L'archevêque luthérien Panti Filibus Musa © Vatican Media

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Fédération luthérienne mondiale: allocution de l’archevêque Panti Filibus Musa (texte complet)

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Le calice et la patène des frères de Taizé

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« C’est avec gratitude que nous venons partager aujourd’hui, catholiques et luthériens, notre joie et notre espérance, sur ce chemin qui nous mène du conflit à la communion »: l’archevêque de l’Église luthérienne du Christ au Nigeria, Panti Filibus Musa, président de la Fédération luthérienne mondiale (FLM), a adressé une allocution au pape François à l’occasion de la visite d’une délégation de la FLM au Vatican, hier, vendredi 25 juin 2021.

L’archevêque Panti Filibus Musa et le pape François « ont exprimé l’espoir que le 500e anniversaire de la Confession d’Augsbourg en 2030 puisse devenir un terrain d’entente sur lequel renforcer l’engagement des luthériens et des catholiques en faveur de l’unité et de la réconciliation », souligne la FLM.

Le président de la FLM a remis au pape François un calice et d’une patène, « confectionnés pour l’occasion par les frères de la Communauté œcuménique de Taizé »: la patine des vases eucharistiques a été réalisée avec du sable provenant du camp de réfugiés de Za’atari, en Jordanie, où la FLM travaille depuis 2012 pour soutenir les réfugiés syriens, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les communautés d’accueil. Ce cadeau, a déclaré le président Musa au pape, « représente notre appel à être un ».

La FLM relève que dans son discours, le pape a remercié les dirigeants luthériens pour les dons qui, selon lui, « évoquent notre participation à la passion du Seigneur » : « Continuons donc avec passion notre chemin du conflit à la communion. »

L’archevêque nigérian conduit une délégation de représentants de toutes les régions de la communion mondiale des Eglises en visite à Rome pour deux jours, dans le sillage de « l’étape importante dans les relations œcuméniques en 2016, lorsque le pape François a rencontré les dirigeants luthériens dans les villes suédoises de Lund et Malmö pour une commémoration conjointe de la Réforme ».

L’archevêque Musa a souligné que le chemin oecuménique est « irréversible » et il a incité catholiques et luthériens à envisager la commémoration de la Confession d’Augsbourg dans « l’espérance que nous renouerons avec son intention œcuménique d’origine ».

« La Confession d’Augsbourg, explique la FLM, est la principale confession de foi des églises luthériennes du monde entier. Initialement, elle a été présentée comme une confession œcuménique à la Diète d’Augsbourg le 25 juin 1530 dans le but de rétablir l’unité religieuse et politique au sein de l’Église. »

A ce propos la FLM relève un autre passage de l’allocution du pape François qui a également noté qu’à l’origine la Confession « représentait une tentative d’éviter la menace d’une division du christianisme occidental », affirmant qu’il espérait qu’ « une réflexion partagée » à l’approche de 2030″ profite au chemin oecuménique » en soulignant le travail de la grâce: « L’œcuménisme n’est pas un exercice de diplomatie ecclésiale mais un chemin de grâce. Elle ne dépend pas des négociations et des accords humains, mais de la grâce de Dieu, qui purifie les mémoires et les cœurs, surmonte les attitudes d’inflexibilité et oriente vers une communion renouvelée : non vers des accords réducteurs ou des formes de syncrétisme irénique, mais vers une unité réconciliée au milieu des différences.« 

L’archevêque luthérien a pour sa part aussi relevé que 2021 marque également l’un des « souvenirs difficiles » du passé : le 500e anniversaire de l’excommunication de Martin Luther par le pape Léon X. Soulignant qu’il n’est pas possible de raconter une autre l’histoire, mais de raconter cette histoire différemment, Musa a déclaré que la participation du pape à la prière commune de Lund était « un symbole puissant de ce que Dieu a accompli » sur la voie de la réconciliation et de la reconnaissance mutuelle « en tant que sœurs et frères ».

Un groupe d’étude de théologiens catholiques et luthériens étudie le contexte historique et théologique de l’excommunication en vue de l’assemblée de la FLM à Cracovie, en Pologne, en 2023.

L’archevêque a aussi remercié le pape François pour son leadership fort pendant la pandémie de COVID-19, « nous rappelant notre lien profond en tant que famille humaine ».

Il a également noté le renforcement de la coopération dans laquelle le Service mondial de la FLM et le réseau catholique d’agences d’aide et de développement Caritas Internationalis s’engagent lors de cette visite.

Rappelons que la Déclaration commune sur la doctrine de la justification , aboutie en 1997, présentée en 1998, a été officiellement signée, avec une annexe, le 31 octobre 1999, à Augsbourg, par le cardinal Edward Cassidy, alors président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens et l’évêque Christian Krause, président de la Fédération luthérienne mondiale. Elle a été préparée, côté catholique, sous la houlette du cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Joseph Ratzinger.

La déclaration est aussi signée à Séoul en 2006 par le Conseil méthodiste mondial. La Communion mondiale des Églises réformées (CMER) et la Communion anglicane l’ont signée en 2017.

« La Justification est un thème essentiel de la théologie », a déclaré le pape Benoît XVI, aujourd’hui émérite, au cours des vêpres œcuméniques célébrées à Ratisbonne (Allemagne), le 12 septembre 2006.

Pour sa part, le cardinal Kurt Koch, actuel président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a confié à Vatican News, le 8 janvier 2021, que la « confession d’Augsbourg » (Confessio Augustana), dont on célèbre les 500 ans en 2030, a « un potentiel oecuménique » qu’il faut exploiter pour l’avenir des relations entre chrétiens.

