Rencontre avec le « Général » des Jésuites : l’humanisme profond de l’Asie

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Le P. Nicolas reçoit la presse à Rome

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ROME, Vendredi 25 janvier 2008 (ZENIT.org) – « Je ne vous propose pas de poser des questions parce qu’aujourd’hui je n’ai pas de réponses », a déclaré en substance le P. Nicolas, nouveau « Général » des Jésuites qui a rencontré la presse en la salle Ndal – nom d’un des premiers compagnons de S. Ignace – de la curie généralice de Rome, Borgo Santo Spirito. Le P. Nicolas a souligné qu’il était dans l’attente des indications de la « Congrégation générale » qui s’est ouverte le 7 janvier. Il a souligné l’humanisme profond qu’il a découvert en Asie.

Le nouveau préposé général de la Compagnie de Jésus, élu le 19 janvier par la 35e congrégation générale des jésuites, le P. Adolfo Nicolas, Espagnol, a en effet reçu la presse pour une brève communication d’une vingtaine de minutes, introduite par le P. José Maria De Vera, responsable de la Communication des jésuites, qui a précisé : on ne sait pas combien de temps dure une congrégation générale, elle a duré parfois plus de 140 jours, comme celle de l’élection du P. Arrupe. Elle pouruit ses travaux, qui seront en tous cas achevés « avant Pâques » a indiqué un des membres de l’assemblée à Zenit.

Le P. Nicoals a remercié la presse de son « intérêt pour la Compagnie de Jésus et la congrégation générale et sa bienveillance envers lui ».

« Je n’ai jamais autant lu la presse, disait-il, en souriant. J’y trouve une volonté de présenter les choses sous une lumière bienveillante y compris à propos de  la liturgie de dimanche dernier ». Il faisait allusion à la messe d’action de grâce au « Gesù » (cf. Zenit du 20 janvier 2008 et du 22 janvier 2008).

Souriant encore, le P. Nicolas constatait cependant que la presse éprouvait certaines difficultés à « trouver des informations » : « Personne ne me connaît ! En Espagne, les journalistes sont comme des chercheurs de trésor, ils demandent aux gens, ils doivent aussi créer un peu de drame ». Il rectifie en passant : « Je suis le 3e de 4 frères et pas le 3e de 3 ».

« A l’Institut Balmes, où j’ai étudié seulement un an, à l’âge de 10 ans, on est allé consulter mon livret scolaire : or, cette année-là, j’ai perdu deux ans ! »

Il promet un effort pour communiquer, il parle même de « transparence », se référant aux conditions exprimées par Gandhi : que ce soit la vérité, que ce soit d’une façon aimable, et que ce soit utile aux gens.

Il espère une communication plus « intéressante » sur « ce que l’on fait dans l’Eglise aujoud’hui ».

Pas de distance avec Benoît XVI

Mais surtout, le P. Nicolas rectifie certaines oppositions qu’il estime indues : « Il ne faut pas faire, dit-il, d’antihtèse entre les jésuites et le Saint Père, entre les jésuites et le Vatican. La Compagnie de Jésus a toujours été en communion avec le Saint Père. C’est une tension artificielle créée en dehors de nous. Il y a des difficultés ? Parce qu’on est spirituelmment proches : les gens mariés le savent bien, seules les personnes qui s’aiment peuvent se blesser. Lorsqu’on cherche à travailler ensemble les difficultés sont normales. La Compagnie de Jésus veut collaborer avec le Saint Siège et obéir au Saint Père : elle n’a pas changé et ne changera pas ». Il disait se préparer à la rencontre avec Benoît XVI.

Au plan personnel il précisait : « Certains ont évoqué une « distance théologique » entre moi et Benoît XVI, or, j’ai étudié le professeur Ratzinger même à Tokyo. C’était pour nous un grand professerur qui apportait de la nouveauté et une inspiration que nous avons aimée. C’était courant parmi nous de lire ses livres. Et Ratzinger était aussi un professeur que tous lisaient aussi lorsque j’étais à Rome et à Francfort ».

Il soulignait que le dialogue continue : « La théologie est toujours dialogue : il s’agit de chercher la vérité de la vie des chrétiens, dans ce dialogue toujours dans la recherche commune de la vérité ».

