont laissé encore entendre ses paroles lors de sa dernière audience générale : « Je n’abandonne pas la croix mais je reste d’une façon nouvelle près du Seigneur crucifié. Je n’assume plus le pouvoir de la charge du gouvernement de l’Eglise, mais je demeure dans le service de la prière, pour ainsi dire, dans l’enclos de saint-Pierre ».

Pour comprendre la force de ces paroles, je recours à une analogie qui me paraît particulièrement claire: celle entre le choix du pape Benoît et la décision que le grand penseur catholique Jacques Maritain a pris après la mort de son épouse bien-aimée Raïssa, avec qui il avait entrepris son chemin de conversion au Christ et avait vécu une expérience spirituelle mystique sous tant d’aspects.

 Celui-ci avait voulu se retirer de tout engagement public pour vivre jusqu’à sa mort une vie de contemplation auprès des Petits frères de Jésus de Toulouse, poussé par un désir confessé en ces termes: «  J’ai un grand besoin de silence ». De quel silence s’agissait-il ? Jacques Maritain l’explique lui-même par ces mots: « On n’accepte pas la Croix, on la prend, on adore la Croix ».

Le silence du vieux philosophe français n’est pas diffèrent de celui du pape allemand : il s’agit du silence de l’écoute et de l’adoration, rester seul avec le Christ uniquement, non pas pour fuir le monde, mais pour se transfigurer et le transfigurer en Lui sur les chemins mystérieux que seul la Grâce connaît.

L’épouse de Maritain, Raïssa, dont le Journal témoigne d’une vie mystique très pure, laisse entendre quelque chose de ce silence, habité par Dieu et vécu en Dieu, dans une de ses plus belles poésies, Transfiguration: « Quand… j’aurai conquis ma liberté céleste / …et que j’aurai choisi le chemin le plus dur / comme le ciel nocturne illimité et pur … / comme un navire fortuné / qui s’en revient au port sa cargaison intacte / j’aborderai le ciel le cœur transfiguré / portant des offrandes humaines et sans tache ».

A côté de cette recherche de silence, un silence mystique, il y a dans cette nouvelle vie de Benoît  une volonté évidente de service, une intention profonde d’amour de l’Eglise et du monde. Sur cet aspect aussi l’analogie avec Jacques Maritain nous aide à en comprendre les raisons. Voici comment il décrit la tâche des contemplatifs, témoins de l’absolu de Dieu dans ce monde:

« En cette nouvelle heure que nous venons de franchir nous voyons se révéler – tant dans la matière et grâce aux découvertes de la métaphysique, que dans les activités humaines et grâce aux explorations de l’inconscient – un certain primat de l’invisible sur le visible et du non manifesté sur le manifesté. C’est ici qu’apparaît, à mon avis, le rôle prophétique … affirmer dans l’existence la valeur première du témoignage rendu à l’amour de Jésus pour les hommes, non pas par des grands moyens visibles, mais de la façon invisible ou presque invisible de la simple présence d’amour fraternel … De quoi les hommes ont-ils besoin avant tout ? Ils ont besoin d’être aimés ; d’être reconnus ; d’être traités comme des êtres humains ; de sentir que toutes les valeurs que chacun porte en soi sont respectées. C’est pourquoi il ne suffit pas de leur dire ‘je vous aime’. Tout comme il ne suffit pas de leur faire du bien. Il faut exister avec eux, dans le sens le plus profond de cette expression ».

Voilà quelle est la signification de la nouvelle mission de l’homme de Dieu Benoît XVI, pape émérite: partager la condition de beaucoup – d’innombrables – vies cachées aux yeux du monde, mais pas à ceux de Dieu, pour dire à chaque existence humaine combien elle est aimée par le Seigneur et combien elle a du prix à ses yeux. Et ainsi aider précisément la cause de l’homme dans ce monde, la dignité de chaque personne humaine dans l’horizon de l’éternité et en reconnaissant – en même temps que ses fragilités immanquables – sa grandeur immortelle.

Cette cause est aussi celle de Dieu, à l’image duquel l’homme est créé. Elle est celle pour laquelle l’Eglise existe et au service de laquelle elle continue à œuvrer, confiante et sereine, parmi les lames du temps, soutenue par les racines cachées et profondes de tant d’ouvriers humbles et silencieux de la vigne du Seigneur. Parmi eux, le Pontife émérite. »

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