Synagogue : Les applaudissements de la foule pendant le discours de Benoît XVI

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Le pape évite le piège de réduire sa visite au cas Pie XII

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ROME, Dimanche 17 janvier 2010 (ZENIT.org) – Benoît XVI souhaite que chrétiens et juifs travaillent « afin que l’espace du dialogue, du respect réciproque, de la croissance de l’amitié, du témoignage commun devant les défis de notre temps, qui nous invitent à collaborer au bien de l’humanité (…) reste toujours ouvert ».

Le discours de Benoît XVI ce dimanche soir, à la grande synagogue de Rome, devant la communauté juive de Rome, mais aussi des représentants de la communauté juive italienne et d’Israël, et des représentants de la communauté musulmane italienne, a été salué par des applaudissements à dix reprises. L’assemblée a ainsi manifesté l’intelligence qu’elle en a eu, à chaud. Un discours qui est traversé par un souffle universel et ancré dans le concret des défis du monde d’aujourd’hui.

Le directeur de L’Osservatore Romano a fait observer dans son édition de ce dimanche qu’il s’agissait d’une visite « historique » et non moins « normale » .

La mémoire et le chemin parcouru

Le pape a voulu rappeler la tragédie de la Shoah, la façon dont l’Eglise catholique a contribué à sauver des vies, mais aussi comment elle a demandé pardon pour sa responsabilité dans l’antisémitisme ou l’antijudaïsme. Il a rappelé le chemin fait depuis Vatican II (il répondait à une inquiétude exprimée par le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni à ce sujet) et par Jean-Paul II. Il a aussi rappelé ses propres gestes et ses paroles notamment à Auschwitz.

Mais le pape a également indiqué un chemin à venir de « collaboration » de juifs et chrétiens ensemble et « pour le bien de l’humanité », et ceci à partir des Dix Commandements, les « Dix Paroles ».

Ce faisant, le pape aura soigneusement éviter ce que d’aucuns, dans la communauté juive – par exemple le professeur Giorgio Israel – indiquaient comme le « le piège de réduire la visite au cas Pie XII ». Il a à la foi indiqué les points fermes, les acquis « irrévocables » du chemin parcouru par l’Eglise et par lui-même et son pontificat, et une route à venir.

Les interventions des trois interlocuteurs du pape ont également ouvert le débat sur un avenir de collaboration pour la justice et la paix, dans un dialogue et une coopération qui incluent les musulmans.

Estime et affection : premier applaudissement

Pour ce qui est des points fermes acquis, le pape a tout d’abord affirmé le but de cette rencontre : « se retrouver pour rendre plus solides les liens qui nous unissent et continuer sur la voie de la réconciliation et de la fraternité ».

Il a inscrit sa visite « comme chrétien et comme pape », dans la ligne de la visite de Jean-Paul II qui était venu pour « consolider les bons rapports entre nos communautés, surmonter toute incompréhension et préjugé ». Il a inscrit sa visite dans ce « chemin tracé pour le confirmer et le renforcer », en disant : « Je suis au milieu de vous avec des sentiments de vive cordialité pour vous manifester l’estime et l’affection que l’évêque et l’Eglise de Rome – comme toute l’Eglise catholique – nourrissent envers cette communauté et les communautés juives dispersés dans le monde ».

Deuxième applaudissement : Vatican II, irrévocable

Répondant aux inquiétudes exprimées notamment par le rabbin Di Segni, Benoît XVI a affirmé que Vatican II constitue un « point ferme » et que les quarante années passées ont permis encore d’ « approfondir » cet acquis qui constitue un « chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d’amitié ».

Rappelant comment Jean-Paul II a mis en œuvre le concile, il s’est inscrit dans cette même ligne : « Moi aussi, pendant ces années de pontificat, j’ai voulu manifester ma proximité et mon affection pour le peuple de l’Alliance », a déclaré Benoît XVI en citant son voyage en Terre Sainte. Il reprenait à son compte les paroles de « déploration » des « manquements » des baptisés « en demandant pardon pour tout ce qui a pu favoriser les plaies de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme ». « Puissent ces plaies être guéries pour toujours », a ajouté Benoît XVI, applaudi.

3e et 4e applaudissements : le pardon et la visite à Auschwitz

Benoît XVI a aussi inscrit sa démarche dans le geste de Jean-Paul II plaçant une demande de pardon dans une fissure du Mur Occidental – Mur des lamentations – à Jérusalem, en l’An 2000. Il a lu lentement les paroles bouleversantes de cette prière. Applaudissements.

Il a cité ses paroles lors de la visite à Auschwitz, du 28 mai 2006 « profondément imprimée dans ma mémoire », soulignant que la Shoah constitue comme un « drame singulier et bouleversant » qui « représente d’une certaine façon le sommet d’un chemin de haine qui naît lorsque l’homme oublie son créateur et se met lui-même au centre de l’univers ». Quatrième applaudissement.

Mais le pape est allé plus loin en soulignant que « l’extermination du peuple de l’Alliance » a été « tout d’abord annoncée, puis systématiquement programmée et réalisée dans l’Europe sous domination nazie » et qu’elle a atteint « tragiquement » Rome aussi le 16 octobre 1943.