Ni Arrupe ni Kolvenbach

« D’autres disent, expliquait le P. Nicolas en souriant encore, il est du type d’Arrupe, d’autres, de Kolvenbach. Cinquante pour cent, cinquante pour cent, disant les autres. Mais personne ne m’attribue 10 % d’Elvis Presley ! Tout cela est faux, je ne suis pas Arrupe, qui a été mon supérieur au Japon, et il nous a parlé bombe atomique, d’Hisroshima ! Je l’admire, mais je ne suis pas Arrupe, et je ne suis pas non plus Kolvenbach ! »

Au positif, il expliquait : « Je suis fait par la réalité, je suis en processus de devenir ce que Dieu veut, dans la réalité, je croîs en relation avec Dieu avec le Saint Père. On verra mon habileté à répondre à la réalité. Si je pourrai répondre ou non, je ne le sais pas. Et la congrégation générale me donnera des orientations. Le Père général n’est pas au-dessus de la congrégation générale ».

La difficulté de s’inculturer en Asie pour un Espagnol

Enfin, pour ce qui est de sa relation avec l’Asie, le P. Nicolas a salué au moins un point ou toute la presse a vu juste : « J’ai passé la majeure partie de ma vie en Asie », reconnaît-il, depusi l’âge de 24 ans. Il y est parti après sa philosophie à l’Alcala.

Montrant une carte établie à Manille, il rappelle qu’il y a travaillé pour assister les plus démunis, qu’il a donné les Exercices spirituels de Saint Ignace dans cette région très grande qui va jusqu’à l’Australie (pas l’Antartique cependant !), mais en Chine, en Birmanie, en Micronésie.

Cette confrontation avec l’Asie a constitué, explique le P. Nicolas, « un vrai défi sous beaucoup d’aspects », car « ce n’est pas facile », mais « pas du point de vue extérieur » – il avoue que le poisson cru lui plaît, ainsi que la cuisine japonaise, délicate et sans saveurs fortes, ne lui a pas posé de « grande difficulté ».

Cela n’a pas non plus été pour lui un problème que d’apprendre la langue, ni d’écrire « en caractères chinois ». Il avoue que la difficulté est « plus profonde ».

« Je me suis aperçu, confiait-il, que le monde n’était pas comme je le pensais en Espagne, même pour ce qui est de la façon de voir la foi. Ce que je considérais comme le ‘sens commun’ en Espagne n’est pas le ‘sens commun’ au Japon ».

Ce fut une rencontre avec un monde différent qui remettait en question des choses considérées comme normales : cela a été difficile, mais très intéressant. Il a fallu reformuler la foi non seulement dans le contexte de Vatican II, mais aussi dans celui de l’Asie, avec l’influence profonde du bouddhisme ou du shintoisme. Cela m’a beaucoup changé et aidé à comprendre, à accepter ce qui est différent, en essayant de comprendre et d’apprendre de ces différences ».

« J’ai ainsi appris  à sourir devant les difficultés des réalités humaines, continuait le P. Nicolas. En Espagne, j’étais un peu intolérant, de la ligne ‘toujours en ordre’. La religion était encore comprise comme la fidélité à une série de pratiques religieuses. Au Japon, j’ai réalisé que la vraie religiosité est plus profonde, qu’il faut aller au fond de la personne. C’est une bonne façon d’entrer dans un monde différent. Et d’apprendre à sourire à des difficultés qui m’auraient rendu très nerveux en Espagne ».

Le rythme et l’humanisme de l’Extrême Orient

Il soulignait qu’on dit à juste titre que les Japonais travaillent 24 h par jour, mais, précisait-il, c’est « piano piano » : les Japonais ont « un rythme différent, pour le travail, et pour la façon de voir les personnes : c’est pour eux un scandale de nous voir si stricts, si intolérants ».

Le nouveau père général a conclu : « L’Asie peut enrichir beaucoup l’Eglise universelle. L’Asie peut apporter beaucoup :
le Japon avec sa culture, sa profondeur, ses questions. Le bouddhisme même a été transformé par les pays qu’il a traversés. Au Japon, on constate un approfondissement, lorsque le Zen devient citoyen japonais. Nous pouvons tirer quelque chose de ce monde ».

Pour ce qui est de la Chine, le père Nicolas y voit « un monde en soi, avec une diversité de cultures, de langues : plus de 27 groupes ethniques dans le sud de la Chine parlent différentes langues chinoises et même l’arabe ».

Il citait aussi la Corée, le Vietnam, les Philippines qui sont un peu comme « l’Italie de l’Asie », avec son « humour », et son « sens des lois un peu ample », son « sens de la vie ».

Il citait cette plaisanterie : « Tu es vraiment Philippin si les lois de la circulation ne sont pas des lois mais des recommandations ».

Il soulignait « l’humanisme profond asiatique », continuant son tour d’Asie par l’Indonésie, la Malaisie, l’Australie, avec en quelque sorte sa mission d’être un « pont entre l’Asie et l’Occident », mais aussi la Birmanie, le Timor oriental et le Cambodge, où les jésuites ouvrent de nouvelles missions dans ces pays d’où auparavant ils avaient été expulsés.

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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