Trafic d'êtres humains : agir au niveau de la demande

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Conclusion de l’Assemblée de l’Académie pontificale des sciences sociales

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Les participants de l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences sociales préconisent de travailler non seulement pour la répression du trafic d’êtres humains et la réhabilitation des victimes, mais aussi au niveau de la demande, en éveillant la conscience des peuples.

Les conclusions de l’Assemblée, qui a eu lieu au Vatican du 17 au 21 avril sur le thème « Trafics d’êtres humains : questions au-delà de la criminalisation » (“Human trafficking: Issues beyond criminalization”), ont été présentées hier, 21 avril, par Mme Margaret Archer, présidente, le prof. Stefano Zamagni et le prof. Pierpaolo Donati, membres de l’Académie.

Agir au niveau de la demande

« Ce Congrès voulait aller au-delà de la criminalisation », c’est-à-dire « réfléchir sur la prévention de l’offre et de la demande », a expliqué Pierpaolo Donati, rappelant que le trafic d’êtres humains n’était autre qu’une « réduction en esclavage ».

La répression actuelle ne suffit pas, a-t-il déploré : elle permet en effet de réduire la prostitution ou le travail au noir de 30%, mais guère plus.

Pour réduire la demande d’exploitation, il faudrait « ne pas rendre profitable le travail non protégé ». Il faut aussi éveiller les consciences des consommateurs, en appelant au « boycott des entreprises » et des produits qui ne présenteraient pas le label « non issu du travail forcé ou d’un autre moyen interdit par la législation ».

La prostitution en revanche appelle à une action « plus culturelle » : il s’agit de dénoncer la « solidarité très superficielle » exprimée envers les victimes. La solidarité « ne peut se réduire à la pitié et au fatalisme », a souligné Pierpaolo Donati.

Quant au trafic d’organes, il faut « sensibiliser l’opinion publique » : l’Eglise peut aider en ce sens en promouvant dans ses instituts éducatifs « le don d’organe », qui rendrait la vente caduque.

Agir au niveau de la demande suppose de « changer la mentalité sociale », de « modifier la façon de voir ». Et cela sans « attendre que les autres le fassent », a-t-il conclu.

Démonter les lieux communs

Stefano Zamagni a précisé que 70% des personnes victimes de trafic étaient des femmes et des enfants. En revanche, les trafiquants sont majoritairement des hommes.

Il a contesté divers lieux communs, en premier le fatalisme prétendant que le trafic est « un phénomène antique comme l’humanité » : « Il y a aujourd’hui une nouveauté, dans le contexte de la mondialisation ».

En outre, il ne faut pas sous-évaluer le rôle de la demande, a-t-il ajouté, et les entrepreneurs notamment sont concernés : « Une heure de travail ne peut pas être payée 3 euros l’heure : je ne peux pas dire que je ne le savais pas, je dois suspecter quelque chose en tant qu’entrepreneur. »

Troisième lieu commun : ces phénomènes seraient typiques de certains milieux de la société et ils seraient choisis librement par les personnes victimes. « Suis-je libre de choisir entre mourir ou se vendre aux conditions les plus horribles ? Cette réduction de la liberté est inacceptable », a-t-il dénoncé.

Pour passer à l’action, Stefano Zamagni  a suggéré de lancer une « agence mondiale anti-trafic » (World Antitrafficking Agency) avec des pouvoirs suffisants pour faire appliquer la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et protocoles s’y rapportant (2000).

Juridiquement, il a plaidé pour faire reconnaître le trafic d’êtres humains comme « crime contre l’humanité » : il pourrait ainsi être traité au-delà des juridictions des Etats.

Avec Anita Bourdin

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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