UNESCO : « L’éducation et le rapprochement des cultures », par Mgr Follo

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Préparation de « l’Année internationale du rapprochement des cultures »

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ROME, Vendredi 8 mai 2009 (ZENIT.org) – « L’enseignant doit être une personne consciente de sa dignité humaine au point de pouvoir la faire épanouir dans les jeunes vies qu’il a devant lui, en leur donnant un regard positif sur la réalité et en montrant que la question sur Dieu n’est pas contre la raison, mais, au contraire, son sommet », a fait notamment observer Mgr Follo dans une de ses trois intervention d’avril à l’UNESCO, sur le thème : « L’éducation et le rapprochement des cultures ».

Voici le texte intégral (original en français) de l’intervention de Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, en avril dernier, lors de la 181ème Session du Conseil Exécutif de l’UNESCO. Cet intervention porte sur le « Point 52 » de l’ordre du jour qui est l’ « Elaboration d’un plan d’action pour la préparation de la célébration de l’Année internationale du rapprochement des cultures »

« L’éducation et le rapprochement des cultures »

Paris, le 27 avril 2009

Monsieur le Président,

Cette 181ème Session du Conseil Exécutif de l’UNESCO au point du jour 52 prône un plan d’action pour l’année internationale du rapprochement des cultures 2010. A ce propos le Saint-Siège souhaite proposer un réflexion sur la nature et les finalités d’une éducation à l’interculturalité.

Le Saint Siège se réjouit que l’art. 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont fêtons le 60ème anniversaire cette année, affirme clairement que « toute personne a droit à l’éducation » (alinéa 1°), et que celle-ci vise « au plein épanouissement de la personnalité humaine » (alinéa 2°). Cet article qui sert de base aux travaux de l’UNESCO vient aussi faire écho aux réflexions que je vous offre.

En ce qui concerne sa nature, je voudrais donner les observations suivantes. Il existe actuellement une tendance croissante à orienter l’éducation sur un modèle de raison purement productrice, ce qui en représente une déformation, car une orientation unilatérale de l’éducation vers des critères d’efficacité ne peut qu’avoir des conséquences grave. La crise financière actuelle est riche d’enseignements à cet égard. Seule la personne qui conçoit la relation avec les autres au-delà des critères de productivité et de direction, peut apprécier les choses à leur juste valeur et assumer une plus grande responsabilité vis-à-vis de la réalité. En effet : les relations sociales sont une fin en soi et non un moyen.

Ainsi, il est souhaitable que les jeunes ne grandissent pas dans un environnement segmenté selon l’origine, le niveau d’éducation et les capacités. Reconnaître comme personnes des hommes peut-être totalement différents, c’est-à-dire les accepter dans leur différence et, par cette acceptation mutuelle parvenir à une communauté profonde, rend les hommes vraiment éduqués et mûrs. Des efforts devraient donc être entrepris, partout où c’est possible, pour que des hommes de différentes capacités, sains et malades, jeunes et vieux, natifs et étrangers puissent se rencontrer sur le chemin de leur formation. Ce n’est pas seulement un devoir moral vis-à-vis de ceux qui seraient poussés en marge de la société, mais cela rend service aussi à ceux qui, apparemment ancrés au milieu de la société, menacent de se replier sur eux-mêmes.

Non seulement le principe d’efficacité doit être dépassé en matière d’éducation inclusive, mais cette éducation doit aussi passer par l’autre. En effet, les jeunes n’ont pas seulement besoin d’une formation professionnelle solide, ils ont aussi besoin d’un apprentissage social. De plus, les hommes, pour se connaître, ont besoin de passer par l’autre. C’est pourquoi la recherche de cet autre est au cœur de toute éducation, qui s’effectue aussi comme modelage culturel. En nous ouvrant à notre propre culture, nous apprenons les chemins de la transcendance. Ceci présuppose qu’il faille constamment rechercher et promouvoir la rencontre entre les différentes cultures, pour que l’homme ne tombe pas dans le solipsisme et continue à s’interroger sur le sens de l’existence. L’éducation, donc, remplit pleinement sa vocation lorsque les adolescents entrent consciemment en contact avec d’autres cultures et religions, et apprennent ainsi avec attention les uns des autres.

Je résume cette réflexion sur la nature d’une éducation tournée vers l’inclusion, comme suit : l’éducation met au centre non l’homme – produit, mais l’homme – personne, c’est-à-dire faisceau de relations avec les autres et l’Autre, pour qu’il puisse former en toute autonomie sa conscience et, plus en général, pour contribuer à l’émergence de la conscience humaine. J’en viens maintenant à la finalité de cette éducation, qui vise à épanouir la personne humaine et à l’éveiller aux questions ultimes et transcendantes de l’existence, et où le maître joue un rôle fondamental.

