"Que veux-tu faire, plus tard?" – "Je veux être prêtre"

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Entretien avec le cardinal Saraiva Martins

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CITE DU VATICAN, Mercredi 4 avril 2001 (ZENIT.org) – « Que veux-tu faire, plus tard? » – « Je veux être prêtre ». A l´occasion de la publication de la Lettre de Jean-Paul II aux prêtres pour le Jeudi Saint 2001, nous publions un entretien dans lequel le cardinal José Saraiva Martins, Clarétin, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, témoigne de la façon dont il a perçu l´appel au sacerdoce et en quelles circonstances il y a répondu.
Créé cardinal 21 février dernier, il revient sur ses impressions du dernier consistoire. Préfet de la congrégation pour les Causes des saints, il explique en quoi consiste son travail et celui de son dicastère.
Le mois d´avril s´achèvera sur de nouvelles béatifications, ce témoignage éclaire l´importance donnée par Jean-Paul II à la sainteté dans l´Eglise aujourd´hui, en consonance avec l´appel universel à la sainteté contenu dans la constitution conciliaire Lumen Gentium.
Cette sainteté est manifeste aussi chez les enfants. Portugais, le cardinal Saraiva Martins souligne en effet: « La béatification des pastoureaux de Fatima est d´une importance extraordinaire ».
Hélas, un entretien écrit ne peut pas rivaliser avec la radio pour transmettre le ton de voix constamment joyeux – joie d´être prêtre, joie du don -, qui accompagne les propos du nouveau cardinal.

Q. – Eminence vous êtes responsable d´une congrégation dont l´activité est particulièrement importante puisque le pape Jean-Paul II ne cesse de donner à l´Eglise universelle de nouveaux modèles de sainteté évangélique. Mais avant de parler de votre mission, pourriez-vous expliquer, en particulier à l´intention des jeunes, comment est née votre vocation, votre vocation sacerdotale, puisque nous nous préparons à Pâques, et que le pape vient de publier sa Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint 2001?

R. – Pour ce qui est de ma vocation sacerdotale, elle m´est venue lorsque j´étais enfant, au sein de ma famille, une famille profondément religieuse. Elle a fleuri très tôt et a pu se développer graduellement dans ce contexte de la famille.
Tout petit déjà je voulais devenir prêtre. La vocation, comme le dit le pape dans son livre, est un « don » et un « mystère ». Pour moi aussi c´est un don et un mystère parce que ma vocation est venue ainsi, instinctivement. C´est un don de Dieu et un mystère de Dieu.
Je me souviens que lorsque mes parents me demandaient, comme cela se fait ordinairement dans les familles – nous étions huit -: « Qu´est-ce que tu veux devenir quand tu seras grand? » Alors l´un ou l´autre répondait: moi, professeur, moi, docteur, et moi je disais toujours: « Je veux être prêtre ». Je n´en savais pas la raison. Mais je voulais être prêtre. C´était mon idée! C´est certainement Dieu qui me l´avait mis en tête! C´est ainsi que m´est venue ma vocation au sacerdoce.

Q. – Et comment avez-vous pu y répondre?

R. – Ma réponse a été très naturelle, très spontanée. J´ai dit à mes parents que comme toujours, je voulais aller au séminaire. En vérité, ma mère était contente que je veuille aller au séminaire. Or, mon père n´était pas aussi content! Il aurait préféré que je reste à la maison pour l´aider. Mais ma réponse a été ferme: je veux entrer au séminaire pour devenir prêtre. Un de mes cousins a eu un rôle décisif. Il était séminariste et il a convaincu mon père de me laisser partir. Et c´est ainsi que je suis entré au séminaire, alors que j´avais 12 ans.

Q. – C´était loin de chez vous?

R. – Oui, assez loin! Le séminaire était près de Porto, plus ou moins à 300 kilomètres de ma maison, de ma famille, de ma ville.

Q. – C´était une vraie séparation!

R. – Une vraie séparation, au sens propre.

Q. – Qu´est-ce qu´a signifié ensuite le « nouvel appel » à devenir évêque?

R. – En 1988, le Saint-Père m´a nommé secrétaire de la congrégation pour l´Education catholique. Ce qui correspond à l´intérieur de l´Eglise, à ce qu´on appelle en termes civils, le « ministère de l´Education ». En dépendent les séminaires, les universités catholiques et ecclésiastiques, les écoles catholiques, etc. Lorsque le pape m´a nommé à cette charge, il m´a aussi nommé évêque parce que les secrétaires des dicastères de la curie romaine sont toujours évêques, et même archevêques. J´ai reçu l´épiscopat comme un service, comme un nouveau service. Le service sacerdotal, d´une façon différente. Le concile Vatican II a dit souvent que la mission des prêtres, des évêques, est un service. Et c´est ainsi que j´ai reçu mon ordination épiscopale, pour un service du peuple de Dieu.

Q. – Il vous est arrivé une aventure, à la fois heureuse et dramatique, au cours de l´exercice de vos fonctions: un avion…

R. – C´est une chose très simple. Jusque-là je croyais dans la providence, mais depuis ce jour-là, beaucoup plus! J´étais allé au Japon, pour visiter le séminaire de Fukuoka, une ville du sud du Japon. Ensuite, je suis allé visiter le séminaire du Saint-Esprit à Hong Kong. Et après Hong Kong, je devais repartir pour Rome.
Je me suis rendu à l´aéroport en compagnie du recteur du séminaire, j´ai fait l´enregistrement de mes bagages et l´idée m´est venue de ne pas pendre cet avion, sans motif apparent. J´avais au contraire tous les motifs de le prendre: mon billet pour cet avion, mes bagages enregistrés… Et pourtant je me suis dit: je ne prends pas cet avion. Je suis revenu au séminaire. J´ai pris un autre avion le lendemain.
Lorsque je suis arrivé chez moi à Rome, tous me regardaient un peu apeurés. Ils avaient appris par la télévision que l´avion que je devais prendre s´était écrasé et qu´il n´y avait pas de survivant… Ils se demandaient: Comment, il n´est pas mort? Jusqu´alors j´ignorais que l´avion s´était écrasé en Malaysie, à Kuala Lumpur. Le recteur du séminaire, qui avait été témoin de la scène de l´aéroport, et qui, au début, en avait été un peu fâché, m´a envoyé une photo de l´accident de l´avion: « Je t´envoie ton avion ». Mon heure n´était pas venue et Dieu m´avait inspiré de ne pas le prendre…

Q. – Le 21 février dernier, au cours du dernier consistoire, le pape Jean-Paul II vous a créé cardinal. Vous faites partie de ces premiers cardinaux du Troisième millénaire! A l´intérieur du service épiscopal, qu´est-ce que signifie recevoir la dignité de cardinal?

R. – Le cardinalat n´est pas à proprement parler une « vocation », il ne faut pas non plus le considérer comme un « pouvoir ». Mais toujours, dans la ligne du service de l´Eglise. Pour moi le cardinalat est un stimulant encore plus fort à travailler pour le Christ et pour l´Eglise, en communion intime avec le Saint-Père. Le cardinal est un collaborateur du pape, d´une façon particulièrement forte, comme le Saint-Père l´a dit pendant le consistoire. C´est ainsi que j´envisage le cardinalat: comme un nouveau service à exercer en harmonie intime, en parfaite communion avec le Saint-Père.

Q. – Ce consistoire a été « mémorable », disait le pape. Vous l´avez vécu également ainsi?

R. – C´était le plus « nombreux » des consistoires et le plus représentatif de l´universalité de l´Eglise. Le collège cardinalice doit exprimer l´universalité de l´Eglise qui n´est ni méditerranéenne, ni atlantique, ni européenne, ni américaine, mais universelle. Je l´ai vécu avec une grande gratitude envers le Saint-Père pour m´avoir voulu dans le collège cardinalice, et avec la volonté de correspondre le plus possible à cette confiance.

