Tout homme a une petite part mariale, immaculée

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Entretien avec le P. Cabes, futur recteur du sanctuaire de Lourdes

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La Vierge Marie « ouvre nos cœurs à l’espérance… Jusque dans le plus avili des bourreaux, il est une petite part mariale, immaculée, qu’il nous revient de découvrir, de faire apparaître au creux de la boue, et d’amener à la surface », affirme le P. André Cabes, nommé recteur des sanctuaires de Lourdes à compter du mois d’octobre 2015.

Actuellement recteur de l’église de la Trinité-des-Monts, il évoque ses années romaines et sa nouvelle nomination, dans cet entretien avec Zenit.

Zenit – Vous connaissez bien Lourdes, pour y avoir dirigé le Service-Jeunes des Sanctuaires, et vous avez écrit une thèse de théologie sur le message de Lourdes : c’est donc un retour aux sources pour vous ? Quelle a été votre réaction en apprenant votre nomination ?

P. André Cabes – J’ai souvent dit qu’à Lourdes le Seigneur fait des miracles à la prière de Marie, et malgré tous les obstacles que nous mettons sur sa route. Je me sens donc tout petit, et bien indigne, mais confiant. Car Bernadette a été envoyée « aux prêtres » pour les faire « sortir », comme dirait aujourd’hui le Pape François, sortir à la rencontre du Mystère. Savoir regarder et entendre cette petite fille des pauvres, lui faire confiance, et aujourd’hui, rester attentifs à ces petits, aux malades, aux jeunes, aux familles, à tous ces gens qui passent sans toujours savoir pourquoi. Ma réaction est donc de joie de me voir associé aux prêtres, et à tous les acteurs de la pastorale et de l’accueil à Lourdes, pour relayer l’appel de l’Invisible Amour pour lequel tout homme est fait.

De Rome à Lourdes : quelle cohérence ?

Rome et Lourdes sont des terres d’Église, où se croisent des chrétiens du monde entier. Rome est beaucoup plus vaste. Toute l’histoire du christianisme y est convoquée, c’est un immense lieu de culture, de formation et d’études. Lourdes est de taille bien plus modeste, mais tout y est plus concentré, tout le monde se croise sur le même chemin, et chacun est plus sensible à chacun. Lourdes est un lieu d’apparition. Les témoins des événements de 1858 ne voyaient que le visage de Bernadette. Et c’est bien ce qui nous est offert aujourd’hui: reconnaître un peu de la lumière du ciel, de l’autre monde, sur le visage de ces frères et sœurs souvent défigurés, que l’on ne peut pas ne pas croiser. Rome, c’est davantage Pierre et l’Église visible des Apôtres; Lourdes, c’est Marie, et le cœur invisible de la prière et de la charité. Mais le grand Mystère du Dieu Amour ne fait qu’un, notamment dans le don de l’Eucharistie. Nous y sommes portés par la foi de Marie, qui nous fait goûter le service des Apôtres.

Quel regard portez-vous sur votre service de deux ans et demi – cela fera trois ans quand vous rejoindrez Lourdes le 1er octobre – à la Trinité des Monts ?

J’ai vécu à Rome les derniers mois du pontificat de Benoît XVI, l’ouverture de l’Année de la foi, et l’élection, les premiers pas du Pape François. J’ai senti en direct l’œuvre de l’Esprit Saint dans l’Église de Jésus. J’ai rencontré aussi bien des prêtres de Rome, des groupes de chrétiens, et l’évêque auxiliaire de notre secteur. J’ai participé au travail de la communauté française pour l’accueil des pèlerins lors de la canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II. J’ai pu apprécier les efforts des professeurs et des étudiants dans bien des lieux d’étude et de vie à Rome et à Assise, et moi-même profiter de nombreuses visites culturelles, sans oublier qu’à La Trinité nous offrons aussi de belles perspectives sur des aspects cachés de Rome: les villas romaines en souterrain, l’œuvre des religieux Minimes de 1500 à la Révolution, puis des sœurs du Sacré Cœur, avec leur école qui reste, et la chapelle de Marie Mater Admirabilis… Je n’en finirais pas de faire mémoire des grâces reçues. Mais je ne saurais oublier la participation à la vie des fraternités monastiques de Jérusalem, auxquelles notre petite communauté d’Ossun et de Tarbes est liée: je suis entré plus avant, plus profond dans un lien de communion, de même qu’avec la fraternité apostolique de Pistoia, où vivent plusieurs sœurs que j’ai bien connues dans les Pyrénées.

Vous êtes aussi professeur de théologie mariale : continuez-vous à enseigner ?

J’ai aidé quelques jeunes de la maison de formation, « Casa Balthasar », à lire les textes de ce théologien concernant Marie, et je vais chez les Clarisses françaises d’Assise (les Colettines) pour lire avec elles les textes du Concile Vatican II. J’ai aussi plusieurs occasions d’enseignement sur place.

Quel est le vocable de la Vierge Marie qui vous touche le plus ou la caractéristique mariale que vous avez étudiée davantage ?

Si je devais choisir un aspect du mystère de Marie pour le souligner davantage, je parlerais du nom qu’elle se donne à Lourdes: « Je suis l’Immaculée Conception ». Elle le révèle à Bernadette le 25 mars, après trois semaines d’apparitions et trois semaines de silence, et tout converge vers cette lumière. Marie est seulement « la mère », tout en elle est orienté vers la conception de Jésus, vers l’œuvre unique de l’Esprit Saint qui s’accomplit en elle. Si elle est immaculée, pleine de grâce dès sa conception, c’est pour livrer passage au don de Dieu: c’est là la mission de l’Église et de tout chrétien. Nous l’accomplirons en nous glissant dans la grâce de son oui.

Le pape François a dit aux prêtres et religieux de Naples samedi 21 mars : « Un prêtre, un religieux, une religieuse qui n’aime pas la Sainte Vierge, qui ne prie pas la Sainte Vierge, je dirais même qui ne prie pas le chapelet, s’il ne veut pas la Mère, la Mère ne lui donnera pas son Fils. » : pouvez-vous expliquer cela davantage ?

Cela ressemble au dialogue rapporté par Bernanos dans le « Journal d’un curé de campagne ». Le vieux curé veut ouvrir à son jeune confrère le chemin de sa mission, qui est de servir l’œuvre de la grâce dans les cœurs. « Est-ce que tu pries la Sainte Vierge? » Pas machinalement, sans y penser! Est-ce que tu veux croire que dans notre vieux monde écrasé par le péché, le mal, la violence, il est une source pure, « si limpide et si pure, qu’elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image, faite pour la seule joie du Père »?

Marie est « la cadette du genre humain », elle ouvre nos cœurs à l’espérance, une espérance, non pas rêvée, idéologisée, mais incarnée. A Lourdes, nous la reconnaissons en Bernadette, avec cette invitation à la retrouver dans la vie quotidienne et jusqu’à la mort au couvent de Nevers. Marie nous met dans le cœur l’espérance qui nous donne d’accueillir l’Esprit Saint, de vivre l’Évangile dans l’humilité et la patience des jours. Jusque dans le plus avili des bourreaux, il est une petite part mariale, immaculée, qu’il nous revient de découvrir, de faire apparaître au creux de la boue, et d’amener à la surface. Le chapelet nous fait regarder le monde avec la confiance d’un Dieu qui a pu susciter la foi de Marie. « Je te salue, pleine de Grâce, le Seigneur est avec toi… »

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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