Témoignage: "Voulez-vous un enfant cappuccino ou à la cannelle ?"

Print Friendly, PDF & Email

Entrevue avec Damon Hill

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Mercredi 4 juillet 2001 (ZENIT.org) – « Lorsque vous voyez un bébé et qu’il est le vôtre, vous vous dites que personne au monde ne l’aimera autant que vous ». « Gènéthique » propose sur son site (http://www.genethique.org) cette entrevue avec le champion du monde de Formule 1, Damon Hill. Lui et sa femme, Georgie, ont un fils de 11 ans, Olivier, qui est « trisomique 21 ». Le champion du monde se dit « très inquiet de toutes les tentatives faites pour « perfectionner » l’humanité ». Il regrette aussi dans ce domaine un manque d´information des médecins.

-Gènéthique: Vous êtes connu pour vos victoires en F1, mais aussi pour votre action dans une association de parents d’enfants trisomiques, DSA (Down Syndrome Association) à Londres. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de votre engagement ?.
-Damon Hill: J’ai un fils Oliver, trisomique 21 qui a maintenant 11 ans. C’est un garçon merveilleux. Je veux l’aider à vivre sa vie pleinement. Nous avons su qu’il était trisomique après sa naissance. Nous n’avions pas fait de tests avant. Ce fut un véritable choc. Quand nous l’avons appris c’était trop tard. Aujourd’hui nous ne regrettons rien car si nous avions fait ces tests Oliver ne serait pas là, or il est notre bonheur. Oliver est vraiment une personne très très importante dans notre vie ! Nous l’aimons et il est un adorable petit bonhomme. Je crois qu’il a une vie de qualité, une vie bien remplie et heureuse, aussi heureuse que n’importe qui.

-Gènéthique: Comment votre femme et vous, avez réagi à cette annonce ?
-Damon Hill: Ma femme, Georgie, est une personne très importante dans cette histoire. Notre histoire est simple.
Oliver est notre premier enfant et il est né un soir. Après l’accouchement je suis rentré chez moi.
Je suis revenu le lendemain matin et les médecins voulaient nous voir. Georgie pleurait et ils ont simplement dit : « Quand est-ce que votre mari arrive ? Nous devons sérieusement vous parler ». Nous avons compris qu’il y avait un problème. Ils nous ont alors annoncé avec des têtes allongées qu’Oliver était trisomique. Et la façon dont ils nous ont dépeint le tableau était absolument épouvantable.
Oliver a maintenant 11 ans et il est tout sauf ce qu’ils nous avaient décrit. Il n’a pas eu trop de problèmes médicaux. Plus il est actif plus il est heureux. C’est un enfant qui a une vie normale. Il va à l’école. Il y est complètement intégré mais il va dans une école spécialisée. Il y est heureux. Il sait se servir d’un ordinateur. Il sait se servir mieux que moi du magnétoscope. Il connaît chaque film de Disney, chaque chanson et toutes les danses. Il est comme tous les autres garçons. Il a son tempérament. Il se bat avec sa sœur. Il peut écrire son nom. Il reconnaît et peut lire certains mots. Sa prononciation est très difficile, mais il se fait comprendre. Il adore la musique …Il est gai, amusant. Il a beaucoup d’humour.

-Gènéthique: Comment cela s’est-il passé ensuite ?
-Damon Hill: Ma femme était très malheureuse. Pour moi, la situation était simple : lorsque vous voyez un bébé et qu’il est le vôtre, vous vous dites que personne au monde ne l’aimera autant que vous. Alors vous ne le regardez pas de haut. Vous ne regardez que le moment présent. Vous avez un rôle à tenir qui est absolument indispensable et le futur va en quelque sorte prendre soin de vous. C’est en tous les cas la façon dont je vois les choses. Je me suis dit : « Bien, je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve mais aujourd’hui nous devons agir avec ce que nous avons et voir comment cela va s’arranger. » Il n’y a pas eu vraiment de mûre réflexion. Comme tout parent, je voulais donner le meilleur à mon enfant.

-Gènéthique: Pensez-vous qu’il y a un manque d’information de la part des médecins ?
-Damon Hill: Oui. Et c’est incroyable ! Les médecins poursuivent des études pendant 7 ans et ils ne sont pas formés sur ces questions. Il semble que lorsqu’il s’agit d’une naissance, le bébé doit correspondre à 100% aux critères prédéfinis, sinon c’est un échec. On vous regarde comme les acteurs d’une tragédie. Mais c’est la vie ! Ce n’est pas une tragédie ! Les médecins font naître des bébés tous les jours dans les maternités et cela depuis des siècles. Mais lorsque vous avez un enfant trisomique, un sur mille, tout ce système part en miettes. Les médecins ne sont pas entraînés à affronter cet événement ! C’est pourtant essentiel pour expliquer aux parents, de façon positive, qui sont ces enfants, pour qu’ils puissent véritablement choisir sans subir la pression sociale. Cette décision ne peut-être celle du médecin ou de la société. C’est important car au moment de l’annonce du handicap, le choc émotionnel est très fort.

-Gènéthique: Est-ce que cela a changé votre vie ?
-Damon Hill: De la même manière que tout enfant change votre vie.
Mais surtout cela vous fait réaliser que la société n’est pas prête à accueillir les personnes handicapées. La société propose qu’il n’y ait plus d’enfant trisomique : « On peut tout stopper avant la naissance ». Mais cela ne tient pas compte des sentiments, des émotions que peuvent ressentir les parents. Je parle seulement de ma propre expérience et de celle d’autres parents que j’ai écoutés. Je pense que c’est la même chose en France qu’en Angleterre. Cette question devrait toucher tout le monde, elle est fondamentale parce qu’on nous demandera bientôt : « Comment voudriez-vous votre enfant ? Voulez-vous un enfant cappuccino ou à la cannelle ? Vous le voulez au féminin ou au masculin ? De quelle couleur voulez-vous ses yeux ?» Nous voulons que les autres soient parfaits et c’est très pathétique. C’est très facile de simplement éliminer les trisomiques. Et quand il n’y aura plus de trisomiques ? Ensuite qui désignera-t-on ? Les gens qui ont des gènes prédisant qu’ils ne seront pas bons en maths ? Où devons-nous nous arrêter ?
Je suis très très inquiet de toutes les tentatives faites pour « perfectionner » l’humanité. Nous sommes pris dans un engrenage, nous sommes sous pression, mais nous devons arrêter cela et choisir réellement là où nous allons. Il ne faut pas avoir peur. On a peur de ce qu’on ne comprend pas. Mais l’amour est la réponse à tout. Vous avez un enfant, vous l’aimez, simplement. Tous les enfants ont besoin d’amour pour s’épanouir et dans notre cas cela a été prouvé !

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel