Primauté et collégialité selon le pape François (1)

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Une réforme de l’exercice de la primauté fait partie de la nouvelle évangélisation

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« Primauté et collégialité selon le pape François. Pour sortir de la léthargie »: sous ce titre, L’Osservatore romano du 31 janvier, en italien, a publié la conférence donnée par le cardinal nommé Gerhard Ludwig Müller, en Espagne, à Valence.

« Une réforme de l’exercice de la primauté fait aussi partie de la nouvelle évangélisation », fait observer l’archevêque, avant d’ajouter: « Après la synthèse ecclésiologique du concile Vatican II, une interprétation antagoniste ou dialectique du rapport entre l’Église universelle et les Églises locales est exclue ».

L’archevêque préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi est intervenu à Valence, à l’université catholique Saint Vincent martyr, à la douzième édition des Conversations de droit canonique. Le cardinal élu a donné une conférence intitulée « Collégialité et exercice de l’autorité suprême dans l’Église ». En voici quelques extraits dans notre traduction de la première partie.

***

On ne peut parler de l’Église qu’en partant de la question de Dieu et de la connaissance de sa présence humaine en Jésus-Christ pour le monde. Face aux tragédies mondiales et quotidiennes des guerres civiles et du terrorisme, face à la pauvreté et à l’exploitation, à la misère des réfugiés, à la mort due aux drogues, au nombre croissant de suicides et à la dépendance pornographique de vingt pour cent des jeunes, face à la crise du sens et à la désorientation spirituelle et morale de millions de personnes, l’Église de Dieu a la charge historique de donner une nouvelle espérance aux gens. Mais l’Église n’est pas la lumière ; elle peut seulement rendre témoignage à la lumière qui illumine chaque personne, à Jésus-Christ, Fils de Dieu et rédempteur de l’humanité entière.

C’est en partant de la connaissance de Dieu que l’on voit si l’homme est conscient de sa vocation divine et s’il a un avenir dans ce monde et au-delà.

Une Église qui ne serait préoccupée que de ses propres problèmes structurels serait terriblement anachronique et éloignée de la réalité. En effet, dans son être et dans sa mission, elle n’est pas autre chose que l’Église du Dieu trine, origine et but de tout homme et de l’univers entier. Une nouvelle mise au point de l’autonomie et de la collaboration des Églises locales, de la collégialité épiscopale et de la primauté du pape ne doit jamais perdre de vue le défi historique que représente la question de Dieu.

Dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium, le pape François parle d’une « décentralisation » salutaire. La vie de l’Église ne peut se concentrer autant sur le pape et sur la Curie, comme si ce qui se passait dans les paroisses, dans les communautés et dans les diocèses n’était que secondaire. Le pape et les évêques renvoient d’abord au Christ qui, seul, donne l’espérance aux hommes. Le pape ne peut et ne doit pas comprendre à partir du centre, de Rome, les multiples conditions de vie qui émergent pour l’Église dans les nations et les cultures particulières, ni résoudre personnellement tous les problèmes locaux. Une centralisation excessive de l’administration n’aiderait pas l’Église mais ferait au contraire obstacle à son dynamisme missionnaire (Evangelii gaudium, 32).

C’est pourquoi une réforme de l’exercice de la primauté fait aussi partie de la nouvelle évangélisation, qui a été le thème du dernier synode des évêques (7 – 28 octobre 2012). Cela concerne les institutions chargées de la conduite universelle de l’Église, et donc, de manière particulière, les dicastères de la Curie romaine, dont se sert le pape dans l’exercice de son pouvoir suprême, plénier et immédiat sur l’Église universelle.  « C’est donc en son nom et par son autorité que ceux-ci [les dicastères] remplissent leur tâche pour le bien des Églises et le service des pasteurs sacrés » (Christus Dominus, n.9). Dans le sens de la nouvelle évangélisation, les évêques, les synodes et les conférences épiscopales doivent aussi être conscients qu’ils ont une plus grande responsabilité, y compris « une certaine compétence magistérielle ». Celle-ci, en effet, leur appartient grâce à la consécration et à la mission canonique, et non pas uniquement par le biais d’un mandat spécial du pape.

« Les évêques qui enseignent en communion avec le pontife romain ont droit, de la part de tous, au respect qui convient à des témoins de la vérité divine et catholique » (Lumen gentium, n.25). Le magistère papal ne se substitue pas à l’enseignement des évêques et à leur action, au niveau national ou même continental (par exemple les documents du Celam : Puebla, Medellin, Santo Domingo, Aparecida) mais il le présuppose et le promeut dans sa responsabilité de l’Église entière (Evangelii gaudium, n.16).

Le pape fait expressément référence au motu proprio Apostolos suos (1998), dans lequel Jean-Paul II, en s’appuyant sur le concile Vatican II, a circonscrit l’essentiel des tâches des conférences épiscopales. Contrairement aux interprétations superficielles, il ne s’agit pas du signal d’un changement de direction ou d’une « révolution au Vatican ». L’Église ne pourrait se permettre des luttes de pouvoirs et des conflits de compétences qu’au détriment de son mandat missionnaire. Après la synthèse ecclésiologique du concile Vatican II, une interprétation antagoniste ou dialectique du rapport entre l’Église universelle et les Églises locales est exclue. Les historiens extrêmes du papisme/curialisme d’un côté et épiscopalisme/(conciliarisme/gallicanisme/febronianisme/vétérocatholicisme) de l’autre ne peuvent que nous montrer que cela ne marche pas et comment l’absolutisation d’un élément constitutif au détriment d’un autre contredit la profession de l’Église une, sainte, catholique et apostolique.

à suivre

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Avec l’aimable autorisation de L’Osservatore Romano


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Gerhard Ludwig Müller

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