AB

Allocution de l’archevêque Panti Filibus Musa

Votre Sainteté,

C’est avec gratitude que nous venons partager aujourd’hui, catholiques et luthériens, notre joie et notre espérance, sur ce chemin qui nous mène du conflit à la communion. Il y a presque cinq ans, nous nous sommes retrouvés à Lund. Lors de la commémoration commune de la Réformation, nous avons rendu grâces, nous avons confessé nos fautes, nous avons prié ensemble et nous nous sommes engagés pour l’unité, nous reconnaissant mutuellement comme des sarments de la vraie Vigne.

Comme nous poursuivons ce cheminement commun, nous avons en vue la commémoration du 500ᵉ anniversaire de la Confession d’Augsbourg en 2030, vers laquelle nous tournons nos cœurs et nos esprits. C’est un 25 juin, comme aujourd’hui, que cette Confession fut présentée. Elle représentait un essai de poser un fondement commun pour guérir la blessure grandissante du Corps du Christ. Dans nos préparatifs de ce 500ᵉ anniversaire, j’espère que nous renouerons avec l’intention œcuménique originelle de cette Confession, pour qu’elle puisse devenir le fondement commun qui consolidera notre cheminement vers la communion.

Dans ce cheminement, il n’y a pas de marche arrière possible. Certes la mémoire du passé revient nous troubler, tendant à assombrir la voie sur laquelle Dieu nous invite à avancer. Cette année 2021 est marquée par l’un de ces souvenirs pénibles : les 500 ans de l’excommunication de Martin Luther. Nous ne pourrons pas changer l’histoire, mais nous pouvons la relire de manière à y ouvrir la promesse d’un avenir meilleur, qu’elle puisse devenir l’histoire de notre réconciliation. Votre Sainteté, votre présence et votre participation à notre Prière commune à Lund ont été déjà un puissant symbole de ce que Dieu a accompli : nous nous considérons à présent comme frères et sœurs. Je suis rempli de gratitude pour le travail partagé par la FLM et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, qui nous aidera à élaborer et à délivrer ce message commun d’espérance à l’Assemblée de la FLM à Cracovie, en Pologne, en 2023.

Lorsque nous nous sommes réunis il y a quelques années, je vous avais dit que le monde était dans la tourmente. Hélas, la situation n’a cessé de s’aggraver. Les violences, les extrémismes, les fragmentations et les rhétoriques mensongères continuent à s’afficher, créant l’oppression et la peur. La pandémie qui nous tenait dans ses griffes n’a fait qu’exacerber ces évolutions inquiétantes. Nous vous savons gré, Votre Sainteté, des paroles fermes, exigeantes et pastorales que vous avez adressées à toutes les Églises et au monde durant cette pandémie mondiale, nous rappelant ainsi le lien profond qui unit notre famille humaine.

Pour nous, la réconciliation a un visage : Jésus Christ. Et avec Jésus, le visage de notre prochain. L’amour de Dieu nous tourne vers notre prochain, la foi devient active dans l’amour. Dans la rencontre avec les pauvres et avec les personnes négligées et exploitées de par le monde, c’est le Christ que nous découvrons, le Christ qui nous rencontre, qui s’ouvre à nous, qui nous unit. Je tiens à dire ma gratitude pour la manière dont Caritas Internationalis et le Département d’entraide mondiale de la FLM se sont rapprochés dans le service du prochain. Je suis convaincu que, pour que notre cheminement du conflit à la communion déploie sa signification spirituelle la plus profonde, il doit toujours devenir un don de justice et de paix pour les personnes qui attendent un signe d’espérance dans leurs vies.

Je vous apporte des présents de la part de la communion mondiale qu’est la Fédération luthérienne mondiale. La Déclaration commune concernant la doctrine de la justification demeure l’un des jalons fondamentaux de notre cheminement. Elle a récemment été traduite en italien, accompagnée d’une préface du secrétaire général Martin Junge et du cardinal Kurt Koch qui met en valeur l’importance de la conversion intérieure. Les Églises ont part à la mission transformatrice de Dieu, incarnant le don de Dieu que sont la réconciliation et la justice, et progressent toujours plus profondément dans la communion. La rencontre des autres nous transforme en tant que personnes et en tant qu’Églises. Une partie de ce chemin se manifeste dans la Déclaration commune qui réunit aujourd’hui les communions catholique, luthérienne, anglicane, méthodiste et réformée dans la proclamation et le service d’autrui.

Je vous apporte aussi ce calice et cette patène qui symbolisent notre appel à l’unité. Ils ont été confectionnés pour la FLM par les frères de Taizé, qui ne cessent de prier pour la réconciliation. La vie de la communauté de Taizé est un témoignage de la prière et de l’action, d’une vie nourrie de la parole de Dieu et de la solidarité humaine. L’émail utilisé pour le calice et la patène a été fait avec du sable du camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie. Partager le repas du Seigneur, c’est aussi porter les fardeaux de toutes les personnes qui ont tout perdu. La solidarité née de ce repas définit ce que nous sommes et ce que nous pouvons être : un peuple qui, voyant le visage transfiguré du Christ, descend dans la vallée pour voir le Christ dans les visages défigurés des personnes exploitées, affamées et pauvres. Sur ce chemin, nous devenons pleinement l’Église, ensemble. Agissons ensemble maintenant, pour approfondir notre union de prière par une solidarité visible.

Aujourd’hui, dans le monde entier, des hommes et des femmes de confession luthérienne et catholique cherchent à discerner comment vivre l’action de Dieu qui fait de nous un seul et même peuple. Qu’à travers la prière (Taizé), le service d’autrui (Zaatari) et le dialogue, l’Esprit saint continue à nous guider, pour qu’un jour nous soyons réunis autour de la Table où Dieu, par le don du Christ, nous a déjà fait un.

Source: Fédération luthérienne mondiale

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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