Ukraine : Mgr Vasylyk, 77 ans, constamment sous la menace du KGB

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La renaissance de l’Eglise catholique de rite byzantin-ukrainien

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CITE DU VATICAN, Jeudi 25 mars 2004 (ZENIT.org) – Voici notre traduction du témoignage de Mgr Pavlo Vasylyk, évêque de l’Eparchie de Kolomyia – Chernivtsi, de l’Eglise catholique de rite byzantin-ukrainien. Un témoignage donné mardi dernier au Vatican, lors de la présentation à la presse du livre intitulé: « Foi et martyre. Les Eglises orientales catholiques dans l’Europe du XX siècle » (Libreria Editrice Vaticana 2003).

Rôle d’une famille dans une vocation
« Je suis l’évêque de l’Eparchie de Kolomyia – Chernivtsi, Pavlo Vasylyk.
Je suis né le 8 août 1926 au village de Borislavci (qui se trouve actuellement en Pologne) dans une famille profondément religieuse. Mes parents ont eu 11 enfants. Tout jeune j’ai voulu devenir prêtre et je priais beaucoup le Seigneur pour ma vocation. L’atmosphère familiale a eu un rôle très important dans la croissance de ma conscience religieuse, ainsi que l’éducation de mes parents, avec lesquels j’allais à l’église tous les dimanches. Tout cela renforçait ma vocation sacerdotale. Après avoir fini l’école élémentaire, au village de Ribotici, j’ai poursuivi mes études dans la ville de Peremyshl’.

Populations déplacées de force
En 1945, nous avons été contraints d’abandonner notre terre natale et de nous transférer dans l’Ukraine soviétique, dans la province de Ternopil’.
Le 1er avril 1947, j’ai été arrêté dans la ville de Lvov et condamné à dix ans de réclusion pour avoir apporté des médicaments à des blessés rebelles, qui combattaient contre les Communistes. Dans les camps de concentration soviétiques, où je devais purger ma peine, il y avait de nombreux prêtres avec lesquels j’ai toujours été en contact et qui ont beaucoup influencé mon éducation spirituelle et théologique.

Diacre au goulag
Le 1er janvier 1950, en tant qu’étudiant en théologie, j’ai été ordonné diacre par l’évêque de l’Eglise des catacombes. A partir de ce moment-là, tout en purgeant ma peine dans les camps de concentration, j’ai commencé mon activité pastorale, selon mon état. J’ai tout de suite commencé à prêcher, à célébrer les vêpres, à organiser des cours de catéchisme pour les détenus. Je ne sais pas d’où venait la force pour faire tout cela, mais ce qui est impossible à la personne humaine est au contraire possible pour le Seigneur. Et c’était vraiment ainsi. Les conditions dans lesquelles nous nous trouvions dans les camps de concentration étaient impitoyables, pires que celles des camps de concentration allemands. Les gens mouraient de froid, de différentes maladies, des constantes humiliations de la dignité humaine.
A ce moment-là, la seule préoccupation était de ne pas perdre la conscience d’être des personnes humaines, de ne pas réduire la vie à l’état de l’existence des animaux. C’est pourquoi l’Evangile devint pour moi cette source d’eau vive, grâce à laquelle nous restions non seulement des personnes humaines, mais aussi des chrétiens. Dans les camps de concentration, participaient à nos célébrations Ukrainiens, Russes, Allemands, Kazakhs. Les conditions désespérées réunissaient des personnes de différentes nations, mais je dirais que c’était vraiment le Seigneur qui nous montrait comment nous pouvions demeurer unis, indépendamment de nos nationalités.
La première condamnation a duré de 1947 à 1956.

Le KGB à l’écoute du prêtre
Après avoir été libéré, je suis retourné chez moi, dans la province de Ternopil’ où vivaient mes parents. Le 18 décembre 1956, un événement extraordinaire se produisit dans ma vie: j’ai reçu la consécration sacerdotale dans la ville de Lvov des mains du bienheureux évêque martyr Mykola Cernec’kyj (évêque, exarque apostolique des Ukrainiens de Volyn’ et Pidljasja, de la congrégation du Saint Rédempteur (1884-1959), béatifié par Jean-Paul II en Ukraine en juin 2001, ndlr).