Les justes, salués eux aussi

« Hélas, beaucoup demeurèrent indifférents, mais beaucoup, y compris parmi les catholiques italiens, soutenus par la foi et par l’enseignement chrétien, ont réagi avec courage, en ouvrant les bras pour secourir les juifs traqués et en fuite, souvent au risque de leur vie, et ils méritent une gratitude éternelle ». Des justes salués par l’assemblée (5e fois).

Mais le pape poursuit son but : La mémoire de ce chemin doit « nous pousser à renforcer les liens ». Il souligne d’abord la « solidarité » qui lie l’Eglise au peuple juif « au niveau de son identité spirituelle même ».

Benoît XVI appelle de ses vœux la promotion d’un « respect renouvelé pour l’interprétation juive de l’Ancien Testament ». Il a travaillé et fait travailler lui-même la question, en particulier en présidant la Commission biblique en tant que préfet de la congrégation pour la Doctrine de la Foi, travaux qu’il cite.

Le pape rappelle l’enseignement du catéchisme de l’Eglise sur le peuple juif et le chapitre 9 de l’Epître de saint Paul aux Romains – justement – : « les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (applaudissements pour la 6e fois).

La transcendance, la personne, la famille

C’est ainsi que le pape affirme « le caractère central du Décalogue comme message éthique commun d’une valeur permanente pour Israël, pour l’Eglise » mais aussi « pour les non-croyants et pour toute l’humanité ». Un tournant dans le discours, qui désormais va tirer les conséquences de cette affirmation, notamment en insistant sur le « soin de la création » confié par Dieu à l’humanité. Le pape voit de grands « champs de collaboration et de témoignage », il en cite trois. L’assemblée ne l’interrompt pas, très attentive.

Tout d’abord, face aux « idoles » modernes, le pape affirme que « réveiller dans notre société l’ouverture à la dimension transcendante, témoignage du Dieu unique est un service précieux que juifs et chrétiens peuvent offrir ensemble ». Une première invitation accueillie par des applaudissements (7e fois).

Le pape propose ensuite, avec les Dix Paroles comme guide de défendre la vie contre « les injustices et les abus », en « reconnaissant la valeur de chaque personne », là où sont piétinés « la dignité, la liberté et les droits de l’être humain ». Là aussi le pape propose un témoignage commun.

Troisième témoignage commun : « conserver et promouvoir la sainteté de la famille »… pour construire « un monde au visage plus humain ». Résumant les commandements à ceux de « l’
amour de Dieu » et à la « miséricorde envers le prochain », le pape souligne comment les Dix paroles « obligent » juifs et chrétiens à témoigner d’une « générosité spéciale envers les pauvres, les femmes, les enfants, les étrangers, les malades, les faibles, les nécessiteux ».

Cet appel à l’exercice « de la justice et de la miséricorde » dans « l’espérance » et au quotidien est applaudi (8e applaudissement).

Le pape indique ainsi une « direction » pour des « pas » faits « ensemble » comme signe aussi de la volonté de « continuer un dialogue ouvert et sincère ». Il encourage les travaux de la Commission mixte du Saint-Siège et du Grand Rabbinat d’Israël sur « l’enseignement catholique et juif sur la création et l’environnement » : une neuvième rencontre qui s’ouvre demain à Rome.

Collaborer au bien de l’humanité

Le pape résume sa proposition : « Chrétiens et juifs ont une grande partie de patrimoine spirituel en commun, ils prient le même Seigneur, ont les mêmes racines, mais restent souvent inconnus les uns aux autres. Mais il nous revient en réponse à l’appel de Dieu, de travailler afin que reste toujours ouvert l’espace du dialogue, du respect réciproque, de la croissance de l’amitié, du témoignage commun devant les défis de notre temps, qui nous invitent à collaborer au bien de l’humanité en ce monde créé par Dieu le Tout Puissant et le Miséricordieux ». Des termes qui auront aussi touché les auditeurs musulmans. L’auditoire applaudit (9e).

Le pape a conclu sur ce voeu d’un « amour fraternel croissant », qui s’exprime dans « une coopération toujours plus étroite pour offrir une contribution valable à la solution des problèmes et des difficultés à affronter ».

Mettre en valeur ce qui nous unit

Dans un hébreu biblique fluide, le pape a terminé par la lecture du Psaume 117 : « Fêtez le Seigneur tous les peuples, louez-le tous les pays, car il est fort son amour pour nous et la fidélité du Seigneur dure à jamais. Alléluia ».

Le discours du pape, marqué par ce caractère d’universalité du service à accomplir, ensemble, a été salué par des applaudissements debout (10e).</p>

Avant l’angélus de ce dimanche, à midi, le pape avait indiqué qu’il se rendait en visite auprès de la communauté juive de Rome pour « une nouvelle étape sur le chemin de concorde et d’amitié entre catholiques et juifs ».

Il avait souligné que « malgré les problèmes et les difficultés, on respire, entre croyants des deux religions, un climat de grand respect et de dialogue, ce qui témoigne du fait que les rapports ont mûri et de l’engagement commun de mettre en valeur ce qui nous unit : la foi dans le Dieu unique, avant tout, mais aussi la protection de la vie et de la famille, l’aspiration à la justice sociale et à la paix ».

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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