Dialogue à propos du « Téléthon » français : réflexions de Mgr di Falco

Pour la transparence sur l’usage des fonds

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ROME, Vendredi 1er décembre 2006 (ZENIT.org) – Dans le cadre du dialogue initié à il a quelques semaines en France à propos du financement d’expériences sur les embryons par le « Téléthon » français, nous publions ci-dessous une réflexion de Mgr Jean-Michel di Falco, évêque de Gap (cf. www.diocesedegap.com). Il demande la transparence sur l’usage des fonds.

Vendredi 01 Décembre 2006

A propos du Téléthon

A l’approche du traditionnel Téléthon, l’Eglise est questionnée quant aux recherches financées par l’association française contre les myopathies (AFM), dont certaines sont pratiquées sur des cellules souches embryonnaires. Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de Gap, publie le texte ci-dessous* afin de permettre à ceux qui le souhaitent de s’informer sur les enjeux de ce débat. Il rejette le boycott et les appels à partir en croisade, jugeant que l’on n’a pas le droit de balayer d’un revers de main les progrès accomplis dans la recherche grâce aux donateurs du Téléthon et d’ignorer les souffrances ainsi apaisées. Il demande aux organisateurs du Téléthon la transparence sur l’usage des fonds. L’évêque de Gap rappelle la doctrine de l’Eglise tout en se refusant à dicter des comportements, laissant à chaque catholique le soin d’agir en connaissance de cause et selon sa conscience.

Vouloir se faire proche de celui qui souffre

La recherche pour soulager la souffrance des autres, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants qui subissent une maladie aussi terrible que la myopathie, est vivement souhaitée et doit être encouragée. Se mobiliser ensemble, participer à un élan commun pour une juste cause, permet à chacun de réveiller en lui une générosité sincère et désintéressée.

Vouloir soutenir la recherche scientifique qui vise à soigner les maladies incurables est une action digne d’encouragements, ainsi que le rappelait récemment le pape Benoît XVI : « Lorsque la science s’applique à soulager la souffrance et lorsque, sur ce chemin, elle découvre de nouvelles ressources, elle se révèle doublement riche en humanité : en vertu de l’effort de l’intelligence investie dans la recherche et en vertu du bénéfice espéré pour tous ceux qui sont frappés par la maladie.. Les personnes qui fournissent les moyens financiers et qui encouragent les structures d’études nécessaires participent elles aussi au mérite de ce progrès sur la voie de la civilisation » (Discours du Pape Benoît XVI, le 16/09/2006).

Le respect de la vie humaine

La foi au Christ suppose le respect de la vie humaine dès son commencement. Il s’agit là d’un enseignement intrinsèque à la foi chrétienne, qui trouve sa source première dans le commandement « Tu ne tueras pas ». Le respect de la vie humaine en ses commencements les plus reculés est explicitement présent en filigrane dans la Bible : « Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais » (Jérémie 1:5) ; « J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom (..) le Seigneur parle, lui qui m’a formé dès le sein de ma mère (..) Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur » (Isaïe 49) ; « Je suis incapable de dire comment vous vous êtes formés dans mes entrailles. Ce n’est pas moi qui vous ai donné l’esprit et la vie, qui ai organisé les éléments dont chacun de vous est composé. C’est le Créateur du monde qui façonne l’enfant à l’origine, qui préside à l’origine de toute chose » (II Maccabées 7) ; Cet enseignement présent chez les premiers chrétiens, notamment dans la Didaché (150 après Jésus-Christ) et la Tradition Vivante de l’Eglise, a été repris et conforté explicitement par les 2300 pères du Concile Vatican II qui, à l’unisson, ont affirmé : « La vie doit donc être sauvegardée avec un soin extrême dès la conception » (Concile Vatican II, GS, 51-3).
Dans la même, lignée, le pape Jean-Paul II a réaffirmé la nécessité incontournable du principe de précaution qui consiste à respecter la valeur de toute vie humaine dès sa conception. (Encyclique « L’Evangile de la vie », 1995).

La recherche sur les cellules souches embryonnaires

Dans le domaine de la recherche médicale, la technologie et la loi permettent depuis peu la recherche sur les cellules souches embryonnaires. De nombreux pays, dont la France, se sont lancés dans ce domaine de recherche. L’intérêt pour les cellules souches embryonnaires est lié au fait qu’elles sont en mesure de produire toutes sortes de cellules (neurones, muscle, coeur, foie, rein…) et permettent ainsi de guérir des pathologies actuellement incurables (myopathie, parkinson, alzheimer,…).

Les cellules souches embryonnaires sont des cellules issues d’un embryon humain dans les tous premiers stades de son développement. Elles pourraient donner naissance à un être humain. Cet aspect soulève un problème éthique majeur : l’embryon humain peut-il être considéré comme un matériau de recherche comme un autre ?

Sur cette question l’Eglise a exprimé une position sans ambiguïtés. Dans un entretien au quotidien Le Monde (20/09/2006), Mgr Elio Sgreccia, spécialiste de bioéthique et président de l’Académie pontificale pour la vie, disait : « Oui, il existe aujourd’hui une opposition « frontale et définitive » à des recherches scientifiques visant à travailler sur des cellules souches qui ne peuvent être obtenues qu’après la destruction d’un embryon humain. Nous nous devons de défendre celui-ci, cet embryon doté de toutes les potentialités de la vie humaine. Nous ne pouvons adopter d’autres démarches ». A son tour le pape Benoît XVI, s’adressant à des spécialistes de ces questions , a rappelé que l’Eglise s’oppose aux « formes de recherche qui prévoient la suppression programmée d’êtres humains déjà existant, même s’ils ne sont pas encore nés. Dans ces cas, la recherche, quels que soient les résultats d’utilité thérapeutique, ne se place pas véritablement au service de l’humanité » (Discours du Pape Benoît XVI, le 16/09/2006).

