« Selon l’Eglise, le patient en état végétatif est une personne humaine »

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Entretien avec Gian Luigi Gigli, Président de la FIAMC

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ROME, Jeudi 24 mars 2005 (ZENIT.org) – L’expression « état végétatif » a des « connotations irrespectueuses » qui sous-entendent un manque d’humanité chez le patient, déclare le docteur Gian Luigi Gigli, Président de la Fédération Internationale des Associations Médicales Catholiques, lors d’une interview accordée à Zenit.

G. L. Gigli est co-auteur, avec le docteur Nathan D. Zasler, du livre « Life-sustaining treatments in vegetative state: scientific advances and ethical dilemmas » (Traitements de maintenance de la vie en état végétatif : progrès scientifiques et dilemmes éthiques), publié dans un numéro spécial de la revue Neurorehabilitation, édité par la Iospress. Ce livre est le fruit d’un congrès sur ce même thème.

Zenit : Qu’entend-on par état végétatif et que dit l’Eglise à ce sujet ?

G. L. Gigli: L’état végétatif s’observe chez certains patients à la sortie du coma et est caractérisé par une condition de veille prolongée pendant laquelle le patient n’a conscience ni de lui-même ni de son environnement. La physiopathologie de ce problème n’est pas claire et les lésions cérébrales qui peuvent le favoriser sont de différents types et se situent à différents endroits.

Le patient, même s’il alterne sommeil et état de veille, ne manifeste aucune réponse importante. Ce n’est pas un malade terminal et il n’a pas besoin de machines pour assurer les fonctions vitales. Cependant il a besoin de soins, en particulier d’être hydraté et nourri, parfois par voie buccale, mais plus souvent par sonde rhino-gastrique ou une canule dans la parois de l’abdomen, la PEG (Percutaneous Endoscopic Gastrostomy, ndlr).

Pour l’Eglise, un patient en état végétatif est une personne humaine, il a besoin de soins d’ordre affectifs. Le débat qui a animé les moralistes et les institutions sanitaires catholiques dans le passé portait sur le prolongement indéfini de l’hydratation et de la nutrition, même quand il semble ne plus y avoir la moindre espérance d’un retour, même partiel, de la conscience.

Certains ont vu le prolongement de l’hydratation et de la nutrition comme un acharnement thérapeutique, d’autres ont interprété la suspension des soins comme une euthanasie par omission, vu les conséquences mortelles inévitables qui en découlent. En dehors de l’Eglise, la communauté scientifique, les magistrats et certains membres de la famille exercent de très fortes pressions pour obtenir la suspension de l’hydratation et de la nutrition, pressions fondées sur une vision de la vie privée de toute valeur, quand sa « qualité » diminue fortement.

Plus fortes encore sont les résistances de ceux qui voient dans de telles procédures une méthode subreptice pour autoriser l’euthanasie dans les pays où la loi la condamne, en l’étendant ensuite, comme cela est déjà arrivé, à d’autres cas comme la démence, le retard mental, l’ictus cérébral grave.

Zenit : Dans quelle mesure l’état végétatif est-il vraiment « végétatif » ?

G. L. Gigli: Au-delà de l’expression, qu’il faudrait changer à cause de ses connotations irrespectueuses qui sous-entendent une non-humanité du patient, il reste le fait que nous ne pouvons pas exclure la perception basique de la douleur et des études ont montré que certains processus de reconnaissance des stimuli persistent.

La sédation systématique des patients dans les 15 jours qui séparent l’arrêt de l’hydratation et de la nutrition de leur mort, est une preuve indirecte qu’il existe un réel doute d’ordre neuroanatomique et neurophysiologique quant à l’absence totale de perception de la douleur chez ces patients.
L’état végétatif est trop souvent diagnostiqué avec une excessive désinvolture, avec un grand pourcentage de diagnostics inexacts, même au sein d’institutions sanitaires qualifiées. Il ne faut surtout pas le confondre avec d’autres conditions neurologiques où l’on peut observer un état de réduction prolongée des niveaux de la conscience.

Zenit : Quelle est la nouveauté du discours prononcé par le pape, le 20 mars dernier, au sujet des traitements de soutien vital aux patients en état végétatif (cf. Zenit, 22 mars 2004) ?

G. L. Gigli: Le Saint Père, lors d’un discours historique, a mis les points sur les « i » pour éviter d’autres problèmes, au moins dans le milieu catholique, en demandant par exemple que l’hydratation et la nutrition ne soient pas suspendus, comme cela s’est malheureusement passé dans certains hôpitaux catholiques nord-américains.

Malgré les tentatives des moralistes et des institutions sanitaires catholiques de redimensionner la portée du discours du pape, son message est très clair. Pour le pape, les jugements sur la qualité de la vie et sur les coûts de l’assistance ne peuvent prévaloir sur le respect dû à la vie du patient. L’hydratation et la nutrition doivent être considérés comme des moyens ordinaires et proportionnés à leur but initial qui est de nourrir le patient.

Ces dernières sont moralement obligatoires, même si elles sont administrées au moyen d’une canule. La probabilité même élevée que le patient ne puisse recouvrir la conscience ne peut en aucun cas, pour le pape, justifier l’interruption des soins de base, hydratation et nutrition incluses, car cela serait au contraire une sorte d’euthanasie par omission.

Le pape nous a invités à améliorer la qualité du niveau de vie de nos sociétés en soutenant les familles des patients en état végétatif avec une attention et une solidarité particulières.

Suite à ces paroles, je crois que pour un médecin, une infirmière ou une institution sanitaire catholique, la nutrition et l’hydratation ne peuvent être interrompus que s’ils ne produisent plus l’effet qu’ils devraient produire, ou s’ils deviennent un fardeau insupportable pour le patient (qui semble cependant pouvoir les supporter sans problème pendant des années) ou pour les proches (ce qui ne devrait pas arriver dans des pays civilisés où l’assistance de base n’est pas un luxe).

Zenit : L’autre auteur de ce livre, Nathan Zasler, est un médecin Juif. Y a-t-il un point d’entente entre les catholiques et les juifs sur le problème du traitement de nutrition et d’hydratation dans l’état végétatif ?

G. L. Gigli: Le monde juif est très diversifié. L’article du Rabin E. N. Dorff énonce clairement que pour la majorité des rabbins orthodoxes et pour beaucoup de rabbins conservateurs, le médecin a le devoir de faire tout son possible pour maintenir en vie le patient en état végétatif.
D’autres rabbins permettent qu’il n’y ait pas de traitements, mais n’acceptent pas qu’ils soient suspendus s’ils ont été commencés. Les juifs réformés et les juifs sécularisés tendent au contraire à décider selon la conscience. Il semble cependant que la tradition juive hésite encore à suspendre ou non les traitements comme l’hydratation et la nutrition, desquels dépend la vie du patient en état végétatif.

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ZENIT Staff

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