Semaine pour l’Unité avec l’Eglise d’Alep : 11 dénominations

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Entretien avec le Métropolite grec catholique d’Alep

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CITE DU VATICAN, Mercredi 14 janvier 2004 (ZENIT.org) – Le conseil oecuménique des Eglises a confié aux Eglises d’Alep, en Syrie, le soin de préparer pour le monde entier le programme des célébrations de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier 2004) : pourquoi ?

Le Métropolite grec catholique d’Alep et visiteur apostolique pour l’Europe occidentale, Mgr Jean-Clement Jeanbart, a bien voulu expliquer à Zenit la situation de cette Eglise très ancienne et de ses 11 dénominations.

Q: L’Eglise d’Alep est très ancienne, apostolique ?

R: Les premiers chrétiens sont apparus à Alep il y a 2000 ans, avec la prédication des Apôtres. En effet, la Syrie est un berceau du christianisme, et l’on pourrait dire d’une certaine façon que si l’Eglise est née à Jérusalem, elle a grandi et pris forme en Syrie. C’est à Antioche (cf. actes des Apôtres, ndlr) que les premiers disciples du Christ ont reçu d’abord le nom de « chrétiens ». Cette Eglise a donné à l’humanité des saints illustres et des martyrs, des docteurs, et elle a joué un rôle considérable dans le christianisme que nous connaissons aujourd’hui.

Q: Qui a apporté l’Evangile à Alep et comment les différentes communautés se sont-elles développées ?

R: Alep, ville sept fois millénaire, a reçu l’Evangile grâce à la prédication de l’apôtre Siméon, et depuis, elle n’a cessé de compter des chrétiens dans ses enceintes. Dès la fin du IIIe siècle, elle avait déjà son évêque, saint Eustache. Au cours des siècles, les différentes communautés particulières qui y résident ont émergé, conséquence de certaines scissions internes, autant que de l’immigration de différents groupes ethniques réfugiés dans la ville pour sauvegarder leur foi ancestrale. Tout cela a fait qu’au bout de 2000 ans de fidélité, 9 communautés apostoliques différentes ont réussi à survivre dans cette ville accueillante, carrefour du monde ancien, et relais économique et culturel incontournable jusqu’au XIXe siècle.

Q: Comment se présentent ces communautés aujourd’hui ?

R: Actuellement, les chrétiens d’Alep sont regroupés autour de 11 chefs religieux, dont 9 évêques catholiques et orthodoxes, soient 6 communautés catholiques avec leurs évêques respectifs : les Grecs catholiques, les Arméniens, les Syriens, les Maronites, les Chaldéens, et les Latins ; et trois communautés orthodoxes : les Grecs orthodoxes, les Arméniens et les Syriens ; s’y ajoutent deux communautés protestantes évangéliques : une Arménienne et une Arabe.

Q: Le voyage de Jean-Paul II à Damas a mis en valeur, en particulier lors de la rencontre avec les jeunes chrétiens de Syrie, une réelle harmonie entre ces communautés : qu’en est-il au quotidien à Alep ?

R: Avant le Concile oecuménique Vatican II, il y avait des tensions entre Catholiques et Orthodoxes, dues en partie aux excommunications séculaires lancées de part et d’autre. C’était une atmosphère de méfiance et de suspicion qui bloquait toute relation possible. Depuis Vatican II, l’Eglise catholique s’est orientée dans le sens d’une ouverture vers les Eglises orthodoxes. La suspicion qui séparait les Eglises et qui les éloignait les unes des autres disparaît progressivement à Alep. Il y a actuellement entre les différentes Eglises de la ville des relations de plus en plus cordiales et disons même fraternelles.

De nos jours, en vue d’affronter des situations difficiles, les Eglises sœurs se mettent ensemble pour se concerter et s’entraider au service de leurs fidèles respectifs.

De même au niveau social, l’Eglise catholique offre les services de ses institutions humanitaires et caritatives à tous les chrétiens, qu’ils soient catholiques ou orthodoxes, les aidant ainsi à sortir de leurs difficultés.

Q: Qu’en est-il au niveau des responsables de ces communautés : comment travailler ensemble ?

R: Les évêques et les chefs religieux de toutes les Eglises de la ville se réunissent une fois par mois chez l’une ou l’autre des communautés, à tour de rôle. Ces rencontres sont des occasions pour échanger à propos des questions d’intérêt commun qui surgissent. Cela leur permet en outre de s’accorder sur tout ce qui regarde les Chrétiens et leur vie au milieu des Musulmans. C’est de cette assemblée que surgissent éventuellement les différents comités oecuméniques opérant dans la ville.

