Sri Lanka : Détention d’enfants et de jeunes tamouls « Tigres présumés »

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Protestation des organisations humanitaires et de l’Eglise

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ROME, Vendredi 5 février 2010 (ZENIT.org) – Au Sri Lanka, les organisations humanitaires et l’Eglise dénoncent la détention arbitraire d’enfants et de jeunes tamouls soupçonnés d’être des « Tigres présumés », rapporte aujourd’hui « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP).

Le 1er février dernier, l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a dénoncé, dans un rapport de 30 pages, les violations des droits de l’homme commises par le gouvernement sri-lankais envers les prisonniers tamouls, dont la détention abusive de milliers de personnes « arrêtées pour des liens présumés avec les rebelles ». L’ONG étaye son constat, d’interviews avec des détenus et leurs familles, ainsi que des travailleurs humanitaires ou encore des avocats des droits de l’homme. « Le gouvernement refuse aux détenus le droit d’être informés des raisons de leur interpellation, de contester la légalité de leur détention devant une autorité judiciaire indépendante, d’avoir droit à un conseil juridique et de voir leur famille », résume HRW (1).

A la fin de la guerre civile, qui s’est achevée dans un bain de sang en mai 2009, près de 300 000 Tamouls avaient été placés dans des camps, officiellement afin d’identifier les rebelles et d’achever de sécuriser les zones d’habitation des civils. Huit mois après la reddition des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), plus de 100 000 civils vivent toujours dans des camps, dans des conditions dénoncées régulièrement par les quelques rares organismes humanitaires autorisés à y avoir accès. Parmi eux, des « Tigres présumés » – un terme flou regroupant aussi bien ceux qui auraient eu des liens avec les rebelles, y compris de parenté, ou qui auraient été forcés à exercer un rôle administratif par le LTTE durant la phase finale de la guerre – ont été placés dans des « centres de réhabilitation » ou mis en détention sans jugement. Cette détention illimitée est « une atteinte au droit humanitaire international garantissant les droits des prisonniers lors des conflits », dénonce encore HWR, qui demande au gouvernement de déterminer quels détenus entretenaient réellement des liens avec les Tigres et de libérer les autres.

La même demande a été faite par les évêques catholiques du nord du Sri Lanka, région qui a le plus le plus souffert de la guerre civile. Les évêques ont lancé un appel d’autant plus pressant qu’il concerne le sort des jeunes et des enfants tamouls eux aussi détenus en tant que « Tigres présumés », sans aucune procédure légale. « Ils doivent être, soit jugés, soit relâchés », ont insisté les prélats auprès des autorités.

Plus de 11 000 jeunes et adolescents tamouls sont détenus dans les camps de réhabilitation du nord du pays. Pour la plupart anciens enfants soldats enrôlés contre leur gré par les Tigres, ils y sont « rééduqués » sous la direction d’instructeurs de l’armée sri-lankaise. Dix mille autres sont emprisonnés à Colombo et dans divers centres de détention, selon les termes du Prevention of Terrorism Act (2). Le gouvernement affirme que ces jeunes ont pris les armes ou mené une action politique pour le compte du LTTE durant la guerre civile.

« Ce sont des enfants de familles ordinaires qui souffrent d’être loin de ceux qui leur sont chers », a déclaré à l’agence Ucanews (3) Mgr Thomas Savundaranayagam, évêque de Jaffna, ajoutant que ces jeunes ignoraient les raisons à leur incarcération et que leurs parents ne pouvaient « obtenir aucune information ». Mgr Savundaranayagam s’est entretenu en janvier dernier de ce sujet préoccupant avec Mahinda Rajapaksa, alors en campagne pour sa réélection (4). Le président sri-lankais avait assuré le prélat que tous les rebelles détenus pour des délits mineurs seraient relâchés dès que la justice aurait fait son office.

Mais, avant même la fin de la guerre civile l’an dernier, de nombreux jeunes Tamouls étaient déjà emprisonnés en raison de leur appartenance ethnique, affirment des sources ecclésiastiques. Mgr Rayappu Joseph, évêque de Mannar, a déclaré à Ucanews le 3 février : « Cela fend le cœur de les voir en prison pour dix ou quinze ans, sans même un procès. » Il rapporte que certains d’entre eux ont été incarcérés au seul motif qu’ils étaient suspectés de liens avec les anciens rebelles tamouls. Le prélat a soulevé également le problème le mois dernier avec le ministre de la Justice, Milinda Moragoda. Le ministre, rapporte-t-il, a « promis d’accélérer les enquêtes et de remettre en liberté ceux qui ont été accusés de délits mineurs ».

Alors que le gouvernement du Sri Lanka vient d’être mis en cause par l’ONU à la suite de l’authentification d’une vidéo montrant des exécutions sommaires de prisonniers tamouls par l’armée (5) et qu’une enquête doit être prochainement commencée sur les éventuels crimes de guerres et violations des droits de l’homme commis lors du conflit, aussi bien par les Tigres que par les forces armées sri-lankaises, les ONG et les membres de l’Eglise soulignent d’autant plus l’urgence de régler la question des enfants et jeunes prisonniers détenus arbitrairement depuis de long mois et dont les conditions de vie sont de plus en plus préoccupantes.

(1)           Associated Press, 2 février 2010.

(2)           Le Prevention of Terrorism Act (PTA) a été promulgué en 1978, accordant à la police tous les pouvoirs pour rechercher, arrêter et emprisonner des suspects. Tout d’abord édictée de façon temporaire pour circonstances exceptionnelles, la loi est devenue permanente en 1982.

(3)           Ucanews, 4 février 2010.

(4)           Mahinda Rajapaksa a été réélu président du Sri Lanka le 27 janvier dernier. Voir EDA 522

(5)           Voir EDA 522

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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