J’ai tout de suite commencé à exercer mon activité pastorale, qui me conduisit dans les différentes villes et villages de la province de Lvov et de la province de Ternopil’ et aussi dans la région de Transcarpathie, où se trouvaient des fidèles gréco-catholiques. Je n’ai jamais été laissé tranquille par le KGB qui pratiquement cherchait à me détruire. Comme j’étais souvent contraint de fuir, je passais des nuits dans les bois, dans les champs des paysans, ou dans leurs étables. A vrai dire, je n’avais pas un endroit fixe où loger et parfois, pas même le temps de me reposer, à cause de la pression constante de la part des agents du KGB. Malgré tout, je continuais à apporter la parole du Christ à beaucoup de fidèles de l’Eglise gréco-catholique.

Le 22 janvier 1959 j’ai été de nouveau arrêté, dans la ville de Stanislav (actuelle Ivano-Frankivsk), et condamné à cinq ans de prison et cinq années d’exil. Deux semaines après mon arrestation, les représentants du gouvernement et du KGB vinrent me trouver en me demandant de passer à l’Eglise orthodoxe ou bien je restais en prison. Sans hésitation, j’ai demandé à passer cinq années en prison.

J’ai purgé la seconde peine en Mordovyia de 1959 à 1964. Là, j’ai eu la possibilité de rencontrer le métropolite Josyf Slipyj, témoin de la foi, qui purgeait sa peine. C’était vraiment une personnalité extraordinaire et sainte que je venais trouver à tout moment de découragement et il nous a enseigné de nombreuses choses à nous, les prêtres, parce que les livres de théologie manquaient. Ses paroles m’aidaient aussi dans l’activité pastorale.

Après avoir été relâché, en 1964, j’ai dû purger encore cinq années d’exil; il m’était interdit d’habiter dans les provinces d’Ukraine occidentale. Malgré l’interdiction claire, je continuais à prêcher dans la partie occidentale de l’Ukraine, en exerçant en même temps mon activité pastorale dans les régions d’Ukraine orientale et aussi en Crimée.

Evêque rebelle
Le 1er mai 1974, en tant que prêtre de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne, j’ai reçu la consécration épiscopale au village de Vilchivci, près de la cité de Zydaciv, dans la province de Ternopil’, de l’évêque de l’Eglise des catacombes, Josafat Fedoryk, ancien détenu des camps de concentration soviétiques. Ayant appris ma consécration épiscopale, les organes du KGB m’appelaient très souvent, et menaçaient de m’arrêter. Mais le Seigneur était toujours présent avec moi: même si j’avais très peur, comme toute personne normale, j’étais convaincu qu’il ne me serait rien arrivé contre sa volonté, c’est pourquoi à chaque prière, je remettais ma vie dans les mains du Seigneur.

En dépit des menaces, j’ai continué à exercer mon devoir épiscopal, en célébrant les liturgies et en prêchant pratiquement dans toute l’Ukraine, occidentale comme orientale, et au-delà de ses frontières, c’est-à-dire à Moscou, à Saint-Pétersbourg et dans les Pays Baltes. La situation était vraiment difficile, mais dans de nombreuses villes et villages, j’ai pu fonder les communautés ecclésiales. Souvent, en plus de leurs menaces, les agents du KGB m’ont confisqué mes livres et mes vêtements liturgiques. A tout cela je répondais sans hésitation; « Si vous m’enlevez mes ornements liturgiques, les gens m’ont offriront de nouveaux. Vous ne nous donnez pas nos églises, mais nous en avons des centaines parce que les maisons des familles chrétiennes sont devenues désormais depuis des années pour nous les églises où nous célébrons la liturgie ».

