Texte intégral de l’homélie du pape prononcée au cours de la messe à Altötting

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ROME, Dimanche 17 septembre 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de la messe qu’il a présidée le 11 septembre dernier sur la place du Sanctuaire d’Altötting.

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Chers confrères dans le ministère épiscopal et sacerdotal !
Chers frères et sœurs !

Dans la première lecture, dans le Psaume responsorial et dans le passage de l’Evangile de ce jour nous rencontrons trois fois, de manière toujours différente, Marie, la Mère du Seigneur, comme une personne qui prie. Dans le Livre des Actes, nous la rencontrons au milieu de la communauté des Apôtres, qui se sont réunis au Cénacle et qui invoquent le Seigneur qui est monté au Père, afin qu’il accomplisse sa promesse : « Mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours » (Ac 1, 5). Marie guide l’Eglise naissante dans la prière ; elle est presque l’Eglise priante en personne. Et ainsi, avec la grande communauté des saints et comme leur coeur, elle se trouve encore aujourd’hui devant Dieu et intercède pour nous, demandant à son fils d’envoyer à nouveau son Esprit dans l’Eglise et dans le monde et de renouveler la face de la terre.

Nous avons répondu à cette lecture en chantant avec Marie la grande louange qu’elle avait entonnée, quand Elisabeth l’appela bienheureuse en raison de sa foi. C’est une prière d’action de grâce, de joie en Dieu, de bénédiction pour ses grandes œuvres. La teneur de ce chant apparaît immédiatement dans la première parole : « Mon âme magnifie — c’est-à-dire rend grand — le Seigneur ». Rendre Dieu grand signifie lui faire de la place dans le monde, dans sa propre vie, le laisser entrer dans notre temps et dans notre action : telle est l’essence la plus profonde de la véritable prière. Là où Dieu devient grand, l’homme ne devient pas petit : là, l’homme aussi devient grand et le monde lumineux.

Enfin, dans le passage de l’Evangile Marie adresse à son Fils une demande en faveur de ses amis qui se trouvent en difficulté. A première vue, cela peut sembler une conversation tout à fait humaine entre une Mère et son Fils ; et, en effet, c’est également un dialogue rempli d’une profonde humanité. Toutefois, Marie ne s’adresse pas simplement à Jésus comme à un homme, en comptant sur son initiative et sa disponibilité à porter secours. Elle confie une nécessité humaine à son pouvoir — à un pouvoir qui va au-delà de l’habileté et de la capacité humaine. Et ainsi, dans le dialogue avec Jésus, nous la voyons réellement comme une Mère qui demande, qui intercède. Cela vaut la peine d’approfondir un peu plus la compréhension de ce passage de l’Evangile : pour mieux comprendre Jésus et Marie, mais précisément aussi pour apprendre de Marie à prier de manière juste. Marie n’adresse pas une véritable demande à Jésus. Elle dit simplement : « Ils n’ont pas de vin » (Jn 2, 3). En Terre Sainte, les noces étaient fêtées pendant une semaine entière ; tout le village y participait, et l’on consommait donc de grandes quantités de vin. Or, les époux se trouvent en difficulté, et Marie le dit simplement à Jésus. Elle ne demande pas une chose précise, et encore moins que Jésus exerce son pouvoir, accomplisse un miracle, produise du vin. Elle confie simplement le fait à Jésus et Lui laisse la décision sur la façon de réagir. Nous constatons ainsi deux choses dans les simples paroles de la Mère de Jésus : d’une part, sa sollicitude affectueuse pour les hommes, l’attention maternelle avec laquelle elle ressent la situation difficile d’autrui ; nous voyons sa bonté cordiale et sa disponibilité à aider. Telle est la Mère vers laquelle les fidèles se mettent en pèlerinage depuis des générations, ici à Altötting. C’est à Elle que nous confions nos préoccupations, les nécessités et les situations douloureuses. Cette bonté prête à aider de la Mère, à laquelle nous nous confions, c’est ici, dans l’Ecriture Sainte, que nous la voyons pour la première fois. Mais à ce premier aspect très familier à tous s’en ajoute un autre, qui nous échappe facilement : Marie remet tout au jugement du Seigneur. A Nazareth, elle a remis sa volonté, la plongeant dans celle de Dieu : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1, 38). Telle est son attitude permanente de fond. Ainsi, elle nous enseigne à prier : ne pas vouloir affirmer face à Dieu notre volonté et nos désirs, puissent-ils nous paraître importants, raisonnables ; mais les apporter devant Lui et le laisser décider ce qu’il veut faire. De Marie nous apprenons la bonté prête à aider, mais également l’humilité et la générosité d’accepter la volonté de Dieu, en ayant confiance en Lui, certains que sa réponse, quelle qu’elle soit, sera notre bien, mon bien véritable.

Je crois que nous pouvons très bien comprendre l’attitude et les paroles de Marie ; il nous est cependant d’autant plus difficile de comprendre la réponse de Jésus. Déjà, l’appellation ne nous plaît pas : « Femme » — pourquoi ne dit-il pas : mère ? En réalité, ce titre exprime la position de Marie dans l’histoire du salut. Il renvoie à l’avenir, à l’heure de la crucifixion, où Jésus lui dira : « Femme, voici ton fils — Fils, voici ta mère » (cf. Jn 19, 26-27). Il indique donc à l’avance l’heure où Il rendra la femme, sa mère, mère de tous ses disciples. D’autre part, ce titre évoque le récit de la création d’Eve : Adam, au milieu de la création et de toute sa richesse, se sent seul comme être humain. Eve est alors créée, et en elle il trouve la compagne qu’il attendait et qu’il appelle du nom de « femme ». Ainsi, dans l’Evangile de Jean, Marie représente la femme nouvelle, définitive, la compagne du Rédempteur, notre Mère : l’appellation apparemment peu affectueuse exprime en revanche la grandeur de sa mission éternelle.

