Sortir de la crise par une « longue période d'austérité »

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Ettore Gotti-Tedeschi sur l’appel de Benoît XVI au G20

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ROME, vendredi 4 novembre 2011 (ZENIT.org) – Les dirigeants du G20, qui s’est ouvert jeudi à Cannes, doivent repenser l’économie en y intégrant le développement de l’homme. Benoît XVI l’a appelé de ses vœux durant l’audience générale du mercredi 2 novembre qu’il a tenue au Vatican.

M. Ettore Gotti-Tedeschi, économiste et banquier italien, président, depuis septembre 2009, de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), institution financière de la Cité du Vatican, analyse la situation au regard de l’appel du pape et prône, au micro de Radio Vatican, une sortie de crise grâce à une « longue période d’austérité ».

Benoît XVI propose aux responsables du G20 l’objectif ultime de « la promotion d’un développement authentiquement humain et intégral », qu’est-ce que cela signifie?

Nous avons oublié que le développement de l’homme est un développement intégral : l’homme est fait d’une âme et d’un esprit, et ceci nous l’avons complètement laissé de côté. Maintenant, lorsqu’un instrument comme l’économie ou comme la finance, oublie ce qu’il est, c’est-à-dire un moyen, et qu’il a besoin d’une fin, confond la fin – confond donc l’essentiel de l’homme –, cet instrument ne peut plus rien faire d’autre que d’aller contre l’homme lui-même. Ceci Benoît XVI l’a très bien rappelé dans l’encyclique « Caritas in veritate ». Je reprendrai avec le même enthousiasme les recommandations de Benoît XVI et celles de Jean-Paul II, respectivement dans « Caritas in veritate » et « Sollicitudo rei socialis ». Les deux papes se souviennent que l’homme de ce siècle a eu la grande opportunité de croire aux sciences et à la technique mais n’est pas assez mature pour pouvoir les utiliser avec sagesse. Ce qui arrive à présent n’est rien d’autre que les conséquences de ces instruments techniques et scientifiques, qui ont échappé à tout contrôle, spécialement la finance, même si les hommes ont également perdu le contrôle de l’économie, de la politique économique et de l’économie politique. La logique du développement économique est hors de contrôle et par conséquent la croissance de la dette est hors de contrôle, l’inflation-déflation est hors de contrôle, les productions et donc la capacité de créer de la main d’œuvre et de la faire vivre sont hors de contrôle. La consommation est hors de contrôle.

Il semble vraiment que la finance obscurcisse la politique, entendue dans le sens de « res publica »  ?

La politique plus qu’autre chose a déçu. Ce n’est pas la finance qui a obscurci la politique, c’est la politique qui s’est obscurcie toute seule, parce qu’elle a laissé la finance assumer une forme d’autonomie morale. La politique de ces dernières années, et je ne parle pas de la politique de l’Italie mais de la politique en général, surtout dans le monde occidental – les Etats-Unis, l’Europe – a déçu. Elle a déçu parce qu’elle a promis de résoudre les problèmes rapidement et en réalité ne l’a pas fait. Cela fait plus de trois ans que la politique use d’une forme d’optimisme qui est dissocié de la réalité et des problèmes. La politique a méconnu les causes de la crise, les vraies causes, les vraies origines, et depuis trois ans a continué à dire que l’origine était de nature financière, dû à l’excès de dettes faites par les banques et à l’écroulement du développement dû à la natalité. La crise que nous vivons est la conséquence de la mauvaise interprétation que le monde, y compris politique, a eue de la croissance économique en Occident. Aujourd’hui, nous parlons à profusion du 7 milliardième bébé qui est né, mais où est-il né ? Notre monde, le monde occidental, a eu l’effronterie d’ignorer qu’une économie ne se développe de manière stable et équilibrée qu’à condition que la population se développe aussi de façon harmonieuse et équilibrée. Nous avons minimisé l’importance des naissances, et avons remplacé le développement nécessaire par une croissance consumériste et bâtie sur des dettes. En faisant cela, nous avons blessé la dignité de l’homme, parce que nous l’avons contraint à se satisfaire matériellement pour faire croître la consommation. Pour pouvoir affronter concrètement les problèmes que nous avons, que nous vivons, il est nécessaire d’envisager une longue période d’austérité, de telle façon que l’on puisse ressaisir les fondamentaux de l’économie. Mais l’austérité semble une promesse politiquement impopulaire. Par conséquent, la politique veut ignorer ce qui est impopulaire et cherche encore à créer une nouvelle forme d’illusion trompeuse, pour encourager la reprise de la consommation, plutôt que la mise en valeur des fondamentaux de l’économie, par exemple l’épargne.

Du G7 au G8, aujourd’hui le G20 : ce sommet élargi peut-il être une espérance pour les équilibres mondiaux ?

Ce sera le cas si les personnes qui participent au G20 y viennent avec une grande dose d’humilité pour affronter ces décisions, en comprenant le sens et la responsabilité de leurs actions. Elles prennent en ce moment une responsabilité historique, devant l’humanité entière, et, comme a dit Benoît XVI, lors de son voyage à Venise, le vrai leader qui conduit à un succès pérenne est celui qui s’occupe du bien commun.

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ZENIT Staff

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