Résurrection derrière le rideau de fer
Le 4 août 1987, avec un groupe de prêtres, de religieuses et de nombreux fidèles, et avec la participation du président du comité pur la défense des droits des fidèles de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne en Union soviétique, Josyf Terelya, nou
s avons annoncé au monde entier la sortie de notre Eglise des catacombes vers la vie religieuse normale et pleine. Une telle déclaration a été envoyée à Sa Sainteté Jean-Paul II; en outre, une copie a été envoyée au Secrétaire général de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev. Hélas, je suis le seul évêque à avoir signé une telle déclaration.

Le 17 juillet 1987, j’ai célébré dans la Zarvanycia avec de nombreux prêtres la liturgie solennelle à laquelle plus de 30 000 fidèles ont pris part (les agents du KGB avaient relevé la présence de 40 000 personnes).

Au cours de la visite des sénateurs des Etats-Unis à Moscou, le 17 septembre 1988, j’ai été invité par eux à une rencontre dans laquelle on a traité de questions religieuse en présence de représentants du Conseil général de l’Union soviétique. J’ai raconté aux sénateurs la situation difficile dans laquelle se trouvait notre Eglise et sa persécution.

Le 17 février 1989 j’ai été le chef d’une délégation venue exiger à Moscou la reconnaissance de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne.

Le 16 mai 1989, avant la réunion des députés du Conseil général de l’Etat, une délégation de notre Eglise est de nouveau allée à Moscou et j’en faisais partie. Etaient également présent les évêques S. Dmyterco et F. Kurchaba; les prêtres V. Vijtyshyn et I. Voznjak, tous deux maintenant évêques de l’Eglise du Christ; les prêtres Simcajlo et Senkiv, et de nombreux fidèles. Notre intention était de rencontrer le président de l’URSS, M. Gorbatchev. Après son refus nous avons décidé une grève de la faim. Après trois jours, ils nous ont permis de rencontrer le député du Conseil général d’Etat, M. Juryi Xrystoradnyi, qui nous a donné l’espérance que notre Eglise aurait été légalisée.

Du 12 au 16 janvier 1990, à Moscou, au monastère de Danilov, eurent lieu des tractations concernant notre Eglise, avec la participation de représentants du saint-Siège, et du patriarcat de Moscou. J’y étais un des représentants de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne.

Après la célébration liturgique solennelle du 8 janvier 1998, sur le parvis de l’église cathédrale d’Ivano-Frankivsk, le gouverneur de la province me remit le décret dans lequel il était déclaré qu’à partir de cette date, l’église cathédrale appartenait à l’Eglise gréco-catholique ukrainienne.

En 1993, avec la bénédiction du saint-Père, j’ai été nommé évêque de la nouvelle éparchie de Kolomyia-Chernivtsi. L’intronisation a eu lieu le 31 octobre 1993 en présence de Sa Béatitude Muroslav Ljubachivskyj, archevêque majeur, du nonce apostolique S. E. Mons. Antonio Franco, des évêques Sofron Dmyterco, Irynej Bilyk et d’autres.

La cathédrale transfigurée
En l’an 2000, nous avons commencé la construction de l’église cathédrale de la Transfiguration de Notre Seigneur Jésus Christ, dans la ville de Kolomyia, comme centre de la vie spirituelle et religieuse de notre éparchie. Dans cette ville ancienne, l’église cathédrale rassemble désormais les gens cultivés comme des étudiants, même si la construction n’est pas encore complètement terminée. Nous espérons pouvoir la consacrer bientôt, et nous remercions Sa Sainteté Jean-Paul II qui nous a beaucoup aidés pour construire notre nouvelle église cathédrale.

Le 24 octobre 2000, le recteur de l’université de Seton, aux Etats-Unis, m’a remis le titre de docteur honoris causa en sciences humaines.

Je continue à exercer mon ministère épiscopal dans la vigne du Seigneur pour le bien de notre Eglise. Pour tout cela, je loue le Seigneur, et je remercie profondément Sa Sainteté Jean-Paul II ».

© Traduction française Zenit, tous droits réservés

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ZENIT Staff

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