Mais ce que Jésus dit ensuite à Marie, à Cana, nous plaît encore moins : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore arrivée » (Jn 2, 4). Nous serions tentés de dire : Tu as beaucoup à voir avec elle ! C’est elle qui t’a fait chair et sang, qui t’a donné ton corps. Et pas seulement ton corps : avec son « oui », provenant du plus profond de son cœur, elle t’a porté dans son sein et avec amour maternel elle t’a donné le jour et introduit dans la communauté du peuple d’Israël. Mais si nous parlons ainsi avec Jésus, nous sommes déjà sur la bonne voie pour comprendre sa réponse. Car tout cela doit rappeler à notre esprit que lors de l’incarnation de Jésus, il existe deux dialogues qui vont de pair et se fondent l’un avec l’autre, et deviennent une seule chose. Il y a tout d’abord le dialogue que Marie entretient avec l’Archange Gabriel, et dans lequel elle dit : « Qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1, 38). Mais il existe un texte parallèle à celui-ci, un dialogue, pour ainsi dire, à l’intérieur de Dieu, qui nous est rapporté par la Lettre aux Hébreux, quand il est dit que les paroles du Psaume 40 sont devenues comme un dialogue entre le Père et le Fils — un dialogue dans lequel commence l’incarnation. Le Fils éternel dit au Père : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps… Voici je viens… pour faire […] ta volonté » (He 10, 5-7 ; cf. Ps 40, 6-8). Le « oui » du Fils : « Je viens pour faire ta volonté », et le « oui » de Marie : « Qu’il m’advienne selon ta parole » — ce double « oui » devient un unique « oui », et ainsi le Verbe devient chair en Marie. Dans ce double « oui », l’obéissance du Fils prend corps ; Marie, avec son « oui » lui donne un corps. « Que me veux-tu, femme ? ». Ce qu’au plus profond ils ont à voir l’un avec l’autre, est ce double « oui », dans la concomitance duquel a eu lieu l’incarnation. C’est ce point de leur très profonde unité que le Seigneur vise avec sa réponse. C’est précisément là que renvoie la Mère. Là, dans ce « oui » commun à la volonté du Père, se trouve la solution. Nous devons nous aussi apprendre toujours à nouveau à nous acheminer vers ce point ; là apparaît la réponse à nos interrogations.

A partir de là, nous comprenons à p
résent également la deuxième phrase de la réponse de Jésus : « Mon heure n’est pas encore venue ». Jésus n’agit jamais seulement de lui-même ; jamais pour plaire aux autres. Il agit toujours en partant du Père, et c’est précisément cela qui l’unit à Marie, car là, dans cette unité de volonté avec le Père, elle a voulu elle aussi déposer sa demande. C’est pourquoi, après la réponse de Jésus, qui semble repousser la demande, elle peut dire de manière surprenante aux serviteurs avec simplicité : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Jésus n’accomplit pas un prodige, il ne joue pas de son pouvoir dans un événement qui est au fond entièrement privé. Non, Il accomplit un signe, avec lequel il annonce son heure, l’heure des noces, l’heure de l’union entre Dieu et l’homme. Il ne « produit » pas simplement du vin, mais il transforme les noces humaines en une image des noces divines, auxquelles le Père invite à travers le Fils et dans lesquelles Il donne la plénitude du bien, représentée dans l’abondance du vin. Les noces deviennent l’image de ce moment, où Jésus pousse l’amour jusqu’à l’extrême, laisse déchirer son corps et se donne ainsi à nous pour toujours, devient une seule chose avec nous — noces entre Dieu et l’homme. L’heure de la Croix, l’heure à laquelle naît le Sacrement dans lequel il se donne réellement à nous avec sa chair et son sang, où il place son Corps entre nos mains et dans notre cœur, telle est l’heure des noces. Ainsi, de manière véritablement divine, est également résolue la nécessité du moment et la demande initiale largement dépassée. L’heure de Jésus n’est pas encore arrivée, mais dans le signe de la transformation de l’eau en vin, dans le signe du don de fête, il anticipe déjà son heure à ce moment.

Son « heure » est la Croix ; son heure définitive sera son retour à la fin des temps. Il anticipe également sans cesse précisément cette heure définitive dans l’Eucharistie, dans laquelle il vient toujours déjà maintenant. Et il le fait toujours à nouveau par l’intercession de sa Mère, par l’intercession de l’Eglise, qui l’invoque dans les prières eucharistiques : « Viens, Seigneur Jésus ! ». Dans le Canon, l’Eglise implore toujours à nouveau cette anticipation de l’« heure », elle demande qu’il vienne déjà à présent et qu’il se donne à nous. Ainsi, nous voulons nous laisser guider par Marie, par la Mère des grâces d’Altötting, par la Mère de tous les fidèles, vers l’« heure » de Jésus. Nous Lui demandons le don de le reconnaître et de le comprendre toujours davantage. Et faisons en sorte que le moment où l’on reçoit ne soit pas seulement limité à celui de la Communion. Il reste présent dans l’Hostie sainte et nous attend sans cesse. L’adoration du Seigneur dans l’Eucharistie a trouvé à Altötting, dans l’antique salle du trésor, un lieu nouveau. Marie et Jésus vont de pair. A travers Elle nous voulons continuer à dialoguer avec le Seigneur, en apprenant ainsi à mieux le recevoir. Sainte Mère de Dieu, prie pour nous, comme à Cana tu as prié pour les époux ! Guide-nous vers Jésus — toujours à nouveau ! Amen !

© 2006 Texte original : Libreria Editrice Vaticana
Traduction réalisée par Zenit

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ZENIT Staff

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