Un prêtre israélien raconte son itinéraire jusqu’au sacerdoce (II)

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Le P. David Mark Neuhaus

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ROME, Jeudi 12 novembre 2009 (ZENIT.org) – Comment l’amitié entre un adolescent juif et une religieuse orthodoxe de 90 ans a-t-elle pu amener le jeune homme à devenir catholique ? Et, plus tard, prêtre jésuite ?

La fin peut paraître invraisemblable, mais c’est l’histoire vraie du père David Mark Neuhaus, vicaire du patriarcat latin chargé des catholiques d’expression hébraïque en Israël (www.catholic.il).

Dans cette interview accordée à ZENIT, le père Neuhaus raconte son enfance dans une famille juive qui avait échappé au fléau nazi sur leur terre natale, l’Allemagne, et sa vie, aujourd’hui, en tant que prêtre catholique, en Terre sainte.

Sa famille vécut en Afrique du Sud ; mais, adolescent, David partit pour Jérusalem. Là, il fit la connaissance d’une religieuse orthodoxe âgée qui, lorsqu’elle parlait de sa foi, rayonnait de la joie du Christ. C’est au cours de ces entretiens qu’il ressentit l’appel non seulement à devenir chrétien, mais à servir le Christ comme pasteur sur la terre.

Le père Neuhaus enseigne l’Ecriture Sainte au séminaire diocésain du patriarcat latin et à l’université de Bethléem.

Il a obtenu son doctorat en science politique à l’université hébraïque de Jérusalem. Il est également diplômé en théologie du Centre Sèvres à Paris, et en Ecriture sainte de l’Institut pontifical biblique de Rome.

Nous publions ci-dessous la deuxième partie de cet entretien.

ZENIT – Vous êtes Israélien, prêtre catholique vivant à Jérusalem, la terre sur laquelle le Christ lui-même a marché. Cela ajoute-t-il une dimension spéciale à votre vie de prêtre ?

Père Neuhaus – Vivre là où Jésus a vécu, marcher là où il a marché, vivre au milieu de son peuple de chair et d’os est un privilège incroyable. En tant que catholiques, nous croyons que le moment de la Résurrection du Christ a renouvelé la face de la terre, en a fait une « terre sainte », et a fait de tous les gens qui croient au Christ un « peuple saint », mais ce morceau particulier de terre porte avec lui les véritables traces de la vie terrestre de Jésus et les traces des patriarches, prêtres, rois, sages et prophètes qui l’ont précédé, lui ouvrant la voie.

Vivre en disciples du Christ sur cette terre, c’est se remémorer à chaque pas les actes d’amour concrets que Jésus a vécus ici. La terre sur laquelle nous vivons est un « évangile » en ce qu’elle proclame la nouvelle de la victoire sur la mort du Christ et de tous ceux qui ont conduit à cette victoire. Pour moi, le centre véritable est l’Eglise de la Résurrection (plus connue comme l’Eglise du Saint-Sépulcre). J’essaie d’aller régulièrement y prier, pour ainsi revivifier constamment ma vocation et intercéder pour l’Eglise afin que nous soyons fidèles à l’amour du Christ pour le monde.

En plus de la célébration des sacrements et de la prédication de la Parole, je jouis d’un privilège très particulier sur cette terre en ma qualité de professeur d’Ecriture sainte au séminaire diocésain d’ici. Une mission particulière dans l’enseignement des Ecritures ici consiste à persuader nos jeunes séminaristes, jordaniens et palestiniens, de méditer sur le don qui leur est fait de pouvoir lire les Ecritures sur la terre où elles ont été écrites, de célébrer les sacrements sur la terre où ils ont été institués.

En outre, ici sur cette terre, j’exerce mon ministère dans la petite église de langue hébraïque. Prier en hébreu, étudier l’Ancien Testament dans la langue d’origine, faire partie de la société juive israélienne, constitue un rappel constant de la fidélité de Dieu à travers les âges, en particulier à partir du moment où il dit à Abraham : « Sois une bénédiction » (Gn 12 :2).

ZENIT – Quel a été pour vous, à ce jour, l’aspect le plus important de votre ministère de prêtre ?

Père Neuhaus – Assurément, j’attendais en retenant mon souffle de célébrer ma première eucharistie, d’être le ministre de la présence réelle du Christ dans un monde qui en a désespérément besoin. Cependant, je fus surpris par l’abondance de grâces dans l’écoute des confessions.

Servir comme confesseur reste pour moi l’un des aspects les plus importants du sacerdoce ; c’est, en effet, dans le sacrement du pardon que nous touchons d’une manière très réelle et directe la figure concrète d’un Jésus qui a prêché le pardon, l’a vécu, est mort pour lui. J’attendais la transformation humaine qui s’opère autour de la table eucharistique, et je ne fus pas déçu  ; mais le pouvoir de l’absolution du péché me coupa le souffle. J’ai constamment présent à l’esprit combien je suis indigne d’être prêtre en raison de ma faiblesse humaine, et pourtant je suis constamment émerveillé par l’oeuvre d’amour que Dieu opère à travers ceux qu’il a choisis pour être prêtres.

ZENIT – Vous avez participé à l’accueil du pape en Terre Sainte en mai. Quelles sont vos impressions ?

Père Neuhaus – J’ai été nommé vicaire du Patriarcat latin en charge des catholiques d’expression hébraïque peu de temps avant la visite du Saint-Père en mai 2009. En tant que membre de l’assemblée des ordinaires catholiques de terre sainte, je me trouvais parmi ceux qui pouvaient accompagner chaque étape de la visite du Saint-Père. Une visite en Terre Sainte équivaut à marcher sur un champ de mines en raison du conflit qui oppose les deux peuples vivant ici, Juifs israéliens et Arabes palestiniens ; mais le plus impressionnant a été l’amour, la sollicitude et la profonde préoccupation que le Saint-Père irradiait pour les deux peuples, ainsi que le courage avec lequel il proclama le message d’espérance pour la réconciliation, la justice et la paix. Incontestablement, les temps forts ont été les quatre célébrations eucharistiques (Amman, Jérusalem, Bethléem, Nazareth). A ces occasions, le Saint-Père rayonnait de cette joie qui m’avait tout d’abord attiré à l’Eglise. Nous avions désespérément besoin de joie car notre situation politique est une source d’anxiété perpétuelle.

ZENIT – Que diriez-vous à un jeune homme qui se trouve aujourd’hui dans la phase de discernement de sa vocation au sacerdoce ?

Père Neuhaus – J’ai été professeur d’Ecriture Sainte dans notre séminaire diocésain pendant les 10 dernières années. J’ai eu de la sorte l’occasion de parler souvent, longtemps, et de façon approfondie, avec ceux qui sont appelés à la prêtrise. Je leur dis : nous avons besoin de saints prêtres qui soient le reflet de la vie de Dieu parmi nous en servant comme ministres de la présence de Dieu dans les sacrements et qui prêchent avec conviction la Parole de Dieu.

Nous avons besoin de prêtres qui soient remplis de foi, qui rayonnent d’espérance, qui aiment les hommes et les femmes de notre époque et qui vivent dans la joie …oui, la joie est notre témoignage palpable de la victoire sur la peur, le péché et la mort que le Christ a déjà vaincus pour nous dans la résurrection au sein d’un monde qui ne témoigne guère de cette victoire.

Propos recueillis par Karna Swanson

Traduit de l’anglais par Elisabeth de Lavigne

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ZENIT Staff

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