Soudan : victoire d'Intisar contre la lapidation

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Mobilisation familiale et internationale

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Valentina Colombo

Traduction d’Océane le Gall

ROME, mercredi 27 juin 2012 (ZENIT.org) – Nomen omen disaient les latins. Le prénom arabe Intisar signifie « Victoire », et c’est effectivement une victoire que l’étudiante soudanaise Intisar Sharif Abdallah a remportée contre une condamnation à mort par lapidation.

Le 13 mai dernier, le juge Sami Ibrahim Shabo de la cour pénale d’Omdurman l’avait condamnée, se basant sur l’article 146 du code pénal selon lequel : «  quiconque est jugé coupable de délit d’adultère est passible des punitions suivantes : 1. lapidation si la personne offensée est mariée; 2. cent coup de fouets si la personne offensée n’est pas mariée ».

L’accusation portée contre Intisar était d’avoir eu une relation extraconjugale et d’être tombée enceinte. Au début la jeune femme s’était déclarée non coupable, mais le tribunal avait réussi à lui faire admettre sa faute après des intimidations verbales et physiques de son frère.

L’accusation ne concernait qu’Intisar et non l’homme qui aurait commis l’adultère avec elle, et qui a été aussitôt lavé de toute faute. La jeune femme a été arrêtée avec son bébé. Et elle n’a pu bénéficier d’aucune assistance durant tout la procédure judiciaire.

Heureusement des membres de sa famille ont fait appel devant la Cour d’Ombada et, grâce aussi à la mobilisation internationale, le 21 juin dernier, il y a eu un retournement de la sentence qui violait les critères du droit international.

Intisar n’est pas la première femme à être condamnée à la lapidation dans un pays islamique. Quelle est l’origine de cette prescription islamique? Dans le Coran, l’adultère est puni de 100 coups de fouet tant pour l’homme que pour la femme (XXIV, 2) et ce n’est que plus tard que la lapidation deviendra une sanction légale.

Même si le Coran exige que quatre témoins aient assisté à l’adultère, avant d’autoriser le châtiment, la procédure s’est ensuite accélérée, permettant la condamnation à mort même si la  femme n’est que suspectée par son mari ou un frère.

Par exemple, selon l’article 63 du Code pénal en vigueur dans la République islamique d’Iran, l’adultère est «  un rapport – y compris anal – entre un homme et une femme qui sont interdits l’un à l’autre, à moins qu’il ne s’agisse d’un acte involontaire ».

Selon l’article 64 « l’adultère doit être puni quand la personne, homme ou femme, est pleinement consciente du caractère illicite de son action ». Les règles concernant la preuve d’adultère au tribunal montrent que la femme est plus poursuivie que l’homme.

Il est même dit dans l’article 74 que « l’adultère ne peut être prouvé que par le témoignage de quatre hommes honnêtes ou bien par trois hommes et deux femmes », conformément  à la règle du droit islamique qui veut que le témoignage d’un homme corresponde à celui de deux femmes.

La lapidation est encore aujourd’hui une forme de punition légale en Afghanistan, en Iran, au Nigeria (dans pratiquement un tiers des 36 Etats), au Pakistan, en Arabie Saoudite, au Soudan, et dans les Emirats arabes unis. En Iran, la lapidation est prévue par le code pénal et elle exécutée par la justice civile, tandis qu’au Pakistan et en Irak, la punition a lieu essentiellement dans les familles.

Au Nigeria, on se souvient du cas d’Amina Lawal, et dans les Emirats arabes Unis, des protestations et des campagnes internationales, ont permis de supprimer certaines lapidations. Toujours au Nigeria, en 2005, un homme a été condamné à la lapidation pour avoir eu des rapports homosexuels.

Il y a quelques années, le site « Women living under Muslim laws » (www.wluml.org) avait lancé une campagne mondiale pour mettre un terme à la peine capitale et à la lapidation des femmes. Dans le document officiel on lit : «  L’exécution de femmes – quel que soit le prétexte – est inacceptable. Et il s’agit entre autres d’une grande violation de la loi internationale sur les droits de l’homme » (www.stop-stoning.com).

A ces voix s’ajoutent celles de nombreux intellectuels libéraux, comme le Tunisien Lafif Lakhdar, qui lutte pour l’abolition des peines physiques dans l’islam. Certains n’invoquent qu’un moratoire de ces peines, leur abolition serait, pensent-ils, contrevenir aux décrets des docteurs de la loi islamique.

Seule une mobilisation interne et extrême visant une abolition sans « si » et sans « mais » des peines corporelles prévues par la charia, peut sauver des femmes comme Intisar et Amina.

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ZENIT Staff

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