Q. – Mais le consistoire, c´était aussi la joie des fidèles…

R. – Des fidèles venus de tant de pays différents pour « leur » cardinal. Pour ce qui me concerne, ils étaient venus en grand nombre du Portugal. Beaucoup d´entre eux n´avaient pas encore eu l´occasion de ven
ir à Rome ni de voir le pape et c´était un motif de joie supplémentaire. Une grande fête de famille, de la famille qu´est l´Eglise.

Q. – Et tout de suite le pape Jean-Paul II met les nouveaux cardinaux au travail en convoquant un nouveau consistoire!

R. – Oui, au mois de mai. Et, comme le communiqué officiel l´a annoncé, pour étudier les problèmes de l´Eglise à la lumière de la nouvelle Lettre apostolique du pape « Novo millennio ineunte ». Cette très belle – très belle – lettre du pape, pastoralement extraordinaire, est le programme de l´Eglise au troisième millénaire. Le consistoire devra donc approfondir ce programme, collégialement. Il sera très important pour l´Eglise de demain.

Q. – Pour revenir à votre tâche précise de Préfet de la congrégation pour les causes des saints, en quoi consiste votre travail, commet se déroule votre journée?

R. – Mon travail – et celui du dicastère – consiste dans l´étude des différents procès de béatification et de canonisation. Mais cet examen est délicat et parfois complexe. Chaque cause doit être étudiée de façon approfondie, du point de vue historique, du point de vue théologique, du point de vue médical et scientifique, lorsqu´il s´agit des miracles, ce qui réclame une grande attention de la part du dicastère.
Une fois les causes étudiées au niveau du dicastère, le préfet convoque l´assemblée ordinaire, c´est-à-dire une trentaine de personnes entre cardinaux et évêques: ils examinent alors ensemble le travail accompli, des trois points de vue, historique, théologique et médical, et l´approuvent ou non!
Si leur avis est positif, le chef du dicastère transmet le tout au Saint-Père à qui il revient de décider s´il faut béatifier – et quand – tel serviteur de Dieu, ou canoniser tel bienheureux. Voilà ce qui occupe mes journées!
D´ordinaire j´arrive au dicastère à 7 heures 30 le matin, et j´y reste jusqu´à 13 h 30, et le mardi et le vendredi, j´y suis aussi l´après-midi, de 17 heures à 20 heures. Ce sont des journées consacrées à cet aspect fondamental dans l´Eglise qu´est la sainteté.

Q. – Pourquoi est-ce si important ?

R. – Nous parlons de « la sainteté de l´Eglise », de « l´Eglise sainte », c´est pourquoi ce dicastère est central et tient tellement à cœur au Saint-Père. Dès le début de son pontificat, il a mis en valeur, comme jamais, la sainteté de l´Eglise. C´est ce qui explique le très grand nombre de saints et de bienheureux de son pontificat: jusqu´ici 1376, c´est-à-dire plus de saints et de bienheureux que ses prédécesseurs depuis 1588, année de la fondation de la congrégation!

Q. – L´opinion publique a été frappée de l´initiative du pape Jean-Paul II de demander pardon, au cours du Jubilé, le 12 mars 2000, pour les fautes commises par les fils de l´Eglise au cours des siècles, c´est la part « d´ombre » de la vie de l´Eglise. Mais en même temps elle reste sainte et votre congrégation est particulièrement chargée de la part de « lumière », de manifester la sainteté?

R. – Oui, le travail de ce dicastère est justement de mettre en lumière cette sainteté vécue, concrète. On touche du doigt que l´Eglise est sainte. Tant de baptisés ont vécu l´Evangile de façon radicale. Tant de chrétiens, et pas seulement des évêques, des prêtres, des religieux, mais tant de laïcs, ont pris l´Evangile au sérieux, l´ont vécu à fond, dans toutes ses conséquences. C´est cela, la sainteté. Et c´est cette sainteté que manifestent les béatifications et les canonisations faites par le Saint-Père. C´est la raison pour laquelle ce dicastère lui tient tellement à cœur. La mise en valeur de la sainteté est l´une des lignes fondamentales de son pontificat.

