Un pèlerinage mères-filles dans la Ville éternelle

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La vraie beauté féminine à travers lart

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Elizabeth Lev

Traduction d’Hélène Ginabat

ROME, mercredi 6 juin 2012 (ZENIT.org) – Entre « look » de l’été et la beauté féminine exaltée par le mois de mai chrétien, Elizabeth Lev (lizlev@zenit.org) propose cette réflexion à travers l’art, à Rome.

Elle enseigne l’art et l’architecture chrétiens sur le campus italien de l’Université Duquesne et dans le programme d’Etudes catholiques de l’Université de Saint-Thomas. Elle est l’auteur de The Tigress of Forlì : la comtesse la plus courageuse et la plus célèbre de l’Italie de la Renaissance, Caterina Riario Sforza de’ Medici, la « Tigresse de Forli ».

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Alors que le monde, aujourd’hui, exalte une beauté féminine superficielle et idéalisée, on risque de surévaluer l’attrait extérieur et de devenir aveugle à la véritable beauté. Dans ce contexte, la Ville éternelle sera le théâtre d’un pèlerinage mères-filles très particulier. Il permettra de réfléchir sur l’idéal chrétien de la beauté à travers les âges, et en particulier sur la beauté féminine dans l’art.

Alors que le mois de mai vient de se terminer, Rome se prépare pour la saison des plages. Partout les femmes sont invitées à parfaire leur look pour la plage – régimes, coiffures, nouveaux vêtements – tout exalte la beauté féminine.

Mais quelque part entre le déjeuner feuille de laitue, les teintures, parures et autres fioritures des salons de beauté et l’insatisfaction chronique que chacune éprouve devant sa garde-robe, on peut se demander s’il s’agit vraiment là de beauté. Une femme est-elle la somme de son bronzage, de la forme de ses ongles et de son poids idéal ? Est-ce là la seule norme esthétique qui importe dans notre monde ?

Aux musées du Vatican, on a acquis (au cours de cinq siècles) un peu de sagesse quant à la beauté féminine ; des sculptures les plus célébrées de l’antiquité aux vertus élégantes de Raphaël ou aux sibylles de Michel-Ange, l’Église a longtemps fait l’éloge de la beauté unique (incomparable) de la femme.

Avec 2500 ans d’histoire et d’art à sa disposition, Rome est l’endroit idéal pour explorer la beauté d’hier et d’aujourd’hui, et ce qui rend la beauté pérenne par rapport à un éclat de vernis fugitif. C’est pour cette raison que les « Patrons of the Arts » des musées du Vatican ont lancé un pèlerinage annuel mère-fille sur la beauté féminine et les arts au Vatican et à Rome.

Ce pèlerinage donne aux mères et aux filles de tous âges l’occasion de réfléchir sur l’idéal chrétien de la beauté et sur ce qu’elle a été à travers les âges.
L’aumônier du pèlerinage sera le P. Mark Haydu, directeur international des « Patrons of the Arts » aux musées du Vatican, qui non seulement détient les clés du royaume des trésors artistiques des musées du Vatican, mais aussi offre des perspectives pleines de sagesse sur la nature éphémère de la beauté superficielle par rapport à la nature pérenne de la splendeur humaine et spirituelle.

La personnalité de la radio catholique, Teresa Tomeo, donne des leçons de vie réelle sur le danger de surévaluer l’attrait superficiel et le risque de devenir aveugle à la vraie beauté. Parmi les autres conférenciers et invités, Anna Mitchell, directeur de l’information pour le Son Rise Morning Show sur Radio Sacré-Cœur, Janet Morana, directeur exécutif de Priests for Life, et votre serviteur pour donner un peu de perspective artistique.

La vraie star sera bien sûr la Ville éternelle, qui abrite certains des plus grands exemples de la beauté féminine chrétienne. Par exemple, les catacombes de sainte Agnès, jeune fille de quinze ans dont l’apparence agréable lui valut plus d’attention qu’elle n’en souhaitait et qui fut ensuite martyrisée, ainsi que la superbe église construite en son honneur, sont une leçon sur la vraie beauté.

Toutes les routes en effet ont conduit à Rome des femmes extraordinaires, des martyrs vénérables comme Cécile, Susanne et Martine, aux héroïnes du Moyen-Age, telles les saintes Catherine de Sienne, Françoise de Rome et Brigitte de Suède (entre autres) .

