Unesco : Intervention du P. Laurent Mazas (Conseil pontifical de la culture)

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Pour « l’égale dignité des êtres humains et le dialogue interculturel »

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ROME, Vendredi 23 octobre 2009 (ZENIT.org) – Le Saint-Siège souhaite que « l’Unesco s’engage, à travers ses priorités sur l’égale dignité de tous les êtres humains et du dialogue interculturel, dans des actions éducatives et culturelles propres à donner naissance à une économie de la gratuité et de la fraternité pour donner ce supplément d’âme qu’une mondialisation économique est incapable de produire, et construire selon ses objectifs un monde de paix » : c’est ce qu’a suggéré Le P. Laurent Mazas, du Conseil pontifical de la culture, devant l’UNESCO, jeudi 15 octobre, lors de la 35e Conférence générale de l’Unesco.

Mesdames, Messieurs,

Le grand programme IV – culture de l’Unesco entend « répondre aux besoins d’un monde qui évolue, en contribuant à l’édification de la paix, l’élimination de la pauvreté, au développement durable et au dialogue interculturel par l’éducation, les sciences, la culture, la communication et l’information ». Pour atteindre ce vaste objectif, l’Organisation entend dégager deux priorités : l’Afrique et la reconnaissance de l’égale dignité de l’homme et de la femme. Afin de favoriser la protection, la sauvegarde et la gestion du patrimoine matériel et immatériel, l’organisation entend mettre l’accent sur le lien entre culture et développement – c’est la priorité sectorielle biennale 1 – et dans le cadre de la promotion de la diversité des expressions culturelles et du dialogue des cultures, elle veut concentrer ses efforts sur l’intégration du dialogue interculturel dans les politiques nationales de développement.

Le Pape Benoît XVI a traité de ces objectifs dans le cadre plus vaste de son Encyclique Caritas in veritate sur le développement humain intégral, donnée à Rome le 29 juin dernier. Le Saint-Siège entend avec Sa Sainteté redire ici certains principes qui peuvent renforcer l’action de l’Unesco dans sa quête d’un monde de justice et de paix, notamment à travers ses programmes d’éducation en lien avec la culture et sa promotion du dialogue interculturel.

Il est bien entendu que la culture ne peut être pensée uniquement en termes de patrimoine à sauvegarder et d’expression humaine à respecter : il s’agit, notamment par l’éducation, d’agir sur la culture de notre temps pour la rendre plus humaine et fraternelle. De même, si le dialogue interculturel peut trouver un appui dans les techniques de communication, il prend – comme la paix – « naissance dans l’esprit des hommes » -, et donc, « c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses », ou plutôt les aptitudes au dialogue interculturel. Dans cette perspective, il faut déplorer que les dimensions éthiques, normatives et spirituelles des cultures et de la culture soient trop souvent ignorées dans les politiques éducatives.

Pour tout programme qui entend se mettre au service de l’homme et de la société, il convient de rappeler que le développement ne peut être durable que s’il est intégral, c’est-à-dire s’il concerne tout l’homme et tous les hommes, et donc aussi bien l’homme que la femme, les vieillards comme les enfants. C’est pourquoi la reconnaissance universelle de l’égalité des sexes comprise comme celle de l’égale dignité des hommes et des femmes, est une urgence pour notre temps.

La révélation chrétienne de l’unité du genre humain et la conscience inhérente à la foi que la relation est un élément essentiel de l’humanum, rejoint non seulement les préoccupations de l’Unesco, mais aussi les valeurs d’autres cultures et d’autres religions qui enseignent elles aussi la fraternité et la paix, et contribuent donc d’une manière unique au développement humain intégral. Pour sa part, là où la liberté des chrétiens n’est pas entravée par des interdictions et des persécutions, ou même limitée quand la présence publique de l’Église est réduite à ses seules activités caritatives, celle-ci déploie toutes ses énergies au service de la promotion de l’homme et de la femme, et de la fraternité universelle.

C’est une constatation : si la société toujours plus mondialisée rapproche les hommes, elle ne sait toutefois les rendre frères. L’invitation au dialogue des cultures est un appel à la fraternité universelle, idéal que recherchent ensemble tous les hommes de bonne volonté. Inversement, le déficit de fraternité entre les hommes et entre les peuples est une des causes les plus profondes du sous-développement qui plonge dans la misère des populations entières, et hôte tout réalisme à l’idée même du développement durable.

Il est grand temps que les Etats et toutes les organisations internationales en charge de culture et d’éducation, tout en reconnaissant – contrairement à l’affirmation du § XVI de la priorité sectorielle 2 – qu’elles ne sont pas compétentes en matière de promotion du dialogue interreligieux [le dialogue interreligieux est de la compétence des religieux], elles se doivent cependant de prendre en compte la dimension religieuse du dialogue interculturel pour la rendre possible. Ceci exige bien sûr d’améliorer la connaissance des religions, mais aussi d’établir un authentique dialogue des institutions publiques avec les représentants légitimes des religions. Nul ne peut nier la contribution des religions à l’édification d’un monde durablement plus juste. Reconnaître la place de la religion dans la sphère publique, c’est en reconnaître la légitime présence dans ses dimensions culturelle, sociale, économique et politique. Certes, nous en sommes conscients, il existe des attitudes religieuses ou culturelles qui ne prennent pas pleinement en compte le principe de la fraternité universelle et de la vérité, et ainsi constituent un frein au véritable développement humain et même un empêchement. C’est pourquoi le Magistère de l’Église par la voix du Pape Benoît XVI ne cesse de faire appel à la raison – pour les religions autant que pour les cultures -, car c’est précisément le dialogue de raison qui garantit aux religions et aux cultures de porter leurs fruits et garantir le bien de tous.

L’appel au dialogue interculturel ne serait pas sincère s’il n’avait pas aussi pour objectif la collaboration fraternelle entre croyants et non-croyants dans leur commune intention de travailler pour la justice et pour la paix de l’humanité. Les exemples ne manquent pas dans la vie des hommes et des peuples qui montrent que si la raison, à elle seule, est capable de comprendre l’égalité entre les hommes et d’établir une communauté de vie civique, elle ne parvient pas cependant à créer la fraternité. La doctrine sociale de l’Église ne cesse de le dire : « Les exigences de l’amour ne contredisent pas celles de la raison. Le savoir humain est insuffisant et les conclusions des sciences ne pourront pas, à elles seules, indiquer le chemin vers le développement intégral de l’homme. » (Caritas in veritate, 30).

L’éducation au dialogue interculturel passe donc par l’éducation au partage. Le développement intégral de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes, a certes besoin de lois justes et de logiques politiques mises au service de la justice et de la paix, mais elle a tout autant besoin d’œuvres marquées par l’esprit du don. L’acte gratuit est une haute expression de la dignité humaine. Que l’Unesco s’engage, à travers ses priorités sur l’égale dignité de tous les êtres humains et du dialogue interculturel, dans des actions éducatives et culturelles propres à donner naissance à une économie de la gratuité et de la fraternité pour donner ce supplément d’âme qu’une mondialisation économique est incapable de produire, et construire selon ses objectifs un monde de paix.

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ZENIT Staff

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