Q: Comment se célèbre la Semaine de prière pour l’unité à Alep ?

R: Chaque année, un comité spécial issu de cette même assemblée s’occupe de la préparation et de la célébration de « La Semaine de prière pour l’Unité », de façon à ce que le plus grand nombre de clercs et de laïcs y participent. Ces célébrations qui comportent autant de liturgies que de manifestations œcuméniques variées, ont lieu aussi bien chez les Catholiques que chez les Orthodoxes ou les Protestants.

Q: Certaines célébrations ont-elles eu par le passé un impact particulier ?

R: Ces dernières années, plusieurs comités de travail mixtes ont été établis pour préparer les manifestations communes pour de grands événements qui ont marqué l’histoire du pays : en 1991, pour la célébration de 1500e anniversaire de saint Siméon ; en 1997, pour la célébration du 1700e anniversaire du martyr des saints Serge et Bacchus ; et dernièrement, en 2001, toutes les communautés chrétiennes de Syrie se sont regroupées pour accueillir ensemble Sa sainteté le Pape Jean-Paul II, venu en pèlerinage sur les pas de saint Paul.

Q: Le pèlerinage de Jean-Paul II a été marqué par un geste qui a marqué l’opinion publique mondiale : il a été reçu dans la mosquée de Damas pour se recueillir au tombeau de saint Jean-Baptiste et rencontrer le « recteur » de la mosquée : Quelles relations avez-vous, à Alep, avec les chefs religieux musulmans ?

R: Ensemble, les chefs religieux chrétiens ne manquent pas d’organiser des réunions avec les chefs religieux musulmans. Plusieurs fois par an, ils se rencontrent, soit à l’occasion des Fêtes, soit à l’occasion de séminaires de dialogue, soit encore à l’occasion de banquets fraternels offerts par les uns ou les autres. De bons sentiments d’amitié caractérisent les relations des chefs religieux de cette ville qui se distinguent par des traditions séculaires d’accueil et de convivialité.

Q: Qu’en est-il dans la vie quotidienne des communautés ?

R: De vrais échanges existent entre les communautés. Les écoles et les institutions éducatives des uns sont ouvertes à tous les autres. Les structures culturelles et caritatives offrent de même leurs services indistinctement à tous ceux qui viennent solliciter leur assistance. Les membres du clergé orthodoxe et catholique ont souvent l’occasion de célébrer ensemble des cérémonies de mariages ou de funérailles, chez les uns ou chez les autres. A l’occasion des fêtes patronales des Eglises, ils ne manquent pas de participer aux célébrations liturgiques établies pour la fête, exception faite de la célébration eucharistique. L’un ou l’autre des prêtres orthodoxes accompagne ses fidèles dans certaines manifestations ou sessions d’études organisées par les mouvements d’Action catholique actifs dans la ville. Un échange de conférenciers entre les mouvements des différentes communautés n’est pas chose rare à Alep.

Q: Vous évoquiez la bonne entente du clergé local…

R: Des liens étroits rapprochent en particulier le clergé grec catholique et grec orthodoxe, grâce aux relations cordiales existant aussi entre leurs deux évêques. Les prêtres de ces deux communautés collaborent dans beaucoup de domaines
et s’entraident dans leur action apostolique et leur service pastoral. C’est ainsi qu’en juin 2001, les deux Métropolites d’Alep, Mgr Boulos Yazigi, orthodoxe, et moi-même, nous sommes mis d’accord pour organiser ensemble la retraite sacerdotale annuelle fermée, de nos prêtres. Deux prêtres, un catholique et un orthodoxe, ont prêché la retraite ensemble, dans un couvent grec orthodoxe, à Balamand, au Nord du Liban. Cette retraite a permis au clergé des deux communautés de mieux se connaître et de s’apprécier mutuellement.

Q: Jusqu’où peut aller cette communion au niveau des paroisses ?

R: C’est justement dans ce contexte que, le 17 mars 2002, les deux communautés ont pu inaugurer une église commune, dédiée à saint Joseph et appartenant à la fois aux deux archevêchés orthodoxe et catholique d’Alep : elle est mise à la disposition de tous les chrétiens de la ville. L’inauguration de cette église a été présidée par les deux patriarches, catholique et orthodoxe, ainsi que par Son Eminence le cardinal Walter Kasper, président du conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens. Ce fut une grande manifestation œcuménique qui a réchauffé le cœur des fidèles d’Alep, de Syrie, et peut-être de beaucoup d »autres fidèles dans le monde souhaitant le rapprochement des chrétiens et l’unité de l’Eglise.

© Métropolite Jean-Clément Jeanbart

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ZENIT Staff

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