Stigmatins © Vatican Media

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Stigmatins : le pape exhorte à protéger la fraternité

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Dire la vérité, prier les uns pour les autres (Traduction intégrale)

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« S’il vous plaît, protégez la fraternité. Cela ne veut pas dire que nous devons tous être amis intimes. Non, frères. Avec … les règles du respect, les règles de la liberté, l’estime et la prière les uns pour les autres. » C’est ce que demande le pape François aux Stigmatins, ce 10 février 2018.
Le pape a en effet reçu, au Vatican, les participants au XXXVIIe Chapitre général de la Congrégation des saints stigmates de Notre Seigneur Jésus-Christ, fondée en Italie par saint Gaspard Bertoni en 1816.
Dans son discours prononcé d’abondance de cœur, le pape a aussi mis en garde une nouvelle fois contre les médisances qui détruisent et a recommandé la dévotion aux plaies du Christ : « Chacun de nous est “blessé”, et résout sa vie s’il l’unit aux plaies du Seigneur. »
Voici notre traduction intégrale du discours improvisé par le pape.
Discours du pape François
J’ai aimé ce qu’a dit le [Supérieur] général “sortant”. J’ai préparé ce discours pour vous, mais pendant qu’il parlait j’ai senti en moi certaines choses et je vais improviser. Et Mgr Gänswein vous donnera la copie officielle du discours. Parlons ici de ce qui m’est venu, cela vous va ?
Une chose qui m’a touché est la fraternité : le Père Général parlait de la fraternité, qui peut-être s’est un peu affaiblie… Il n’est pas facile de vivre la fraternité. La fraternité religieuse, la vie commune… Notre saint Jean Berchmans aussi disait que “mea maxima poenitentia, vita communis”. La vie de communauté, la vie de fraternité, est difficile parce qu’il y a des problèmes humains, les jalousies, la compétitivité, les incompréhensions : tant de choses que nous avons tous, tous, moi le premier. Tous. Etre conscient de cela est très important pour être compréhensifs, dans la vie communautaire. Et pour arriver au point de pouvoir parler comme des frères. Bien. Et parfois, quand on parle comme des frères, on dit des choses qui ne font pas plaisir. Elles doivent se dire entre frères, c’est-à-dire avec charité, avec douceur, avec humilité, mais il ne faut pas cacher les choses, non. Une des choses claires – la plus claire de la vie communautaire – est de pouvoir parler comme frères. Peut-être le frère te dit-il quelque chose qui ne te plaît pas, mais il ne faut pas garder de rancœur : “Il m’a fait cela, il me le paiera !”. Cela ne va pas. Mais la fraternité est une grâce, et s’il n’y a pas de prière, cette grâce ne vient pas. “Oui, je prie l’office, je prie, je médite sur l’Evangile…”. Oui, oui, mais pries-tu pour ce frère, pour cet autre, pour le supérieur ? La prière concrète pour le frère. La prière concrète pour le frère. Et cela fait le miracle de la fraternité. Et parfois dans les réunions de communauté, l’on se dispute, mais dans les bonnes familles aussi, dans les bons mariages on se dispute. Ce n’est pas un péché de se disputer. Le péché c’est la rancœur, le ressentiment que te laisse la dispute dans le cœur, mais se disputer c’est dire les choses comme on les pense, respirer l’air de la liberté comme des frères. N’ayez pas peur. Sans offenser, mais dire les choses comme elles sont. Et puis avoir le courage de parler comme l’Evangile nous l’enseigne : si tu as quelque chose contre ton frère, ou que tu sais qu’il a quelque chose contre toi, parle-lui. Parle-lui à l’écart. Et puis, si cela ne va pas, parle en communauté, mais parle. N’avale pas ce qui est indigeste, ces problèmes ne se digèrent pas.
Je vous exhorte dans la vie communautaire à aller sur ce chemin de la vérité, de la liberté, avec beaucoup de charité et de prière, mais à avancer ainsi, sans avoir peur. N’ayez pas peur. C’est mauvais qu’en tant que religieux je n’aie pas le courage de dire en face ce que je pense à mon frère, mais que je le dise à un autre dans son dos. C’est la médisance. Permettez-moi le mot : c’est le bavardage des “vieux garçons”. Et nous avons fait vœu de chasteté, pas de “vieille-fillerie”, non, de chasteté : c’est autre chose. Et au lieu d’être chastes nous devenons des “vieux garçons”. Et qu’est-ce que le vieux garçon ou la vieille fille fait de pire ? Renoncer à la paternité, à la maternité. C’est intéressant : quand quelqu’un ne renonce pas à la paternité spirituelle, il essaie de la vivre pleinement ; et il vit mieux la fraternité dans la communauté. Au contraire le bavardage est un alibi : tu crois résoudre le problème ainsi, mais tu ne résous rien. Tu te soulages un peu, mais tu te soulages comme un “vieux garçon”. Vous avez peut-être entendu comment j’appelle souvent les médisances : le médisant est un “terroriste”. Parce que la médisance, le bavardage contre autrui est un acte de terrorisme, car j’ai une bombe en main, je jette la bombe, je détruis mon frère et je m’en vais tranquille. Et puis, qui ressuscite la renommée de mon frère ? Je fais du mal par derrière. C’est un peu comme de la calomnie ou de la diffamation. Parfois je peux avoir raison, mais je fais une diffamation : je lui enlève sa bonne renommée. Et il me vient à l’esprit cette anecdote de saint Philippe Neri sur la poule : la femme qui est allé se confesser pour ses médisances, et comme pénitence il lui a demandé de déplumer une poule – vous la connaissez ? – et puis elle est revenue : “Et maintenant rassemblez les plumes”. On ne peut pas. C’est ainsi. Tu as détruit, une fois que tu as semé les calomnies ou les médisances, les diffamations. Le diable est rusé : il utilise cela, qui est notre faiblesse. Il est rusé.