Pour un enseignant, éduquer le jeune, c’est l’éduquer à être sujet de sa raison et de son cœur. Toutes les fois que la société séculière cache les possibilités extrêmes de l’existence humaine, le vis-à-vis de la liberté face à l’Absolu de Dieu, l’enseignant peut et doit ouvrir dans le plein respect de la conscience à une herméneutique du sacré, à travers les signes et les traces de la question/quête religieuse de l’homme dans l’art, dans l’histoire et dans la littérature. A ce propos, il est important de ne pas écarter de l’école, au nom d’une laïcité mal comprise, la réflexion sur les enjeux les plus décisifs : l’éthique, la politique et la religion. Il revient aux enseignants de conduire tous ceux qui leurs sont confiés jusqu’à la possibilité la plus haute et la plus propre de l’esprit humain, à savoir celle de se situer devant les signes du Divin qui opèrent dans l’Histoire. C’est le droit des jeunes au sens (signification et aussi direction) de la vie. Ce sens passe par la transmission de la tradition dans laquelle ces jeunes sont nés et aussi par la décodification des signes. C’est pour cette raison, probablement, que les maîtres s’appellent enseignants. Au-delà de toute spécialisation fonctionnelle, chaque enseignant peut et doit vivre son travail en se conformant à sa dignité de personne humaine ; de cette façon les élèves seront conduits à découvrir leur dignité, qui n’est pas liée aux simples facultés intellectuelles ou physiques. Si les enseignants font d’eux-mêmes des personnes dans le sens plein du mot, alors ils pourront faire émerger une personnalité authentique et mûre dans le jeune, en l’aidant à se libérer de tout ce qui se dresse contre son épanouissement et son développement. La première question donc, qu’il faut se poser pour l’éducation, n’est pas « que faire pour faire l’école ? » mais « comment être pour faire l’école ? ». La réponse proposée est la suivante : l’enseignant doit être une personne consciente de sa dignité humaine au point de pouvoir la faire épanouir dans les jeunes vies qu’il a devant lui, en leur donnant un regard positif sur la réalité et en montrant que la question sur Dieu n’est pas contre la raison, mais, au contraire, son sommet.

En effet, quelle est la question la plus grande que l’homme puisse se poser à soi-même et aux autres ? La vie, la mort, leur signification sont des thèmes importants, universels, mais, comme l’affirme même l’écrivain d’origine hébraïque et lauréat du prix Nobel pour la Paix, Elie Wiesel, la question la plus grave est autre : « en fin de compte, l’existence de Dieu est le seul problème authentique (…), dans lequel tous les autres problèmes sont résumés et minimisés. » (A. Monda, Tu credi ? Conversazione su Dio e la religione, Roma, 2006, p. 145). Tel est le noyau du problème, central dans chaque existence. En effet, chaque choix (existentiel, artistique ou p
olitique) surgit directement de la réponse donnée à cette « grande question ». Aider et donner des réponses à cette suprême question signifie montrer la direction en ôtant le bandeau des yeux, c’est-à-dire les conditionnements intérieurs et extérieurs limitant la tâche du maître.

Pour conclure, si telles sont la nature et la fin de l’éducation, le Saint-Siège reste conscient qu’il faut du temps pour atteindre un tel degré de qualité d’une éducation qui ouvre a la rencontre des autres. Dans cette optique, le Saint-Siège appuie tout effort fait par l’UNESCO dans cette direction, entre autres l’inter-culturalité et la rencontre des cultures – qui implique une fécondation réciproque – et l’accès du plus grand nombre aux TIC et autres moyens d’échange, qui, bien loin d’être des solutions définitives, peuvent néanmoins contribuer grandement au développement qualitatif de l’éducation surtout celle inclusive. Le Saint-Siège soutient les objectifs de la stratégie à moyen terme relatifs à l’éducation, présents dans le document 34 C/4 B.II, principalement la participation des groupes vulnérables et désavantagés, tout comme des peuples indigènes, aux processus de développement tout au long de la vie dans toutes les régions. Ces objectifs trouvent d’ailleurs leur fondement dans les principes que je viens d’énoncer.

J’en terminerais avec les mots du Saint-Père, le Pape Benoît XVI: « Nous vivons, en effet, à une époque de rencontre des cultures, du danger de la violence qui détruit les cultures, et de l’engagement nécessaire de transmettre les grandes valeurs et d’enseigner aux nouvelles générations la voie de la réconciliation et de la paix. Nous trouvons cette voie en nous orientant vers le Dieu au visage humain, le Dieu  qui s’est révélé à nous dans le Christ. » (Audience du mercredi 12 mars 2008). En effet, on n’éduque pas seulement à quelque chose, mais à quelqu’un qui dans le rapprochement nous enrichit.

Monsieur le Président,

je vous remercie de votre attention.

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ZENIT Staff

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