« Soeur Lucie m’a demandé de prier pour l’unité des chrétiens »

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Entretien avec l’archevêque catholique de Moscou, Mgr Tadeusz Kondrusiewicz

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CITE DU VATICAN, Mardi 15 mars 2005 (ZENIT.org) – L’Archevêque de Moscou, Mgr Tadeusz Kondrusiewicz, révèle dans cet entretien qu’il a accordé à Zenit, certains détails de ses rencontres avec Sœur Lucie, dernière voyante des apparitions de Fatima, décédée le 13 février dernier, et de sa visite à Jean-Paul II à l’hôpital le 8 mars dernier.

L’archevêque de Moscou présente également sa vision de l’œcuménisme et de la liberté religieuse en Russie, rappelant que les catholiques du pays ne poursuivent « aucune politique de prosélytisme ».

Mgr Kondrusiewicz, nommé évêque par Jean-Paul II le 10 mai 1989, est archevêque métropolitain de l’archidiocèse de la Mère de Dieu à Moscou depuis le 11 févier 2002. Jusqu’à cette année, il a été également président de la Conférence épiscopale catholique en Russie.

Zenit : Il semble que le pape se remette rapidement, êtes vous surpris ?

Mgr Kondrusiewicz : Vraiment ! Je suis allé à la polyclinique Gemelli pour le voir, et j’ai du attendre dehors parce que le pape priait dans sa chambre. Quand je suis entré, je lui ai dit en polonais « Loué soit Jésus Christ », et il m’a répondu par un large sourire puis m’a demandé « comment vont les choses à Moscou ».

J’ai été surpris par le timbre de sa voix, je ne m’y attendais pas. Je lui ai dit qu’en Russie nous prions à genoux pour le Saint-Père, aussi bien dans les églises que dans les maisons. J’ai moi-même lancé un appel aux fidèles afin qu’ils prient pour lui. Le Saint-Père m’a dit qu’il prie toujours pour l’Eglise en Russie. Puis il m’a béni et m’a permis de bénir notre peuple en son nom.

Zenit : Pensez-vous que la célèbre icône de la Vierge de Kazan, donnée par le Saint-Père et remise au Patriarche de Moscou en août 2004 soit véritablement en mesure de rapprocher les catholiques et les orthodoxes ?

Mgr Kondrusiewicz : Au cours de la cérémonie de remise de l’icône de Kazan dans la cathédrale du Kremlin, le cardinal Walter Kasper a adressé certaines paroles, qui m’ont frappées, au Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Alexis II. Il a rappelé que la prière à la Madone nous ramène tous, chrétiens d’Orient et d’Occident, vers les temps de l’Eglise indivise. Marie est la mère de tous les peuples de Dieu, elle est notre Avocate.

Zenit : Catholiques et orthodoxes ont lancé des initiatives communes à Moscou. Cela montre-t-il selon vous que l’œcuménisme traverse une période favorable ?

Mgr Kondrusiewicz : Je voudrais toujours voir les choses de manière positive. Avant le Concile Vatican II, nous, catholiques, parlions des orthodoxes et des protestants comme des schismatiques. Aujourd’hui nous en parlons comme de nos frères. Les relations de l’Eglise catholique avec de nombreuses Eglises orthodoxes sont difficiles mais il existe de nombreuses bonnes choses. Rappelons-nous des deux visites en un an du cardinal Kasper à Moscou, de l’échange de délégations envoyées du Vatican et de l’Eglise orthodoxe, des échanges entre Etats, universitaires etc.

Dans un mois précisément, le 13 avril, nous aurons à l’Académie des Sciences de Moscou, une rencontre à laquelle participeront également des professeurs de Rome et ou sera présenté le deuxième volume de l’Encyclopédie catholique. Le lendemain, le 14 avril, aura lieu une grande conférence sur le Concile Vatican II, organisée de concert par l’Eglise catholique et l’Institut biblique théologique de Saint-André Apôtre, orthodoxe.

Zenit : Pensez-vous que les accusations de prosélytisme portées contre les catholiques aient un fondement ?

Mgr Kondrusiewicz : Elles n’ont aucun fondement. Nous n’avons aucune politique de prosélytisme. Après le Concile Vatican II, les Eglises orthodoxes ont été proclamées Eglises sœurs, dotées des mêmes moyens de salut que les nôtres – sacrements – , il n’y a donc aucune raison de faire du prosélytisme. Nous devons reconnaître la volonté des personnes qui désirent être catholiques. Cependant cela n’est pas du prosélytisme. Je ne vois qu’une seule solution, c’est que les Eglises se mettent d’accord sur une définition du prosélytisme.

