"Mondialisation et bien commun"

Réflexiond eJ. Lecaillon

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ROME, Mardi 17 juillet (Zenit.org) – France-Catholique (http://www.france-catholique.fr) publie cette réflexion de M. Jacques Lecaillon à propos de la mondialisation. Nous la publions intégralement, au moment où, en Italie, les vaix catholique se font entendre chaque jour pour offrir des propositions sur la façon de guider la mondialisation à la lumière de l´Evangile.

– Mondialisation et bien commun –

La mondialisation divise les esprits, y compris ceux des chrétiens. Certains y reconnaissent l’universalisme de l’Eglise catholique, d’autres en redoutent les possibles conséquences sociales. Des Assises chrétiennes de la mondialisation sont désormais à l’ordre du jour.

Une des raisons majeures de ces interrogations tient au fait qu’on peut trouver dans la pensée économique plusieurs conceptions du bien commun selon le point de vue auquel on se place (1). Dans la théorie classique du libre-échange qui a triomphé dans la seconde moitié du 19ème siècle et sert, dans ses grandes lignes, de référence à la conception libérale, l’échange entre individus rationnels leur permet de satisfaire au mieux leurs besoins. Et comme la concurrence empêche les entreprises de vendre à des prix sensiblement supérieurs aux coûts de production, cette satisfaction atteint son maximum possible. L’intérêt général se confond entièrement avec celui des consommateurs, c’est-à-dire de tous, de telle sorte que le bien commun ne peut être que celui de l’humanité prise dans son ensemble. Avec des Etats modestes, les nations ne sont en effet que des acteurs de second plan, si bien que la conception du bien commun apparaît d’emblée universaliste. La liberté des échanges est donc toujours préférable au protectionnisme et de savants calculs ont d’ailleurs confirmé que la libération du commerce se traduisait par une augmentation du PIB mondial.

Le paradoxe, c’est que pour libérer les échanges entre pays ayant des intérêts propres, d’âpres marchandages entre Etats plus ou moins interventionnistes sont inévitables. Dans la doctrine keynésienne qui a dominé la pensée économique à partir des années 1930, les intérêts nationaux se confondent avec ceux des producteurs capables de créer des emplois sur le territoire national. Le libre-échange est conçu comme le libre accès aux marchés étrangers car l’exportation soutient la production nationale et l’emploi, alors que l’importation n’est guère qu’un pis-aller auquel il convient de se résigner. Par suite, la notion de bien commun éclate en autant d’éléments qu’il existe de nations dans le monde !

Dans cette perspective, la libération des échanges demeure globalement avantageuse ; mais le partage des gains entre pays devient un enjeu capital, car les procédures de négociation à l’échelle internationale, leurs règles du jeu, laissent souvent transparaître, au-delà des intérêts matériels, l’inégale influence des partenaires à la négociation. Les choix effectués relèvent de stratégies encore peu familières et la théorie économique peine à définir un bien commun mondial à partir de la confrontation d’intérêts nationaux divergents.

Et cela d’autant plus que la libération des échanges modifie la répartition des revenus à l’intérieur de chaque pays. Si l’avantage reçu par l’ensemble des consommateurs sous forme de baisse de prix et d’élévation du niveau de vie, reste diffus, certaines professions tirent nettement profit de l’ouverture des frontières. D’autres sont perdantes du fait de la nouvelle concurrence étrangère et revendiquent aides et soutiens. La théorie préconise dans ce cas de prélever une partie des gains des gagnants pour indemniser les perdants ; mais cette opération est délicate et dépend de la capacité d’arbitrage de l’Etat et de sa propre vision de l’intérêt général. Le risque est grand que , face à la multiplication des revendications et à la défense des droits acquis, la notion même de bien commun se désintègre pour tenir compte des pressions des entreprises et des syndicats les plus revendicatifs et les mieux organisés. Les intérêts immédiats des consommateurs sont alors sacrifiés à la puissance des lobbies et des corporatismes.

La relation universaliste entre bien commun, intérêt du consommateur et concurrence se relâche sans être véritablement relayée par une conception de l’intérêt général unanimement acceptée. La réflexion chrétienne a donc de beaux jours devant elle !

Jacques Lecaillon

(1) Le problème a été abordé au Congrès des économistes de langue française qui s’est tenu à Montréal fin mai 2001.

© France Catholique

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ZENIT Staff

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