Q. – Vous parliez, Eminence, de la sainteté dans tous les états de vie, mais aussi de tous les âges de la vie. Ainsi, le 13 mai 2000, le pape Jean-Paul II a béatifié deux enfants, Jacinta et Francisco Marto, deux des trois petits voyants de Fatima, qui vous sont chers aussi parce que vous venez du Portugal.

R. – La béatification des pastoureaux de Fatima est d´une importance extraordinaire, surtout dans le monde d´aujourd´hui marqué par la grande question de la condition des enfants, par exemple, celle des « enfants des rues », avec tous les problèmes que cela soulève. Les pastoureaux de Fatima, Jacinta et Francisco, transmettent à ces enfants un message fondamental, celui d´être fidèles à l´Evangile malgré leur âge, tout en étant des enfant « normaux ». En béatifiant les bergers de Fatima, le Saint-Père les a proposés comme modèles aux enfants d´aujourd´hui: deux exemples magnifiques, du point de vue humain et du point de vue chrétien.

Q. – Cette béatification a ouvert la porte à celle d´autres enfants?

R. – Il y a d´autres causes d´enfants, même s´ils ne sont pas très nombreux. Mais les enfants de Fatima ont été les premiers enfants non martyrs à être béatifiés dans l´histoire de l´Eglise, et ils sont importants pour cela. Jusqu´à il y a quelques années, une norme établissait qu´il ne pouvait avoir de procès de béatification pour des enfants. On estimait qu´un enfant n´était pas capable de pratiquer les vertus de façon héroïque. Mais ce dicastère a étudié le problème à fond du point de vue psychologique aussi bien que théologique, puis juridique et l´on est arrivé à cette conclusion que même des enfants peuvent pratiquer les vertus à un degré héroïque. Sur la base de cette étude, le Saint-Père a commencé une pratique nouvelle pour les enfants. Un enfant aussi peut-être saint, un enfant aussi peut-être héroïque dans la pratique des vertus comme l´ont été Jacinta et Francisco.

Q. – Vous avez des saints préférés?

R. – Oui, et parmi eux, saint Antoine « de Lisbonne » – au Portugal on dit « de Lisbonne », et non « de Padoue », puisqu´il est né dans la capitale portugaise! Il est docteur de l´Eglise, docteur « évangélique ». C´est un théologien très profond: ses « sermons » sont d´authentiques traités de théologie. Avant d´aller au Maroc comme missionnaire, il était professeur de théologie. Et lorsqu´il est venu en Italie, saint François lui a demandé d´enseigner ses frères. Pour les autres saints, j´avais déjà deux statues des petits bergers chez moi, bien avant leur béatification. Et bien sûr la Vierge Marie, sainte entre toutes.

Q. – Aimeriez vous ajouter quelque chose pour nos lecteurs?

R. – J´aimerais les inviter à avoir le courage de rester fidèles à certaines valeurs fondamentales de la vie. Nous assistons aujourd´hui à un certain affaiblissement des valeurs fondamentales, humaines et chrétiennes, qui sont la « colonne » de la vie ensemble comme chrétiens, comme êtres humains. Cela n´empêche pas le progrès, la modernité, c´est clair: nous ne pouvons pas rester immobiles. Mais tout vrai progrès, selon moi, pour être tel, doit s´appuyer sur ces valeurs auxquelles on ne peut renoncer: par exemple la vie, la solidarité, l´ouverture aux autres et le dialogue. Elles jaillissent de l´être même de l´homme, et ne pas les respecter c´est renoncer à soi, à son identité. Je souhaite à vos lecteurs cette fidélité aux valeurs humaines et chrétiennes fondamentales dont je viens de parler, et un authentique progrès social.

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Rédaction

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