On peut suivre ici les traces des femmes de foi les plus courageuses (la reine Christine de Suède ou la comtesse Catherine Sforza), ou méditer sur la maternité dans la glorieuse basilique Sainte Marie Majeure ou près du tombeau tranquille de sainte Monique. La richesse de l’histoire de Rome en fait un sol fertile pour semer les graines de sa propre sainteté.

Ce pèlerinage permet de mettre en perspective l’obsession du monde moderne pour l’extérieur en révélant un héritage plus profond de la beauté physique et de la proportion. Debout dans le forum, nous admirons les anciens temples païens, fascinants et encore auréolés du feu des projecteurs après deux millénaires. Certains de leurs visages sont parfaitement conservés. Les façades ont gardé la finition lisse du travertin ; peu de rides sillonnent leurs grands fronts. Les colonnes de marbre s’embrasent sous le soleil printanier, des pierres d’une élégance raffinée aux couleurs les plus tendances revêtaient richement les structures. Les bâtiments eux-mêmes s’enorgueillissaient de proportions parfaites – hauteur, largeur et diamètre – tous parfaitement assortis.

Les proportions de l’ordre corinthien en faveur à l’époque s’inspiraient de celles d’une jeune fille grande et mince, un peu comme l’esthétique de la mode moderne d’aujourd’hui. Mais en dépit de sa belle figure, de sa peau lisse et de ses superbes habits, le temple païen a toujours été et reste toujours vide à l’intérieur. La plupart des temples ont été perdus au fil des ans, les cellules vides ont disparu, quelques jolis porches sont restés comme des vestiges de cette ancienne croyance.

Les rares temples qui ont survécu le doivent à ce qu’ils sont devenus des églises chrétiennes. Leurs cellules vides se sont remplies de l’esprit du Dieu vivant et leurs lourdes tribunes se sont transformées en reposoirs pour les reliques des martyrs. Des chapelles ont proclamé l’héroïsme d’hommes et de femmes qui avaient défié les faux dieux et qui sont morts en témoins du Christ.

Aujourd’hui, contrairement aux œuvres païennes de jadis, alors que nous pouvons nous arrêter et apprécier l’extérieur d’un bâtiment d’église, c’est toujours l’intérieur qui suscite notre plus grand intérêt.

Il semble assez étonnant que, tous les jours, des femmes modernes puissent entrer dans la chapelle Sixtine et s’y sentir si à l’aise, dans un espace peint pour un groupe d’hommes il y a cinq cents ans.
La chapelle Sixtine fut construite pour accueillir la cour pontificale, qui comptait environ 500 prélats et princes. Jusqu’au 18ème siècle, les femmes étaient ce qu’il y avait de plus rare dans la chapelle. Bien que celle-ci soit dédiée à l’Assomption, la Vierge Marie n’y apparaît qu’une seule fois, le reste de la salle étant dominé par Moïse, le Christ, Noé et Dieu le Père dans les scènes de la Genèse.

Une vue partielle de la chapelle peut la faire considérer comme un bastion de patriarches, et un regard superficiel sur les fresques risque d’inciter certains à affirmer que l’art de Michel-Ange a été informé par sa misogynie supposée, et qu’il a peint des femmes qui ressemblent à des hommes.
Mais une étude plus approfondie révélera un style de présences féminines dans la chapelle, constant et complémentaire des personnages masculins ; la chapelle, en effet, raconte une histoire de coopération entre l’homme et la femme dans l’histoire du salut.

Trois éléments nous montrent comment Michel-Ange a exalté la figure féminine dans la chapelle.

1. Partout Adam est là, Eve e
st là. Bien que les scènes d’ouverture de la chapelle montrent Dieu agissant seul quand il crée un cadre pour l’humanité, même au moment d’Adam est touché par Dieu, Eve est nichée dans le creux du coude du Seigneur, faisant déjà partie de son plan. En outre, la représentation de la création de la femme est au centre du plafond. Adam et Eve sont intimement liés dans la tentation et la chute ; dans le paradis terrestre, ils sont représentés avec la grâce des danseurs, et leurs corps s’accordent aisément. Ils restent ensemble, même après la chute, Eve blottie sous le bras de son mari.

