Semaines sociales de France : Ethique et pressions économiques, attention !

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« L’économie biomédicale ne peut être exempte du souci éthique »

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ROME, Mercredi 4 novembre 2009 (ZENIT.org) – Les Semaines Sociales de France se préoccupent, dans le document ci-dessous des risques de « marchandisation », notamment dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation (AMP).

Les SSF souhaitent que la révision des lois de bioéthique ne gomme pas les « principes » de la société française et ne soit pas « influencée par les lobbies industriels ».

Déclaration des SSF

Au moment où les lois de bioéthique doivent être révisées, les Semaines sociales de France se félicitent de l’accord quasi unanime manifesté par les Français lors des Etats généraux de la bioéthique mais s’inquiètent des pressions économiques qui risquent de s’exercer sur les députés.

L’économie biomédicale ne peut être exempte du souci éthique

En 1994, la première des lois de Bioéthique a inscrit dans le Code civil des principes fondamentaux sur le respect du corps humain, considérés comme intangibles. Félicitons-nous que la France, grâce à la recherche d’un socle anthropologique commun, ait su élaborer de telles lois. Cela fait d’elle un cas à part et presque un exemple en Europe. Les points soumis à la révision devant le Parlement en 2010 ont d’abord été l’objet, au cours du premier semestre 2009, de débats démocratiques dans le cadre des Etats Généraux de la Bioéthique. Le temps est maintenant venu du débat parlementaire et de l’inscription éventuelle dans un cadre légal d’orientations nouvelles pouvant modeler notre société.

Un débat d’intérêt

Le Parlement a rappelé son rôle de législateur. Un débat citoyen ne peut en effet se substituer à une assemblée élue. Reste à prendre garde qu’une fois le débat passé, les lobbies, notamment industriels, ne se manifestent de manière trop insistante auprès des députés. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas ici nous prononcer sur le fond – cela a été fait abondamment – mais juste insister sur certains aspects économiques concernant l’AMP, les embryons surnuméraires et les dons de gamètes.

La prise en charge par l’Assurance Maladie des AMP est aujourd’hui soumise à conditions : elle est réservée à des couples hétérosexuels infertiles. Il convient de maintenir fermement ce principe de conditionnalité pour mettre en balance le résultat espéré avec le coût de l’AMP. C’est dire que doivent être considérés non seulement l’épreuve pour ces couples à laquelle la médecine essaie d’apporter un traitement, mais aussi les moyens que la communauté mobilise par le biais de cette prise en charge financière, sans négliger tout l’investissement immatériel fait par les équipes qui en ont la charge. Ce principe de conditionnalité impose d’évaluer l’efficacité des techniques en usage, leur innocuité pour l’enfant à naître, d’assurer un accompagnement et un suivi des personnes concernées par des professionnels de l’écoute et de tenir compte de leurs résultats pour maintenir ou non le projet d’AMP, notamment dans le cas de demande tardive de maternité.

La question de l’anonymat donneur

Toujours dans le cadre de l’AMP l’attention est aujourd’hui attirée sur les difficultés rencontrées par certains enfants conçus par IAD, dont la construction identitaire est amputée car fondée sur l’effacement du tiers donneur. Ces donneurs sont en effet porteurs d’une filiation dont l’accès demeure interdit à l’enfant. Nous pensons que le principe de l’accès à la connaissance de ses origines doit prévaloir sur la protection du donneur et sur l’argumentation « utilitariste » des CECOS et de l’Agence de biomédecine pour lesquels la levée de l’anonymat des donneurs risquerait de diminuer leur nombre. Cet argument est peut être fondé mais il ne relève plus du débat éthique mais d’une logique quantitative et réductrice qui ne peut en aucun cas être mise en balance avec l’intérêt de l’enfant à naître. Si le donneur est protégé ( filiation dûment établie entre le couple demandeur d’AMP et l’enfant à naître), il ne doit pas être légalement déresponsabilisé. Assimiler dans la loi le don de gamètes à un don anonyme d’organe serait une erreur.

Les embryons « médicaments » : un enjeu économique

La création d’embryons surnuméraires, favorisée par la surproduction d’ovocytes pour les fécondations in vitro, permet d’accroître les chances de grossesse. La découverte que ces embryons pouvaient aussi être sources de tissus « neufs », permettant ainsi la régénération d’organes lésés ou vieillis, a entraîné l’espoir d’un nouvel usage de ce « matériau humain ». Ces embryons « médicaments » sont à l’origine d’enjeux scientifiques, industriels et économiques majeurs. Cette réification de ce qui est admis comme un être humain potentiel – alors qu’il existe d’autres sources de cellules régénératrices potentielles – interroge certaines méthodes utilisées par la recherche en biomédecine, met surtout en cause la hiérarchie de valeurs qu’elle suppose ainsi que le jeu d’intérêts financiers, publics et privés qu’elle mobilise. L’éthique biomédicale ne saurait être dissociée d’un ethos collectif.

La solidarité envers l’être à venir

Afin de protéger de certaines dérives les plus vulnérables d’entre nous que sont l’enfant ou l’embryon, et d’éviter d’alimenter des pratiques de marchandisation du corps et de commercialisation de l’AMP, le législateur doit donc avoir fermement à l’esprit au moins les trois principes suivants :

– Toute filiation étant biologique, éducative et sociale, le lien entre les êtres humains doit pouvoir être conservé.

– Une hiérarchie des principes, quand plusieurs s’imposent, doit être indépendante d’enjeux de pouvoirs (scientifiques, idéologiques, industriels…) et prendre en compte non seulement l’intérêt des plus pauvres ici mais aussi celui des plus démunis de santé sur la planète.

– Les moyens matériels mobilisés par la collectivité doivent d’abord servir à prévenir et à traiter les maladies, en particulier à développer la recherche sur les causes des infertilités de couples.

La révision de la Loi de Bioéthique a été convoquée du fait des avancées de la science mais cette dernière – couplée à l’économie – ne doit pas pour autant gommer certains principes qui sont la trame de notre société et du maillage de solidarité avec les plus vulnérables, en Europe et dans le monde.

Les Semaines sociales de France

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ZENIT Staff

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