Des alternatives à la recherche impliquant des cellules souches embryonnaires existent
Une autre voie de recherche existe, respectueuse de l’embryon humain : la recherche sur les cellules souches adultes (non embryonnaires). Il s’agit là encore de cellules qui gardent un caractère totipotent et qui seraient théoriquement en mesure de produire toutes sortes de cellules voulues. Ces cellules sont présentes dans certains tissus particuliers : tout l’enjeu de la recherche est de les trouver et de réussir à les utiliser pour produire des cellules du type cellulaire voulu. Plusieurs résultats prometteurs existent déjà, l’un concernant notamment la myopathie. Ainsi, des cellules souches adultes ont permis de restaurer la fonction musculaire chez des animaux atteints de myopathie : résultat très encourageant qui prouve qu’il est possible de guérir sans détruire des embryons humains. A noter que des cellules qui gardent un caractère totipotent, mais sans pour autant être un embryon, ne posent pas de problème éthique, hormis l’encadrement juridique de leur utilisation. C’est le cas par exemple des cellules souches du cordon ombilical.

Le Téléthon et le Généthon soutiennent la recherche sur les cellules souches embryonnaires
Dans le cas du Téléthon, les organisateurs et chercheurs ne cachent pas que la collecte sert et va servir à financer notamment les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Des responsables de l’AFM, association organisatrice du Téléthon, affirmaient récemment : « Depuis 2006, la loi autorise certaines recherches encadrées sur des embryons surnuméraires, l’AFM, l’INSERM et l’université d’Evry soutiennent ces recherches » (Article Libération du 9/11/2006).

De même, vis à vis des recherches sur cellules souches embryonnaires, des chercheurs bénéficiants des dons de l’AFM affirment : « La question ne se pose pas. Nous, les chercheurs, nous sommes pragmatiques. Or autant l’on sait que la piste des cellules souches embryonnaires est valide, car on dispose d’une pile de travaux scientifiques sur la question, autant il n’y a presque rien sur les cellules adultes » (Article La Croix du 21/11/2006).

Concrètement, que faire ?

La question qui se pose au vu de ces éléments est la suivante : est-il possible, en tant que catholiques d’apporter son soutien à une oeuvre telle que le Téléthon en 2006 ? « Les chrétiens, de même que tous les hommes de bonne volonté, sont appelés, en vertu d’un grave devoir de conscience, à ne pas apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu’admises par la législation civile, sont en opposition avec la Loi de Dieu.” (Jean-Paul II, Evangelium Vitae, 74).
Rappelons également le récent (Juillet 2006) appel de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE) à se mobiliser sur ces questions. Revenant dans un communiqué sur la décision du Conseil des ministres européens du 24 juillet 2006 d’autoriser le financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, la COMECE constatait alors « avec perplexité la contradiction entre cette décision (…) et les objectifs de l’Union européenne de promouvoir des solutions thérapeutiques visant à sauver des vies humaines. Cette décision est également en contradiction avec la Charte des Droits fondamentaux qui stipule dans son article 1 que ‘la dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée’. Ainsi nous alertons l’opinion publique sur la gravité de cette décision (…). Nous invitons nos concitoyens européens, et spécialement les catholiques, à prendre conscience de l’enjeu anthropologique de ce débat sur la dignité humaine. Nous les invitons à s’engager pour que s’ouvre un tel débat ».

Conclusion : un véritable enjeu de civilisation !

Ce débat est essentiel, il cristallise d’une façon particulière la conception de l’homme que l’on adopte. Est-ce que l’homme, tout homme et chaque homme, est le bien le plus précieux de l’humanité qui mérite un respect quasi-sacré, y compris sous la forme d’un amas de quelques cellules souches embryonnaires ?

L’Eglise affirme que oui, et cette affirmation finalement est de l’ordre du révélé bien plus que du prouvé. Révélation du Dieu fait homme, incarné dans le sein de la Vierge Marie , du Dieu qui s’est fait embryon, empruntant Lui-même tous nos chemins d’humanité. Dieu fait homme donne à l’homme une dignité divine, sacrée. L’homme est à l’image de Dieu, l’homme est oeuvre de Dieu, dès les premiers instants de vie cellulaire. C’est cela que l’Eglise proclame humblement mais fermement.

L’Eglise appelle au respect de l’homme. « Il ne s’agit pas de l’homme ‘abstrait’, mais réel, de l’homme ‘concret’, ‘historique’. (…) L’homme, tel qu’il est ‘voulu’ par Dieu, ‘choisi’ par Lui de toute éternité, appelé, destiné à la grâce et à la gloire: voilà ce qu’est ‘tout’ homme, l’homme ‘le plus concret’, ‘le plus réel’ ; c’est cela, l’homme dans toute la plénitude du mystère dont il est devenu participant en Jésus-Christ et dont devient participant chacun des quatre milliards d’hommes vivant sur notre planète, dès l’instant de sa conception près du coeur de sa mère » (Jean-Paul II, Encyclique Redemptor Hominis, 13).

+ Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de Gap

*Document élaboré avec la collaboration de Xavier HINAULT, catéchiste et médecin

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ZENIT Staff

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