Cardinal Cottier : « L’Eglise doit parler du démon »

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Intervention du théologien émérite de la Maison pontificale

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ROME, Vendredi 20 janvier 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous la préface d’un ouvrage de l’exorciste italien Don Gabriele Amorth « Presidente degli esorcisti – Esperienze e delucidazioni di Don Gabriele Amorth » (Président des exorcistes – Expériences et élucidations de Don Gabriele Amorth », écrite par le cardinal Georges Cottier, O.P. alors qu’il était théologien de la Maison pontificale.

Le livre de Don Amorth vient d’être publié en italien aux Edizioni Carismatici Francescani (www.dioesiste.org).

L’Eglise doit parler du démon. En péchant, l’ange déchu n’a pas perdu tous les pouvoirs qu’il possédait, selon le plan de Dieu, pour gouverner le monde. Il utilise désormais ce pouvoir pour le mal. L’Evangile de Jean l’appelle « le prince de ce monde » (Jn 12, 31) et dans la première Epître de Jean on peut lire : « Le monde entier gît au pouvoir du Mauvais » (Jn 5, 19). Paul parle de notre combat contre les puissances spirituelles (cf. Ep 6, 10-17). Nous pouvons également renvoyer à l’Apocalypse.

Nous devons combattre les forces du mal non seulement humaines mais surhumaines, dans leur origine et inspiration : il suffit de penser à Auschwitz, aux massacres de peuples entiers, à tous les crimes horribles qui sont commis, aux scandales dont sont victimes les petits et les innocents, au succès des idéologies de mort, etc.

Il convient de rappeler quelques principes. Le mal du péché est fait par une volonté libre. Dieu seul peut pénétrer au plus profond du cœur de la personne, le démon n’a pas le pouvoir d’entrer dans ce sanctuaire. Il n’agit qu’à l’extérieur, sur l’imagination et sur les sentiments à racines sensibles. Son action est par ailleurs limitée par la permission de Dieu tout-puissant.

Le diable opère généralement à travers la tentation et la tromperie, c’est un menteur (cf. Jn 8, 44). Il peut tromper, induire en erreur, leurrer, et probablement, plus que susciter, il peut favoriser les vices et les germes de vices qui sont en nous.

Dans les Evangiles synoptiques, la première apparition du démon est la tentation dans le désert, lorsqu’il soumet Jésus à plusieurs attaques soudaines (cf. Mt 4, 11 et Lc 4, 1-13). Ce fait est d’une grande importance.

Jésus guérissait les maladies et les pathologies. Elles font dans leur ensemble référence au démon car tous les désordres qui affligent l’humanité peuvent être réduits au péché, fomenté par le démon. Parmi les miracles de Jésus figurent des libérations de possessions diaboliques, au sens précis du terme.

Nous voyons en particulier dans saint Luc que Jésus commande aux démons qui le reconnaissent comme le Messie. Le démon est beaucoup plus dangereux comme tentateur qu’à travers des signes extraordinaires ou des manifestations extérieures extraordinaires, car le mal le plus grave, c’est le péché. Ce n’est pas un hasard si dans la prière du Seigneur, nous demandons : « Ne nous soumets pas à la tentation ». Le chrétien peut lutter victorieusement contre le péché par la prière, la prudence, dans l’humilité, connaissant la fragilité de la liberté humaine, le recours au sacrements, avant tout de la Réconciliation et de l’Eucharistie. Il doit aussi demander le don du discernement à l’Esprit Saint, sachant que l’on reçoit les dons de l’Esprit Saint avec la grâce du Baptême.

Saint Thomas et saint Jean de la Croix affirment que nous avons trois tentateurs : le démon, le monde (nous le reconnaissons certainement dans notre société), nous-mêmes, c’est-à-dire l’amour propre. Saint Jean de la Croix affirme que nous sommes nous-mêmes le tentateur le plus dangereux car nous nous leurrons tout seuls.

Face au leurre, il faut souhaiter chez les fidèles catholiques une connaissance toujours plus profonde de la doctrine chrétienne. Il faut promouvoir l’apostolat pour le Compendium du Catéchisme de l’Eglise catholique, qui est d’une utilité extraordinaire pour combattre l’ignorance. Le démon est peut-être un partisan de cette ignorance : distraire l’homme de Dieu est une grande perte contre laquelle on peut lutter en encourageant un apostolat approprié dans les moyens de communication sociale, en particulier la télévision, considérant le temps que passent de nombreuses personnes à suivre les émissions de télévision, aux contenus souvent inconsistants ou immoraux.

L’action du diable se déchaîne aussi contre les hommes d’Eglise : en 1972, le Souverain Pontife Paul VI a déclaré que la « fumée de Satan (était) entrée dans le temple de Dieu », faisant allusion aux péchés des chrétiens, à l’avilissement de la moralité des coutumes et à la décadence (pensons à l’histoire des Ordres et des Congrégations religieuses dans lesquels on a toujours ressenti l’exigence des réformes pour réagir à la décadence), au fait de céder aux tentations dans la recherche de la carrière, de l’argent et de la richesse, sous le coup desquels les membres du clergé lui-même peuvent tomber, en commettant des péchés qui provoquent des scandales.

L’exorciste peut être un Bon Samaritain mais il n’est pas LE Bon Samaritain, car le péché est une réalité plus grave. Un pécheur qui reste attaché à son péché est plus misérable qu’une personne possédée. La conversion du cœur est la plus belle victoire sur l’influence de Satan, contre laquelle le sacrement de la réconciliation a une importance absolument fondamentale car dans le mystère de la Rédemption, Dieu nous a libérés du péché et nous donne, lorsque nous sommes tombés, de retrouver son amitié.

Les sacrements ont en réalité une priorité par rapport aux sacramentaux, catégorie dans laquelle figurent les exorcismes, qui sont demandés par l’Eglise mais non pas de manière prioritaire. Si l’on ne respecte pas cette hiérarchie, le risque de troubler les fidèles persiste. On ne peut pas considérer l’exorcisme comme l’unique défense contre l’action du démon, mais un moyen spirituel nécessaire, là où l’on a constaté l’existence de cas spécifiques de possession diabolique.

Il semble que les personnes possédées soient plus nombreuses dans les pays païens, où l’Evangile n’a pas été diffusé et où les pratiques de la magie sont davantage répandues. Ailleurs, un élément culturel demeure, là où les chrétiens conservent une tendance à s’adonner à d’anciennes formes de superstition. Il faut par ailleurs noter que certains cas de possession peuvent être expliqués par la médecine actuelle et la psychiatrie et que la solution à des phénomènes déterminés peut être un bon traitement psychiatrique. Lorsqu’un cas difficile se manifeste dans la pratique, il faut prendre contact avec un psychologue et un exorciste ; il est recommandé d’avoir recours à des psychiatres de formation catholique [1].

Un cours sur ce thème a été proposé récemment à l’Athénée pontifical « Regina Apostolorum ». Une formation appropriée dans ce domaine, donnée dans un esprit d’équilibre et de sagesse, semble opportune dans les séminaires, en évitant les excès et les pressions.

Cardinal Georges Cottier, O.P. Pro-théologien de la Maison pontificale

[1] Sur ce thème, cf. F. M. Dermine, OP., Mostri, Veggenti e medicina, Esperienze dell’aldilà a confronto, Roma, LEV, 2002.

[Texte original : italien – Traduction réalisée par Zenit]

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ZENIT Staff

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