Pape Paul VI @ Wikimedia commons / Ambrosius007

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Un "dialogue entre les peuples au nom de Paul VI" (2/3)

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Par Mgr Gallagher

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« L’action internationale du Saint-Siège pour la paix, le développement et les droits de l’homme, a pris, (…) en 15 ans de pontificat de Paul VI, la forme d’un « dialogue » à 360° », explique Mgr Gallagher.

Mgr Paul R. Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les Relations avec les Etats, à Brescia, le 8 octobre 2015, pour la commémoration du 50eanniversaire de la visite du bienheureux Paul VI à l’Assemblée générale des Nations Unies, le 4 octobre 1965, à New York.

« Paul VI voyait le nationalisme et le racisme comme des obstacles fondamentaux à la formation d’une communauté internationale solidaire, fondée sur la Charte des Nations Unies, sur un même système de réglementation financière et commerciale multilatéral et sur le respect des droits de l’homme », explique le « ministre des Affaires étrangères » du Saint-Siège.

Voici notre traduction du deuxième des trois volets de cette intervention de Mgr Gallagher. Le premier volet a été publié hier, 13 octobre 2015.

Intervention de Mgr Gallagher (suite)

Concernant le développement et les activités du Saint-Siège, rappelons que la deuxième partie de l’encyclique Populorum Progressio, intitulée « vers le développement solidaire de l’humanité », suggérait des pistes très claires et concrètes pour « travailler les uns pour les autres et réaliser la fraternité universelle tant souhaitée » (idem, 6). Le Saint-Père avait une grande compréhension des rapports économiques. D’un côté il parlait de finances et de crédit, de l’autre de commerce international, des domaines prioritaires pour travailler ensemble (Populorum Progressio, 43-65).

Les peuples doivent mettre leurs richesses au service de tous (idem, 48-49), et l’outil adapté pour cela serait un grand fonds mondial, alimenté avec le superflu des nations riches, mais surtout en restreignant les dépenses militaires. Cela donnerait aux Etats une assistance financière généreuse et équitable, sans intérêts ou avec des intérêts minimum, empêchant d’être criblés de dettes. Ces crédits seraient garantis par le contrôle de l’emploi sur la base d’un plan convenu, en instaurant une collaboration volontaire… une participation efficace des uns avec les autres, dans une égale dignité, pour la construction d’un monde plus humain. (idem, 54).

En matière de commerce international Populorum Progressio, après 50 ans, a gardé toute son actualité. Paul VI soulignait en effet que les efforts pour aider au plan financier et technique les pays en voie de développement seraient illusoires, si leurs résultats … étaient partiellement annulés par le jeu des relations commerciales entre pays riches et pays pauvres (idem, 56). … Les nations hautement industrialisées exportent… surtout des produits fabriqués, tandis que les économies peu développées n’ont à vendre que des produits agricoles et des matières premières. Grâce au progrès technique, les premiers augmentent rapidement de valeur et trouvent un marché suffisant. Au contraire, les produits primaires en provenance des pays sous-développés subissent d’amples et brusques variations de prix, bien loin de cette plus-value progressive. Il en résulte pour les nations peu industrialisées de grandes difficultés, …  (idem, 57).

Il faut donc un système d’échanges commerciaux, fait de mesures et accords appropriés, qui rétablisse entre partenaires au moins une certaine égalité de chances et puisse créer une réelle égalité dans les discussions et négociations et à long terme…posant des normes générales en vue de régulariser certains prix, de garantir certaines productions, de soutenir certaines industries naissantes…. un tel effort commun vers plus de justice dans les relations commerciales entre les peuples apporterait aux pays en voie de développement une aide positive, dont les effets ne seraient pas seulement immédiats, mais durables (idem, 61).

Et puis tout le monde sait que Paul VI voyait le nationalisme et le racisme comme des obstacles fondamentaux à la formation d’une communauté internationale solidaire, fondée sur la Charte des Nations Unies, sur un même système de réglementation financière et commerciale multilatéral et sur le respect des droits de l’homme (idem, 62-63).

Depuis le pontificat de Paul VI jusqu’à nos jours, l’histoire révèle une opposition constante entre tous les efforts déployés pour édifier et entretenir la paix, promouvoir le développement, et tous les obstacles qui se posent au fur et à mesure. Il y a eu d’abord l’opposition idéologique entre le communisme et l’occident capitaliste, dont parle Ecclesiam Suam (nn. 103-105). Puis, les murs sont tombés et l’opposition idéologique est devenue politiquement insignifiante, mais sont réapparus les nationalismes, les racismes et les prétendues guerres « culturelles ». Du point de vue du Saint-Siège, en revanche, la concorde et la vie pacifique entre les peuples fondée sur la suprématie du droit, les grands rapports économiques bâtis sur le développement solidaire et le respect des droits humains, reste une orientation à part entière, en partie atteinte mais toujours à améliorer et approfondir. Si, dans cette optique, on retourne à la lecture des discours aux Nations Unies de Jean Paul II (deux fois), de Benoît XVI, et du pape François, et à la lecture des grandes encycliques sociales des successeurs de Paul VI – la dernière la Laudato Si’ – et retrouve facilement une profonde harmonie et continuité avec l’action et les enseignements de Paul VI.