Fraternité. S’il vous plaît, protégez la fraternité. Cela ne veut pas dire que nous devons tous être amis intimes. Non, frères. Avec le respect, les règles du respect, les règles de la liberté, l’estime et la prière les uns pour les autres. Et sur cela je vous demande de faire un examen de conscience. Ces jours-ci vous ferez, avant les élections, un examen de conscience aussi bien de la communauté que personnel. Sur cela aussi : la fraternité.
La seconde dimension est votre nom, qui vient des stigmates. J’aime beaucoup cela. Saint Bernard dit que le Verbe de Dieu fait homme est un “sac de miséricorde”, qui dans la Passion, avec les stigmates, a été versée sur nous. Les stigmates du Seigneur, les plaies du Seigneur sont la porte d’où vient la miséricorde. Ce “sac de miséricorde”, qu’est Jésus-Christ. Et saint Bernard continue – vous l’avez sûrement lu –: si je suis déprimé, si j’ai trop péché, si j’ai fait ceci, cela…, je vais me réfugier dans les plaies du Seigneur. Soyez conscients que vous êtes “blessés de plaies”. Chacun de nous est “blessé”, et résout sa vie s’il l’unit aux plaies du Seigneur. Seule la conscience d’une Eglise “blessée”, d’une Congrégation “blessée”, d’une âme ou d’un cœur “blessé” nous conduit à frapper à la porte de la miséricorde dans les plaies du Seigneur. Qui se sait “blessé” cherche les plaies. Cherchez ce texte : la contemplation des plaies du Seigneur c’est d’entrer dans ses plaies. De saint Bernard. C’est une belle figure, je l’aime beaucoup ! Le “sac de miséricorde” qui s’est ouvert pour tous dans les plaies du Seigneur. C’est aussi intéressant : les personnes qui ne se sentent pas “blessées” par le péché, ne comprennent pas les plaies de Jésus. Parfois l’on entend : “Mais cette dévotion aux plaies de Jésus est un peu médiévale…”. Cette personne ne se sent pas “blessée”. “Par ses blessures, nous sommes guéris.” (cf. 1 P 2,24). C’est justement là : la plaie du Seigneur. Et comme le dit cette belle prière : « Dans tes blessures, cache-moi » (Anima Christi). Cache-moi de ma honte. Cache-moi de la colère du Père. Cache-moi de ma misère. Mais dans tes plaies. N’ayez pas honte de la dévotion aux plaies du Seigneur. C’est votre chemin de sanctification. Enseignez aux gens que nous sommes tous “blessés”. Un pécheur “blessé” ne trouve le pardon, la paix et la consolation que dans les blessures du Seigneur, pas ailleurs. C’est la seconde chose qui m’est venue à l’esprit tandis que parlait le général.
Et la troisième est la Sainte Famille. Jésus, Marie et Joseph. Toujours dociles à faire la volonté de Dieu. Marie, la femme “de la hâte”. J’aime beaucoup ce passage de Luc, quand il dit que Marie est allée « en hâte » chez sa cousine pour l’aider (cf. 1,39). Dans les Litanies, il serait beau s’insérer cela : “Notre Dame de la hâte, priez pour nous”. Toujours en hâte, pour aider. Et Joseph est l’homme humble, qui recevait les informations dans ses songes. Les mauvaises langues disent que, Joseph étant déjà vieux, il était malade d’insomnie, il ne pouvait pas dormir. Mais c’était un problème psychologique : il était effrayé parce que, chaque fois qu’il s’était endormi, les plans avaient été bouleversés ! C’est l’homme ouvert aux révélations du Seigneur. Et par la douceur, le travail… Mais unis, ensemble : la hâte de Marie, la douceur forte, patiente de Joseph…, forte !, il a su éduquer le Fils. La dévotion à la Vierge Marie et à Joseph. Ne laissez pas de côté ces dévotions. Quelqu’un peut dire : “Mais ce sont [des dévotions] d’enfants”. Oui, mais nous sommes des enfants devant Dieu. Si seulement, si seulement nous pouvions devenir des enfants devant Dieu ! Dire à la Maman qui est en hâte : aide-moi. Et se rendre auprès d’elle dans les moments difficiles. Les mystiques russes disent que dans les moments de turbulences spirituelles, nous devons être couverts du manteau de la Sainte Mère de Dieu, et de là vient cette première Antiphone mariale occidentale : “Sub tuum praesidium confugimus, Sancta Dei Genitrix…”. Le manteau de la Sainte Mère de Dieu. Et Joseph : l’homme doux, l’homme juste, l’homme du silence, l’homme de la patience, l’homme du travail. Mais tous ensemble, en famille. Cette dévotion vous aidera beaucoup, et ce n’est pas un conseil pour petits vieux, non, non. C’est pour des hommes, pour des hommes qui doivent être forts dans l’annonce de l’Evangile. Allez à la Mère et allez à cet homme qui a été le père et qui a fait grandir le Seigneur. Et apprenez là, en famille.
Je vous remercie. Faites une bonne élection. N’oubliez pas les plaies du Seigneur. N’oubliez pas la fraternité entre vous. Et n’oubliez pas la Vierge Marie toujours en hâte, et Joseph, toujours à sa place, en obéissance et douceur. Et priez pour moi. A présent, je vous donne la bénédiction.
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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