2. À côté de chaque grand homme … il ya une grande femme. Les écoinçons aux quatre angles du plafond montrent chacun un héros célèbre du peuple juif. Deux d’entre eux ont sauvé Israël par l’épée – David et Judith – et alors que Dieu a permis à Moïse de fabriquer le serpent d’airain, c’est la beauté intérieure et extérieure d’Esther qui sauva son peuple. Héros et héroïnes, chacun risquant sa propre vie pour sauver celle des autres, préfiguraient le sacrifice du Christ. A côté des grands prophètes de l’Ancien Testament, la chapelle présente, dans les sibylles, des figures féminines surprenantes. C’était les prophétesses païennes qui parlaient au nom des idoles, et pourtant certaines de leurs prédictions semblaient révéler le plan de Dieu pour les Gentils. Dans le quatrième églogue de Virgile, la Sibylle de Cumes annonce:
 » Du ciel sacré vois sans effroi une race nouvelle

… Hâte la naissance de l’Enfant avec qui finit notre âge de fer.

L’âge d’or, primitif et si bon, du monde reviendra ».

Les années médiévales considéraient comme une prédiction, comme l’hypothèse de la venue du Christ, le fait que les sibylles avaient, d’une manière voilée, préparé les Gentils à l’avènement du Messie. Enfin, dans les arcs et les tympans, Michel-Ange a peint plusieurs familles, composées de la mère, du père et de l’enfant. Sans se contenter de la simple liste des pères donnée dans l’Evangile de Matthieu, l’artiste dépeint chaque enfant choyé, embrassé ou éduqué par sa mère. L’unité entre les hommes et les femmes se tisse sur le plafond à partir de la coopération des parents, avec le ciel pour témoin et à travers les gestes héroïques du salut.

3. Le dernier élément remarquable chez les femmes de Michel-Ange est leur force. La Renaissance avait tendance à peindre des femmes languissantes et / ou voluptueuses ; les artistes admiraient la beauté féminine, mais ils craignaient aussi la tentation qui l’accompagnait. Michel-Ange peignit des femmes qui sont beaucoup plus proches de notre idéal moderne que ce que fit n’importe quel autre artiste de son époque. Ses femmes sont fortes. Elles peuvent se tenir aux côtés des hommes plutôt que de rester derrière, dans l’histoire du salut. Leurs corps ne sont pas langoureux et complaisants (une invitation à la tentation), ils sont énergiques, capables de combattre le mal comme n’importe quel David ou Josué. Ils ne restent pas au repos, mais ils se retournent, regardent et réfléchissent. Les femmes de la Sixtine ont conscience d’elles-mêmes et elles saisissent les événements à venir de l’histoire du salut. Mais surtout, elles sont belles – les solides épaules de la Sybille de Lybie s’affinent jusqu’à sa taille élégante enveloppée dans des vêtements flamboyants. Ses gestes gracieux et sa posture imposante pourraient en faire un modèle de publicité pour un studio pilates. La jeune Sybille de Delphes, avec ses rondeurs, se tourne dans l’espace de manière dynamique, le bras tendu en direction de l’autel. La beauté chez Michel-Ange n’est toutefois pas destinée à provoquer le désir, ou à attirer l’attention uniquement sur le charme physique. Les femmes sont des guides. Leur beauté sert à élever l’esprit, tandis que leurs posture héroïque et leur gestes forts veulent nous rapprocher de la source de toute beauté qu’est le Christ.

Personne n’a mieux compris la chapelle Sixtine et la beauté féminine que le bienheureux Jean-Paul II, qui a donné l’impulsion à la restauration de la chapelle, avec ses couleurs magnifiques que nous voyons aujourd’hui. Tout en célébrant l’inauguration des fresques restaurées, il a parlé de la beauté révélée de l’homme et de la femme et de sa signification.

« La chapelle Sixtine est précisément – si l’on peut dire – le sanctuaire de la théologie du corps humain. En témoignant de la beauté de l’Homme créé par Dieu comme homme et femme, elle exprime aussi, d’une certaine manière, l’espoir d’un monde transfiguré, le monde inauguré par le Christ ressuscité, et même avant par le Christ sur le mont Thabor. « 

Les êtres humains sont appelés par la beauté et appelés à la beauté. Dans la chapelle Sixtine, Michel-Ange nous a livré la plus grande compréhension visuelle de ce que signifiait être faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, qui est la beauté même.

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ZENIT Staff

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