Une Commission mixte composée de trois représentants orthodoxes et de trois catholiques, dont je faisais partie, a été créée après la première visite du cardinal Walter Kasper à Moscou. Nous nous sommes déjà réunis à deux reprises : la première sur des cas pratiques considérés par le Patriarche orthodoxe comme des cas de prosélytisme, à propos desquels nous voulions apporter une réponse. Nous devons toutefois travailler encore sur des arguments plus théologiques et sur la liberté religieuse. Il existe des obstacles, notamment les accusations d’invasion du territoire canonique (ndlr : les territoires qui dépendent du Patriarcat orthodoxe de Moscou). Nous avons beaucoup de travail, et construire demande toujours plus de temps que détruire, comme dit un proverbe russe. Le fruit doit mûrir, il faut beaucoup de temps. Tout est dans les mains de Dieu ; nous aussi, toutefois, sommes des instruments entre les mains de Dieu.

Zenit : La tradition orthodoxe a-t-elle eu une grande influence sur votre formation personnelle ?

Mgr Kondrusiewicz : Oui, beaucoup, et nous devons en tenir compte également dans l’œuvre pastorale. Dans les églises catholiques, en occident, ces derniers temps, l’on a perdu les icônes, et les images ont été enlevées. Et cela n’est pas seulement vrai pour les icônes mais également à propos de la liturgie : des célébrations du dimanche qui durent de trente à quarante minutes… c’est peu ! Les gens veulent des célébrations liturgiques d’une heure et demie et plus.

Zenit : La vie de l’Eglise à Moscou est-elle dynamique ?

Mgr Kondrusiewicz : A Moscou, il y a 15 ans, le dimanche, il n’y avait que deux messes, une à Saint-Louis-des-Français et l’autre à l’ambassade américaine. Aujourd’hui, il y a 27 messes en 12 langues. Il y a un nombre important de jeunes, beaucoup sont des citoyens russes et d’autres étrangers. Comme nous n’avons que deux églises, nous devons célébrer la messe dans les ambassades (allemande, américaine, etc.). Quelquefois, dans la cathédrale, qui possède deux chapelles en sous-sol, trois messes sont célébrées au même moment.

Les jeunes sont très actifs, ce n’est pas difficile d’organiser des choses ; ils parlent de nombreuses langues et se proposent comme volontaires sans problème.

Zenit : Les religieux ont-ils des difficultés à s’établir en Russie ?

Mgr Kondrusiewicz : Les religieux sont déjà en Russie, mais il est difficile pour eux d’obtenir une reconnaissance juridique. La loi russe ne fait pas de distinction entre les paroisses ou les communautés religieuses, et pour se faire enregistrer il faut constituer un groupe d’au minimum une dizaine de personnes de nationalité russe. Cela signifie que pour ouvrir une communauté monastique, il faut au moins dix Russes qui vivent dans la ville. Ce problème sera résolu lorsque nous aurons des vocations russes. La loi reconnaît cependant d’autres formes d’existence, comme les groupes de prières. Mais ceux-ci n’ont pas de personnalité juridique.

A part les religieux, il y a de nombreux groupes et communautés à Moscou, Saint-Pétersbourg et dans d’autres villes : le chemin Néo-catéchuménal, les Focolari, Communion et libération,… et d’ailleurs, le lundi de Pâques nous célébrerons une messe spéciale pour Don Giussani.

Zenit : Lorsqu’on dit « Fatima », à quoi pensez-vous en tant que Russe et en tant que catholique ?

Mgr Kondrusiewicz : Je pense à beaucou
p, beaucoup de choses. Après la mort de sœur Lucie, nous avons célébré une messe spéciale. Pour ma part, je l’ai rencontrée trois fois. La première fois en 1991, ce fut à Coimbra. Elle n’arrivait pas à croire qu’il y avait un archevêque à Moscou. Ceci était pour elle le signe que la promesse de Fatima était en train de se réaliser. Elle était vraiment émue. Elle m’a dit qu’elle priait pour toutes les Russies, pour tous les chrétiens. Et elle m’a demandé de prier pour l’unité des chrétiens. Elle m’a offert un chapelet fait par elle, et une image de la Vierge de Fatima, en me demandant de la porter au Patriarche de Moscou. Je l’ai fait et le Patriarche l’a acceptée.

Ensuite, en 1996 nous avons lancé un pèlerinage pour toute la Russie avec la Vierge de Fatima. J’ai rencontré Sœur Lucie pour la dernière fois en 1997. Elle m’a demandé de prier pour l’unité des chrétiens. En Russie, tous les 13 du mois, on fait une procession aux flambeaux et on prie.

Pour nous catholiques, le message de Fatima, à l’époque du régime soviétique, était une espérance. Tout était sombre mais Elle disait : « Mon cœur immaculé triomphera et la Russie se convertira ». Les autorités qui ont signé la fin de l’Union Soviétique le 8 décembre 1991 ne savaient peut-être pas très bien quelle était la signification de ce jour : c’était la fête de l’Immaculée !

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ZENIT Staff

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