Vol retour Canada © Vatican Media

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Conférence de presse (1) : le pape condamne la « doctrine de la colonisation »

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Et les « colonisations idéologiques » d’aujourd’hui

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La « doctrine de la colonisation », a affirmé le pape François à son retour du Canada, « c’est vrai, elle est mauvaise, injuste », « si l’on n’entre pas dans cette voie, on est inférieur ». « La conscience de l’égalité humaine est arrivée lentement », a poursuivi le pape, tout en mettant en garde : « Nous avons toujours comme une attitude colonialiste en réduisant leur culture à la nôtre ».

Au cours de la conférence de presse pendant le vol de retour du voyage apostolique au Canada (24 au 30 juillet 2022), vendredi 29 juillet 2022, le pape François a répondu à la question de la journaliste canadienne d’origine Inuit, Jessica Ka’Nhehsíio Deer (CBC Radio – Canada Indigenous), qui lui demandait de se prononcer contre « la doctrine de la découverte ».

« Nous devons travailler sur ce dont tu parles : regarder en arrière et assainir, disons-le comme cela – ce qui a été mal fait, en étant conscients qu’aujourd’hui encore le même colonialisme existe », a conclu le pape, mentionnant le cas des Rohingyas, au Myanmar : « ils n’ont pas droit à la citoyenneté, ils sont d’un niveau inférieur. Même aujourd’hui. »

Au terme de ces six « journées de pèlerinage et de pénitence » au Canada, le pape a remercié les journalistes pour leur « compagnie » et pour leur travail. « Je sais que vous avez beaucoup travaillé, on m’a dit que vous vous êtes donné du mal », leur a-t-il dit en introduisant la conférence de presse.

Voici la première question de Jessica Ka’Nhehsíio Deer (CBC Radio – Canada Indigenous), suivie de la réponse du pontife.

En tant que descendante d’un survivant d’un pensionnat, je sais que les survivants et leurs familles veulent voir des actions concrètes suivre vos excuses, y compris le refus de la « doctrine de la découverte ». Etant donné que celle-ci est encore insérée dans la Constitution et dans les systèmes juridiques au Canada et aux Etats-Unis, où les populations indigènes continuent d’être spoliées de leurs terres et privées de pouvoir, cela n’a-t-il pas été une occasion perdue de faire une déclaration dans ce sens, au cours de votre voyage au Canada ?

Merci pour votre question. Je crois que c’est un problème de tout colonialisme. Aujourd’hui aussi : les colonisations idéologiques d’aujourd’hui sont sur le même schéma. Si l’on n’entre pas dans cette voie, on est inférieur. Mais je vais aller plus loin sur ce point. Ils n’étaient pas seulement considérés comme inférieurs : certains théologiens un peu fous se demandaient s’ils avaient une âme. Lorsque Jean-Paul II est allé en Afrique, à la porte où les esclaves étaient embarqués (Île de Gorée, la porte du non-retour), il a donné un signal pour que nous parvenions à comprendre ce drame, le drame criminel : ces gens étaient jetés dans les bateaux, dans des conditions désastreuses et ensuite ils étaient esclaves en Amérique. C’est vrai qu’il existait des voix qui parlaient clairement, comme Bartholomé de las Casas, par exemple, Pierre Claver, mais ils étaient une minorité. La conscience de l’égalité humaine est arrivée lentement. Et je dis la conscience, parce que dans l’inconscient, il y a encore quelque chose… Nous avons toujours – je me permets de le dire – comme une attitude colonialiste en réduisant leur culture à la nôtre. C’est quelque chose qui nous vient de notre mode de vie développé et parfois nous perdons des valeurs qu’ils ont.

Par exemple, les peuples indigènes ont une grande valeur qui est l’harmonie avec la création et au moins certains que je connais l’expriment par les mots ‘vivre bien’ [bien vivir]. Ces mots ne signifient pas, comme nous les comprenons, nous, les Occidentaux, vivre tranquillement ou faire « la dolce vita ». ‘Vivre bien’, c’est garder l’harmonie. Et pour moi, c’est là la grande valeur des peuples indigènes. L’harmonie. Nous sommes habitués à tout réduire à la tête : les peuples originels, eux – je parle en général – savent s’exprimer dans ces trois langages : celui de la tête, celui du cœur et celui des mains. Mais tous ensemble, et ils savent avoir ce langage avec la création.

Et puis, ce progressisme accéléré du développement un peu exagéré, un peu névrotique que nous avons, n’est-ce pas ? Je ne parle pas contre le développement : le développement est une bonne chose. Mais ce n’est pas bon avec l’anxiété du développement, développement, développement… Regarde, une des choses que notre civilisation surdéveloppée, commerciale a perdue, c’est la capacité de la poésie : les peuples indigènes ont cette capacité poétique ? Je ne suis pas en train d’idéaliser.

Et puis, cette doctrine de la colonisation : c’est vrai, elle est mauvaise, injuste. Aujourd’hui aussi on l’utilise, c’est pareil, avec des gants de velours peut-être, mais on l’utilise aujourd’hui. Par exemple, des évêques de certains pays m’ont dit : « Lorsque notre pays demande un crédit à une organisation internationale, on y met des conditions, même législatives, colonialistes. Pour vous donner le crédit, on vous fait changer un peu votre façon de vivre ». Pour revenir à notre colonisation de l’Amérique, celles des Anglais, des Français, des Espagnols et des Portugais : ce sont quatre [puissances coloniales] chez lesquelles il y a toujours eu ce danger, ou plutôt, cette mentalité : « nous sommes supérieurs et ces indigènes ne comptent pas », et c’est grave. C’est pourquoi nous devons travailler sur ce dont tu parles : regarder en arrière et assainir, disons-le comme cela – ce qui a été mal fait, en étant conscients qu’aujourd’hui encore le même colonialisme existe. Pense, par exemple, à un cas qui est universel et je me permets de le dire : je pense au cas des Rohingya, au Myanmar : ils n’ont pas droit à la citoyenneté, ils sont d’un niveau inférieur. Même aujourd’hui. Thank you very much.

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Hélène Ginabat

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