Thaïlande : Une école pour les enfants des travailleurs immigrés sans papiers

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Dans la salle de gymnastique d’une paroisse

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ROME, Mercredi 28 mars 2007 (ZENIT.org) – En Thaïlande, une école informelle vient en aide aux enfants des travailleurs immigrés sans papiers, indique l’agence de missions étrangères de Paris (EDA 459, eglasie.mepasie.org).

Travailler comme matelot sur un chalutier thaïlandais est en soi un travail éreintant, mais Saw, âgé de 15 ans, doit également faire face à la difficile situation d’être un étranger sans papiers. Ce jeune birman, qui n’a pas souhaité donner son vrai nom, ne pense qu’à une chose : passer son samedi après-midi dans la salle de gymnastique de la paroisse Sainte-Anne. Dans le port de pêche de la ville de Samut Sakhon, cette salle paroissiale est un havre de paix après des journées d’un travail quotidien harassant. Le samedi, quand il n’est pas à bord du bateau qui l’emploie dans le golfe de Thaïlande, Saw est content de retrouver ses amis, d’apprendre à lire, à écrire et de jouer au football.

« L’école informelle » de la salle de gymnastique de la paroisse accueille une vingtaine d’enfants, âgés de 2 à 15 ans, arrivés clandestinement de Birmanie avec leur famille. Un séminariste catholique, le curé de la paroisse et deux enseignantes bouddhistes s’occupent d’eux, grâce au soutien financier de la paroisse et de l’archidiocèse de Bangkok. Wattana Sornnuchart, 27 ans, étudiant au grand séminaire national de Sam Phran, passe tous ses samedis à s’occuper de ces jeunes. Séminariste en troisième année, il leur enseigne l’arithmétique et le thaïlandais, tout en abordant également la morale et la culture générale. Il joue avec eux au foot, au volley-ball et au badminton et les accompagne pour des activités de plein air et des pique-niques.

Le P. Peter Theeraphol Kobvithayakul, curé de la paroisse Sainte-Anne, explique qu’il souhaiterait également rencontrer de jeunes adultes migrants birmans, « mais ils n’ont pas le temps de suivre nos activités parce qu’ils travaillent. Nous avons donc décidé d’aider les enfants, comme Saw ». Saw et sa famille vivent en vase clos. Les autorités connaissent leur présence mais, officiellement, ils n’existent pas. Ils font partie des immigrés clandestins, sans aucun droit ni permis de travail et ils ne sont tolérés que parce que les entreprises et les employeurs ont besoin d’une main-d’œuvre bon marché (1).

Selon le ministère du Travail, deux millions de migrants clandestins, essentiellement originaires du Cambodge, du Laos et de Birmanie, sont présents dans le pays. En Thaïlande comme ailleurs, les travailleurs étrangers sans papiers se situent au bas de l’échelle sociale.

D’après les enseignantes de la paroisse, l’industrie de la pêche est particulièrement connue pour ses conditions de travail dangereuses et difficiles. Les travailleurs clandestins prennent en effet les emplois que les Thaïlandais ne veulent pas faire ou pour lesquels ils exigent d’être mieux payés. Les statistiques du ministère du Travail estiment le nombre de travailleurs clandestins entre 300 000 et 400 000 dans la province de Samut Sakhon, principalement sur les chalutiers ou dans les conserveries, où les clandestins trient les crevettes.

Confrontés à des vies difficiles et à la discrimination, beaucoup de migrants birmans tombent dans la drogue ou l’alcool, rapportent les enseignantes qui s’efforcent de les aider à sortir de la dépendance. Dès qu’ils arrivent, « nous les aidons en leur enseignant le thaïlandais, un peu de morale et d’autodiscipline », explique Thitimaphorn Chaisamut. Ces deux jeunes bouddhistes travaillent auprès des jeunes depuis trois ans. Beaucoup arrivent en ne sachant parler que la langue de leur ethnie natale.

« Saw est un bon garçon, explique Thitimaphorn Chaisamut. Il ne boit pas et ne fume pas. » Assis en train de recopier des caractères thaïs, l’adolescent birman confie : « Je donne tout ce que je gagne à ma mère. » Ses parents sont venus en Thaïlande il y a quelques années pour trouver un emploi. Son père travaille sur un bateau et sa mère dans une usine. Saw raconte qu’il travaille de longues heures pour 4 700 bahts (81 euros environ) par mois. Pour la région de Bangkok et de Samut Sakhon, le ministère du Travail a fixé à 191 baths le salaire minimum journalier. Saw et ses parents vivent à l’étroit dans une petite pièce d’un immeuble habité par des dizaines de travailleurs migrants venus de Birmanie.

Le P. Theeraphol Kobvithayakul confie que beaucoup de gens de sa paroisse ne voient pas d’un bon œil le fait qu’il s’occupe des enfants de travailleurs migrants. « Nous n’aimons pas ces gamins morveux », disent-ils. Le prêtre explique que les habitants de la région craignent que des migrants mieux formés exigent des salaires plus importants et qu’ainsi ils finissent par gagner davantage que les travailleurs thaïlandais. Quant à lui, précise-t-il, il souhaite seulement que les enfants grandissent et deviennent des adultes responsables. « Nous aimerions les voir grandir et devenir de bons citoyens », c’est pourquoi « nous essayons de faire ce que nous pouvons pour eux », a-t-il conclu.

(1) Au sujet de l’exploitation des travailleurs migrants en Thaïlande, voir EDA 399, 411 et 441

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ZENIT Staff

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