Remplacer l´attitude de supériorité par un rapport de coopération

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Interview de Mgr Diarmuid Martin sur l´aide des pays riches aux pays pauvres

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ROME, dimanche 20 mai 2001 (ZENIT.org/(AVVENIRE)) – « Notre époque a pour la première fois, la connaissance, les moyens et les capacités politiques nécessaires pour vaincre la pauvreté et les inégalités. Malgré cela, de grands déséquilibres persistent à travers le monde. » C´est ce qu´a déclaré mercredi dernier, Mgr Diarmuid Martin, aux participants de la Troisième Conférence des Nations Unies sur les Pays les moins développés, qui avait lieu à Bruxelles. Mgr Martin est l´Observateur permanent du Saint-Siège près les Nations Unies à Genève et le chef de la délégation vaticane à la Conférence sur les Pays les moins développés, au cours de laquelle il est intervenu pour rappeler l´importance de politiques de développement qui privilégient la personne et les capacités humaines.

La solidarité, a déclaré Mgr Martin, « n´est pas une propriété privée, pas plus qu´elle n´appartient à la droite ou à la gauche, au nord ou au sud. C´est un impératif éthique de l´humanité qui cherche à réaffirmer sa propre vocation à être une famille globale ».
En ce sens, le représentant du Saint-Siège a rappelé « l´importance des communautés comme sujets de développement ». « Nos stratégies, a-t-il poursuivi, doivent avoir pour but de renforcer ces communautés à partir de la famille, pour garantir un développement pleinement enraciné dans les cultures locales, et pour veiller à ce que ses effets profitent au pays tout entier ».

Mgr Martin a répondu aux questions du quotidien italien « Avvenire ».

Q : Dans votre intervention, vous avez invité les participants à faire un « examen de conscience » sur les politiques visant à combattre la pauvreté. Pourquoi?

Mgr Diarmuid Martin: La raison en est simple: en vingt ans, c´est la troisième conférence de l´ONU sur les pays les moins développés. Cela n´a pas empêché ces pays d´augmenter. Il est évident que quelque chose ne va pas. Et il est naturel qu´à ce point, on s´interroge sur la validité des interventions réalisées.

Q: Vous vous êtes déjà posé cette question. Et quelle est votre réponse?

Mgr Diarmuid Martin: Les pays développés, en commençant par l´Union européenne qui organise cette conférence, doivent avoir le courage de reconnaître leurs erreurs, que l´on pourrait résumer en une attitude de supériorité vis à vis des pays plus pauvres. Un comportement de superpuissance qu´il faut remplacer par un vrai rapport de coopération.

Q: Qu´est-ce que vous entendez par un vrai rapport de coopération?

Mgr Diarmuid Martin: Il s´agit d´investir dans les capacités des personnes. Investir dans la formation des personnes. Au fond, le but du développement est de rendre toute personne capable de faire fructifier les capacités que Dieu lui a données. En clair cela signifie: moins d´assistance, plus de développement.

Q: En revanche, ces dernières années, on a davantage mis l´accent sur l´assistance?

Mgr Diarmuid Martin: Je dirais que même ici, à Bruxelles, on parle encore trop d´assistance. On ne parle pas, par exemple, de la création de postes de travail. Et pourtant il s´agit d´un thème central, d´un point essentiel à toute vraie politique de développement. Tout d´abord parce qu´un travail digne est le premier facteur permettant à l´homme de faire fructifier ses propres capacités. Et en second lieu parce qu´il permet à la personne de prendre sa vie en main, de ne plus dépendre de l´assistance de la grande puissance au pouvoir. La création de nouveaux postes de travail devrait aussi être utilisée comme instrument pour évaluer l´efficacité des différents programmes de lutte contre la pauvreté.

Q: Y a-t-il un moyen privilégié pour créer des postes de travail?

Mgr Diarmuid Martin: Il est important d´investir dans la formation, mais il est tout aussi important de créer un esprit de petite entreprise. Les exemples positifs ne manquent pas et ils montrent aussi que les femmes sont particulièrement capables de répondre à cet encouragement. Les rapports de coopération devraient donc récompenser les petites entreprises qui marchent. On arrive ici à la question de la dette extérieure: lorsque ces entreprises marchent, il est important de garantir le réinvestissement des bénéfices réalisés. Lorsque la dette est trop grande, cela devient impossible. Les richesses locales sont utilisées pour payer des intérêts trop élevés et on entre dans le cercle vicieux de la pauvreté.

Q: Mais si à Bruxelles on parle peu de travail, on parle en revanche beaucoup de « good governance », de capacité à bien gouverner. Le programme de l´ONU pour le développement vient d´annoncer la création d´un nouveau Fonds pour promouvoir cette « good governance ». Qu´est ce que vous en pensez?

Mgr Diarmuid Martin: Tout dépend de la manière dont ce fonds sera structuré. Comme nous venons de le souligner, il est important d´investir surtout dans la formation des personnes qui seront ensuite en mesure de garantir cette « good governance ». Les pays les plus pauvres ont désormais accepté ce critère, mais ce serait une erreur de considérer que le problème de la « good governance » ne concerne que les pays les moins développés. L´Union européenne par exemple, devrait reconnaître que son passé dans ce domaine n´est pas vraiment un modèle. Les fonds destinés à telle ou telle œuvre, jamais arrivés à destination, les nombreux cas, même récents, de mauvaise coopération, en sont la preuve.

Q: A l´occasion de cette conférence, l´Union européenne a lancé une nouvelle initiative pour ouvrir le marché de l´Union aux produits des pays moins développés. Qu´en pensez-vous?

Mgr Diarmuid Martin: Il s´agit d´une bonne initiative, même si elle est, au moins dans un sens, un peu curieuse. Le programme s´intitule « Tout sauf les armes » (everything except arms). Ceci signifie que les armes seront le seul produit des pays les plus pauvres qui ne pourra pas entrer sur le marché européen. Honnêtement, je ne sais pas à combien s´élève le commerce des armes des pays pauvres vers l´Europe, mais nous savons tous que le commerce des armes de l´Europe vers les pays pauvres est très important. Il faudrait donc que l´Union européenne renverse l´initiative « Tout sauf les armes », imposant à ses Etats membres de bloquer le trafic d´armes vers ces pays, étant donné que les guerres et les conflits civils sont parmi les principales causes de pauvreté. Mais il ne me semble pas qu´il soit question de cela, ici à Bruxelles.

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ZENIT Staff

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