Rwanda : Etre le reflet de l’amour de Jésus après le génocide

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Entretien avec Sabina Iragui Redín, Fille de la Charité

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ROME, Lundi 13 juin 2005 (ZENIT.org) – Sabina Iragui Redín, religieuse des Filles de la Charité, d’origine espagnole, est au Rwanda depuis 32 ans. Elle a expliqué à Zenit comment elle a tenté d’aider les Rwandais au cours de ces années marquées par le terrible génocide de 1994.

Zenit : Comment êtes-vous arrivées au Rwanda et au Burundi ?

Sr Sabina : En 1973 nous sommes parties pour fonder une maison et vivre avec les gens. Les Filles de la Charité ont ouvert six missions au Burundi à cette époque, et trois au Rwanda. Nous avions à l’origine été appelées par les évêques pour nous occuper du service médical, comme infirmières, et nous nous sommes consacrées surtout à des centres de santé. Peu à peu des sœurs originaires du pays sont entrées dans la congrégation et nous avons développé nos services.
Entre 1985 et 1987 le président du Burundi a refusé de délivrer à tous les missionnaires les visas pour rester dans le pays. Les sœurs qui se trouvaient au Burundi ont dû partir. De nombreuses sœurs autochtones se sont jointes à nous au Rwanda et nous avons ouvert deux missions dans l’est du Congo, dans la région des lacs.

Zenit : Puis vint le génocide de 1994…

Sr Sabina : Lorsqu’il a éclaté, nous nous sommes installées à Goma, au Congo, pour pouvoir aider les réfugiés. Nous nous sommes mises à travailler dans les camps. Environ 35 sœurs se sont jointes à nous. Nous avons d’abord organisé un camp de réfugiés avec les salésiens, puis un autre avec Médecins sans Frontière. Ceux-ci nous procuraient du sérum et des médicaments pour les malades, car nous n’avions rien, nous n’avions que nos bras. Puis, subitement une épidémie de choléra a éclaté. Elle était due au fait que l’on jetait les cadavres des personnes assassinées dans le lac Kivu et que les gens buvaient l’eau du lac. L’épidémie fut d’une violence terrible.

Les militaires français envoyés sur place nous approvisionnaient en eau, car il n’y avait pas d’eau potable. Je me souviens qu’un militaire nous a dit : « Vous faites un travail remarquable, vous les soeurs ! Qu’est-ce que je peux faire moi ? Je ne fais rien ! » Il prit tout l’argent qu’il avait sur lui et me le donna. Nous avons utilisé cet argent pour donner à manger aux réfugiés. C’était si triste de les voir arriver du Rwanda, sans rien.

Je suis partie ensuite travailler dans un camp de réfugiés en collaboration avec l’UNICEF. C’était un camp d’enfants orphelins. Ils étaient environ 5000. Ils avaient été trouvés sur les chemins ou dans la forêt, près de leur mère morte. C’était terrible. Plus tard je suis revenue au Rwanda, à Kivuyu, par la haute montagne.

Zenit : …n’était-ce pas dangereux ?

Sr Sabina : Si. En montagne aussi la situation était dangereuse et nous avons dû fuir par une autre route, vers le Congo. Mais la situation là-bas n’était pas facile non plus. L’une de nos maisons au Congo avait dû fermer car une nuit le prêtre de la paroisse avait été assassiné et les sœurs avaient dû être évacuées. Nous avons également dû fermer l’autre maison, celle de Goma, lorsque la guerre a éclaté au Congo. Puis il y a eu l’éruption du volcan Yiragongo et la maison fut ensevelie sous la lave. Et là, c’était vraiment fini.

Zenit : Comment avez-vous envisagé la mission après tant de catastrophes ?

Sr Sabina : Après 1996, lorsque le génocide du Rwanda était terminé, nous avons organisé une assemblée pour répondre aux nouvelles pauvretés qui avaient surgi dans le pays, et nous nous sommes mises au travail. Nous travaillons maintenant dans différents domaines : avec les enfants de la rue, qui sont très nombreux, surtout les filles ; dans les prisons où nous apportons à manger.

Zenit : Des prisons bondées…

Sr Sabina : Oui, et elles vont l’être plus encore car on continue à juger des gens. Il y a actuellement plus de 100.000 personnes dans les prisons mais l’on pourrait arriver jusqu’à 700.000. Nous ne savons pas qui est coupable et qui est innocent. La seule chose que nous savons est qu’il y a de nombreux malades du sida et de la tuberculose.

Nous travaillons aussi avec les femmes. Le Rwanda est un pays de femmes. Beaucoup d’hommes sont morts et beaucoup d’autres sont en prison. Nous avons organisé des associations de femmes et nous travaillons avec toutes les femmes sans aucune discrimination. Nous avons des réunions, lisons l’Evangile, partageons la parole de Dieu. On les aide, on demande des terres pour qu’elles puissent les cultiver et ainsi permettre à leurs enfants de faire des études et d’aller de l’avant. Les femmes sont très courageuses et cela vaut la peine de les aider. Elles ont une grande force et s’occupent de tout. Nous travaillons aussi avec les orphelins, le sida…

Zenit : Le thème proposé par Jean-Paul II pour la prochaine Journée mondiale de la Mission est : « Mission : pain rompu pour le monde ». Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Sr Sabina : Jésus est le vrai pain rompu pour le monde. En me faisant pauvre parmi les pauvres, j’essaie aussi d’être ce pain, et de partager ma vie, mon enthousiasme avec les pauvres, dans un pays de vraie pauvreté, et d’être ainsi le reflet de l’amour miséricordieux de Jésus, car ce qui compte le plus, c’est l’amour.

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ZENIT Staff

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