Dans sa très récente intervention à l’ONU, le Saint-Père, en faisant résonner les paroles prononcées cinq ans auparavant par son prédécesseur, a réaffirmé la demande d’une vraie participation et  d’une incidence réelle et équitable de tous les Etats sur les décisions de l’ONU et d’autres organismes multilatéraux, en particulier  le Conseil de Sécurité et les organismes financiers, qui doivent servir au développement durable de tous. Il a rappelé que le devoir des Nations Unies doit être vu comme le développement et la promotion de la souveraineté du droit, car la justice est un préalable indispensable pour réaliser l’idéal de la fraternité universelle. Le pape, en parlant de l’Agenda  2030 de développement, a rappelé le lien entre  les mots «  développement » et «  paix », et a appelé les Etats  à  être concrets, pour que tout le monde puisse avoir accès à l’alimentation de base, à un toit et à un travail digne, dans le respect des droits humains, dont font partie la liberté religieuse et le droit des familles et de l’Eglise à éduquer. En parfaite harmonie avec Paul VI, le pape François a condamné lui aussi tout type de guerre, y compris, aujourd’hui, le terrorisme et les guerres dictées par le trafic de drogue, et il a demandé un nouvel effort pour un monde sans armes nucléaires, dans lequel le Traité de non prolifération trouve sa pleine application.

L’action internationale de Paul VI a eu une autre importante manifestation, de nature plus technique et, donc, moins connue dans ses détails, mais tout aussi importante. Je pense à la présence internationale du Saint-Siège, qui a connu, à partir du pontificat de Paul VI, une croissance ferme et consolidée.

Comme tout le monde sait, la présence internationale du Saint-Siège, comme sujet souverain et indépendant de droit international a des origines lointaines, mais à partir de 1945, avec le développement des organisations internationales, sa présence dans les échanges multilatéraux n’a
cessé de grandir. Déjà comme collaborateur de Pie XII, Mgr  Giovanni Battista Montini, avait eu un grand rôle à jouer dans le développement de cette présence, qui ne fit que s’accentuer après son élection au siège de Pierre, en suivant les lignes tracées dans Ecclesiam suam, dans le discours à l’ONU, du 4 octobre 1965, et dans Populorum Progressio.

En 1964 le Saint-Siège devint membre de l’Assemblée générale des nations unies comme «  Pays observateur ». La même année, il participa activement, en sa qualité de membre, à la I conférence des nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) – avant de devenir un organe permanent de l’assemblée générale –.  Il est intéressant de voir la coïncidence entre les idées fondatrices de l’UNCTAD et ses premiers programmes, et les orientations sur le commerce international énoncées dans les paragraphes 56-64 de Populorum Progressio. L’UNCTAD, en effet, spécialement lors de ses premières grandes conférences (1964, 1968, 1972) essaya de créer un cadre juridique général pour le commerce international, qui aurait équilibré les inconvénients des pays les plus pauvres. L’organisme essaya aussi de devenir une plate-forme pour les négociations commerciales multilatérales et pour la promotion d’accords régionaux. Le Saint-Siège, qui fait toujours partie de l’UNCTAD, collabora activement au plan du dit «  système des préférences généralisées ». Divers facteurs, dont le nationalisme dénoncé par Paul VI, empêchèrent l’UNCTAD d’aller jusqu’au bout de ses grands objectifs et beaucoup de ses fonctions ont été éliminées u absorbées par l’organisation mondiale du commerce (OMC), créé en 1994. Mais le Saint-Siège, a continué à collaborer activement –  aussi comme membre observateur de l’OMC à partir de 1998 – dans la mesure de ses possibilités et de sa nature, à la formation d’un système commercial favorable au développement des pays les plus défavorisés.

A l’époque de l’encyclique Populorum Progressio il existait déjà ce que l’on appelait «  le Groupe d’organisations de la Banque Mondiale (World Bank Group, ou tout simplement World Bank), créé en 1944 pour porter assistance aux Etats détruits par la guerre. Toutefois, les audacieuses et clairvoyantes propositions de Paul VI n’ont pas eu dans la communauté internationale le même écho que celui provoquées par celles eues dans le domaine commercial. Les Etats n’ont jamais donné de ressources suffisantes à la Banque Mondiale pour travailler comme le suggérait Paul VI. Au contraire, dans les dernières décennies du siècle passé, cela devint une des causes du grave problème de la dette des pays les plus pauvres. Saint Jean Paul II reprit avec force les orientations de Paul VI, en appelant vigoureusement et sans démordre à annuler ou réduire substantiellement la dette des pays les plus pauvres. Ainsi, aux alentours des années 2000, le dialogue entre le Saint-Siège et les autorités de la Banque Mondiale a pu s’ouvrir, spécialement pour le plan et la promotion du programme international HIPC (Heavily Indebted Poor Countries). Et dans son très récent discours à l’ONU, le pape François est revenu lui aussi avec force sur le problème.

L’action internationale du Saint-Siège pour la paix, le développement et les droits de l’homme, ne se limitait pas à l’UNCTAD mais, en 15 ans de pontificat de Paul VI, prit la forme d’un «  dialogue » à 360°. A cette période le Saint-Siège adhérait parfois comme membre, plus souvent comme Observateur, à beaucoup d’agences internationales et beaucoup de conventions. En particulier, en 1967, le Saint-Siège accrédita un observateur au Bureau des nations unies à Genève. Puis il commença à participer comme observateur au séances de l’ECOSOC (Conseil économique social de l’ONU), près les commissions économiques régionales de l’organisme, et près tant d’autres agences spécialisées, dont l’organisation international du travail (OIT) et l’organisation mondiale de la santé (OMS).

(A suivre demain, jeudi 15 octobre)

© Traduction de Zenit, Océane Le Gall

 

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ZENIT Staff

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